PLF 2024 : une équation sans grande surprise

Le projet de loi de finances pour 2024 a été officiellement présenté ce mercredi 27 septembre. Au-delà du volet finances locales dévoilé la veille et de la transition écologique, ce PLF oscille entre mesures anti-inflation, économies budgétaires visant le désendettement et crédits supplémentaires dans certains domaines, notamment pour traduire des engagements récents pris dans le cadre de divers plans tels que le pacte des solidarités ou France ruralités. Lequel inclut d'ailleurs une réforme des ZRR.

C'était la septième fois pour Bruno le Maire. La présentation à la presse, le dernier mercredi de septembre, du projet de loi de finances, avant passage en conseil des ministres. A chaque année son slogan. Ce sera cette fois "Maîtriser la dépense pour investir dans l'avenir". Le tout dans un "contexte inflationniste qui brouille tous les repères", a d'emblée souligné le ministre de l'Economie, sur fonds de crise de l'inflation "la plus grave depuis les années 1970". Dans ce contexte, les "trois défis" du gouvernement : "mettre fin à la flambée des prix", "accélérer le désendettement", "dégager des marges de manœuvre" pour "investir sur le long terme".

Sur le premier d'entre eux, tout en soulignant que "l'Etat ne peut pas tout porter à lui seul" (les acteurs économiques doivent participer à l'effort), Bruno Le Maire mentionne par exemple l'"indemnité carburant travailleur" et "l'indexation sur l'inflation de l'ensemble des prestations sociales, des retraites et de l'impôt sur le revenu".

En matière de désendettement, 16 milliards d'euros d'économies sont inscrites dans le projet de loi initial. Celles-ci concernent notamment la sortie du bouclier énergie tarifaire (10 milliards d'économies), le "recentrage" de certaines aides aux entreprises (4,4 milliards), les politique de l'emploi et de l'apprentissage (1 milliard) et l'assurance chômage (700 millions).

"Ce budget 2024 est donc la première marche d'une trajectoire pluriannuelle des finances publiques ambitieuse", a assuré le ministre, sachant que le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 a fait son retour au Parlement et vient d'être adopté en commission des finances de l'Assemblée avant passage en séance publique (avec possible 49.3 en bout de course). Une "trajectoire" que Bercy entend soutenir par la croissance, les "réformes de structure" (assurance chômage, retraites…) et les revues de dépenses publiques. Celles-ci ont déjà permis d'identifier des gisements d'économies du côté par exemple du Pinel ou des opérateurs de l'Etat et il est prévu de viser "une quinzaine de secteurs" chaque année.

S'agissant du troisième "défi", celui-ci implique selon Bercy une croissance dopée par les baisses d'impôts. Côté entreprises, le PLF 2024 inclut une nouvelle baisse de la CVAE, de 1 milliard d'euros, le ministre évoquant sa suppression totale "au plus tard en 2027" (ou, dira-t-il plus tard, "dès que ce sera possible").

Le tout devra permettre d'investir dans "la sécurité, le régalien, l'éducation" et, évidemment, la transition écologique.

Le nouveau ministre délégué aux comptes publics, Thomas Cazenave, a lui aussi insisté sur le fait que la transition écologique était "la priorité absolue" de ce PLF, citant, pêle-mêle, les 7 milliards de la planification écologique (voir notre article dédié de ce jour), les transports (dont les RER métropolitains), la rénovation énergétique, le plan chaleur, le fonds vert pour les collectivités porté à 2,5 milliards. Et insistant sur le "rôle majeur" des collectivités, y compris par la généralisation des budgets verts.

Collectivités : "verdissement" des dotations

Sur le volet finances locales du PLF, qui avait été détaillé la veille au comité des finances locales où il avait reçu un accueil à peine tiède (voir notre article de mardi), Thomas Cazenave aimerait que l'on "arrête d'opposer Etat et collectivités". Il a rappelé quelques grandes lignes pour 2024 : 54,8 milliards de concours financiers aux collectivités, une dotation globale de fonctionnement (DGF) en hausse de 220 millions, extension du FCTVA aux dépenses d'aménagement…

Le dossier de présentation met aussi l'accent sur le maintien du niveau des dotations de soutien à l’investissement local de droit commun (DSIL, DETR, DPV et DSID) et mentionne diverses "mesures de soutien ciblées", dont un abondement de 47 millions d'euros ou les 5 millions dédiés au plan de lutte contre les violences faites aux élus. Comme prévu par le plan France ruralités (voir notre article), la "dotation de soutien pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales", bénéficiera de 58 millions supplémentaires "afin d’accompagner les collectivités disposant d’aménités rurales sur leur territoire". Autre point, qui avait d'ailleurs fait tiquer certains élus membres du CFL : la poursuite du "verdissement des dotations d’investissement" impliquant que 30% des projets financés par la DSIL, 25% de ceux financés par la DSID et 20% de ceux bénéficiant de la DETR "devront être considérés comme favorables à l’environnement".

Dans la colonne voisine "aménagement du territoire", le gouvernement liste 90 millions en faveur du plan France ruralités (dont 30 pour les mobilités), une hausse des moyens des espaces France services, le financement de chefs de projets Villages d'avenir… ou, côté politique de la ville, des crédits en hausse de 38 millions (dont 28 millions pour "généraliser les cités éducatives à l'ensemble des quartiers prioritaires") et une enveloppe de 50 millions dédiés au NPNRU.

Thomas Cazenave a indiqué qu'il prévoyait de lancer prochainement "une grande mission" sur "la réduction du coût des doublons entre l’État, les opérateurs et les collectivités" et "la réduction du coût des normes", rappelant par ailleurs l'installation récente par Bruno Le Maire du Haut Conseil des finances locales (voir notre article). Enfin, il s'est dit "ouvert aux propositions", soulignant que la version du PLF présentée ce mercredi était bien un "texte initial". Cela tombe bien, les associations d'élus locaux ne manquent pas d'idées pour le faire évoluer. Dès ce mercredi, l'Association des maires de France parle de "premières avancées que la discussion parlementaire devra compléter", notamment du côté des recettes de fonctionnement. L'association Départements de France a pour sa part déploré que "le PLF, tel que présenté, suscite une profonde inquiétude quant à son impact sur les départements qui sont les plus exposés".

On relèvera que dans son communiqué consécutif à l'adoption de la loi de programmation des finances publiques en commission, Bercy souligne que "le gouvernement proposera à l’Assemblée nationale, en séance publique, que l’effort demandé aux collectivités soit trois fois moins important que celui demandé à l’Etat : la dépense primaire de l’Etat devra ainsi reculer en moyenne de -0,9% par an en volume entre 2023 et 2027, contre -0,3% par an pour les collectivités".

Quelques focus

  • Zonages – Un article du PLF vient modifier les dispositifs fiscaux zonés bénéficiant aux territoires ruraux en difficulté, dans le cadre du plan France ruralités. Il vient en effet fusionner les zones de revitalisation rurale (ZRR), les bassins d’emploi à redynamiser (BER) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMiR) en un zonage unique dénommé "France Ruralités Revitalisation". Le tout, comme l'avait indiqué Dominique Faure il y a quelques jours (voir notre article) en misant sur "la maille intercommunale", avec deux niveaux : un niveau socle en un niveau renforcé appelé "France Ruralités Revitalisation Plus" pour les communes les plus vulnérables. Les zonages politique de la ville (ZFU-TE et QPV) sont prorogés jusqu’en 2024 "afin d’envisager leur révision une fois achevée la délimitation du nouveau zonage des QPV et de permettre la signature des nouveaux contrats de ville".
     
  • Social – Le Pacte des solidarités présenté le 18 septembre par Elisabeth Borne (voir notre article) se traduit par "une augmentation de 50% des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté par rapport à la stratégie précédente" : contractualisation avec les conseils départementaux et les métropoles (223 millions en 2024), fonds d’innovation pour la petite enfance (10 millions), Plan Logement d'abord II (73 millions pour l'ouverture de nouvelles places), petits déjeuners à l’école dans certains territoires (17 millions), Pass’ colos, programme "Mieux manger pour tous" (70 millions), renforcement du soutien de l'Etat aux communes "qui s’engagent en faveur de la qualité des repas", maintien du financement dédié aux jeunes majeurs de l'ASE…
     
  • Logement – Au-delà de la rénovation énergétique (Ma Prime Rénov', Mon Accompagnateur Rénov’…) du parc privé, le PLF inclut la pérennisation du dispositif "seconde vie" pour le logement social, dispositif initié il y a un an par l'USH et la Caisse des Dépôts, qui "encourage les rénovations particulièrement ambitieuses du parc à travers une exonération de taxe foncière de 25 ans, pour les passoires thermiques atteignant au moins la classe B du DPE". "Le travail continue avec l'USH" et d'autres mesures seront donc "probablement" insérées dans le PLF par voie d'amendement, a fait savoir Thomas Cazenave. En termes de production de logements, tout comme l'éco-PTZ, le PTZ est bien prolongé jusqu’en 2027 mais recentré sur l’achat d’appartements neufs en zone tendue (ou conditionné à des travaux de rénovation pour un logement ancien en zone détendue).
     
  • Education – Le PLF présente un budget de l'Éducation nationale à 63,6 milliards d'euros, soit une hausse de 6,5% sur un an, essentiellement portée par la revalorisation "socle" des enseignants. Au-delà, on note quelques mesures pour "mieux accompagner les territoires". Le dispositif des Cités éducatives, qui sera progressivement étendu, bénéficiera de 25 millions d'euros en 2024. Autre généralisation attendue : celle des territoires éducatifs ruraux (TER), dotés de près de 5 millions d'euros en 2024 (+3 millions par rapport à 2023). Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires est supprimé compte tenu, est-il dit, de "l’aspect résiduel du dispositif et afin de le mettre en cohérence avec le libre choix des communes et des EPCI dans le développement d’activités périscolaires".
     
  • Handicap Le PLF vient traduire certaines des mesures annoncées lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) ou du comité interministériel du handicap du 20 septembre (voir notre article) : pôles d’appui à la scolarité (PAS) cumul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et d’une activité professionnelle, soutien aux collectivités territoriales dans la mise en accessibilité de leurs bâtiments (500 millions) et à la mise en accessibilité de certains ERP à travers la création du fonds territorial d’accessibilité (300 millions). Le dispositif Ma Prime Adapt’ sera lancé le 1er janvier 2024.
     
  • Culture – Le budget du ministère de la Culture s'élèvera en 2024 à 4,46 milliards d'euros, soit une hausse de +6% indiqué la ministre de la Culture Rima Abdul Malak à la presse. Près d'1,2 milliard d'euros est dédié au patrimoine, 746 millions d'euros sont affectés au financement de la production cinéma et audiovisuelle et 210,5 millions au Pass Culture. 1 milliard financera plusieurs programmes de soutien à la création et à la diffusion de spectacles vivants, à la production et à la diffusion des arts visuels, notamment. Les 241 millions supplémentaires permettront de "soutenir les artistes, la relève des métiers, les écoles de l'enseignement supérieur", de financer des mesures pour le "patrimoine, la transmission de la mémoire et de grands investissements" ou encore de "développer la lecture et l'accès à la culture des jeunes générations".
 

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