Planification écologique : Emmanuel Macron appelle à "doubler le taux d'effort" dans tous les secteurs
La France doit "doubler" son "taux d'effort" pour réduire ses émissions de CO2 si elle veut atteindre ses objectifs en 2030, a prévenu Emmanuel Macron ce 28 janvier dans une vidéo faisant le bilan du premier conseil de planification écologique. Transports, agriculture, énergie, bâtiment… : le président de la République a dressé le calendrier des échéances à respecter, de février à juin.
"Aujourd'hui, on n'y est pas. Et si on ne change pas les choses, on n'y arrivera pas", a lancé Emmanuel Macron dans une vidéo publiée ce 28 janvier sur les réseaux sociaux, deux jours après avoir réuni en toute discrétion un premier "conseil de planification écologique" à l'Élysée. "Si on veut atteindre notre cible 2030, on doit passer à 270 millions de tonnes de CO2 émises", contre 410 millions de tonnes en 2022, rappelle le chef de l'État, "ce qui veut dire qu'il faut entre maintenant et 2030 baisser de 140 millions de tonnes, (...) ce qui veut dire qu'on doit simplement doubler le taux d'effort par rapport à ce qu'on a fait ces cinq dernières années".
Le président de la République a passé en revue les émissions de CO2 par grand secteur contribuant à réchauffer l'atmosphère, des transports - première source d'émission en France avec 30% - aux déchets (3%), en passant par l'agriculture (19%), l'industrie (19%), le bâtiment (18%) et l'énergie (10%). Emmanuel Macron retient ainsi "deux leçons" des tendances les plus récentes : l’une, "un peu inquiétante" puisque le secteur des transports n’a pas réduit ses émissions sur la période 1990-2022, "au contraire". L’autre, "positive", puisque le plan de sobriété annoncé en octobre dernier "a bien marché".
"Électrifier le parc de véhicules particuliers"
Le conseil de planification écologique a permis de faire le point par secteur d'activité. Concernant les transports, "la chose la plus efficace", "ce qui est le plus rentable à l'euro investi pour diminuer la tonne de CO2" est de "réussir à électrifier le parc de véhicules particuliers", estime Emmanuel Macron. Le président veut ainsi poursuivre avec la prime à la conversion et le bonus écologique, deux composantes d’une "bonne" stratégie visant à remplacer les véhicules les plus polluants. Et produire des véhicules électriques "en totalité" en France, "pour que ce soit plus écologique en production sachant que [le pays] a un bon mix électrique pour les alimenter". Le ministre Clément Beaune est ainsi chargé d’intensifier "pour cet été ce pilier de notre action".
Améliorer les infrastructures de transports publics
"La deuxième chose ensuite, c'est de financer des solutions pour se déplacer et des infrastructures nouvelles pour permettre partout de passer aux transports collectifs dès qu’on le peut", a souligné Emmanuel Macron. "Ce sont nos fameux RER métropolitains" – le premier a été lancé à Strasbourg, avec quelques ratés au démarrage (voir notre article du 23 janvier 2023) -, "c'est tout ce qu'on peut faire pour régénérer certaines petites lignes ou trains de nuit", "c'est ce qu'on peut faire pour améliorer les interconnexions et améliorer justement les infrastructures existantes de transports publics", a-t-il détaillé. "Ces éléments seront détaillés en février par la Première ministre quand elle présentera les décisions du gouvernement en réponse au rapport du conseil d’orientation des infrastructures", a indiqué le chef de l'État.
Agriculture : réduire les émissions et les intrants
"Notre deuxième axe, c'est l'agriculture", a-t-il embrayé. "On doit aller beaucoup plus loin, beaucoup plus fort pour réduire nos émissions et nos intrants ", a exhorté le président, qui entend avoir un plan finalisé "en juin". Celui-ci devra s'articuler avec une future "loi d'orientation pour l'installation et l'aide aux jeunes agriculteurs". Liant agriculture et énergie, Emmanuel Macron semble indiquer que les aides à l'installation des jeunes agriculteurs pourraient être conditionnées à des objectifs en matière de production d'énergie ou de biomasse. Le ministre de l’Agriculture est chargé d’élaborer "un plan" qui sera finalisé "pour juin". D'ici "mars-avril", le président compte aussi "finaliser la stratégie forestière" de replantation d'"un milliard d'arbres" pour améliorer le stockage de carbone qui s'est effondré en France depuis 2013 sous l'effet des sécheresses et des incendies.
Bâtiment : concertation en février en vue d'"accélérer la stratégie de rénovation"
Alors que de nombreuses voix réclament un plan massif de rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics, le président n'a fait aucune annonce pour le secteur du bâtiment. Il a simplement évoqué le début d’une "concertation en février", laquelle sera "finalisée ce semestre pour accélérer la stratégie de rénovation". "La moitié de nos bâtiments" dépendent de l’État, des collectivités ou d'autres grands acteurs publics ou sont des logements "dans la main des bailleurs sociaux et de grands privés collectifs", rappelle Emmanuel Macron. Pour ces grands acteurs, une "manière d’organiser l’effort plus innovante" doit être trouvée, a-t-il soutenu.
Dans l'industrie, après avoir réuni les représentants des 50 sites les plus polluants à l'Élysée, en novembre, il rappelle le rendez-vous fixé "fin mai" pour évaluer leur "stratégie de décarbonation".
Énergie : vers un nouveau plan de sobriété "au-delà de la crise"
Dans l'énergie, Emmanuel Macron veut "plus de renouvelables" d’ici à 2030, sans plus de précision. Surtout, il annonce d'ici "février-mars" un nouveau "plan de sobriété", "au-delà de la crise". Il rappelle que le gouvernement va "passer aussi des textes pour produire plus de nucléaire et peut-être essayer de le produire plus vite".
Le chef de l’État détaille aussi la méthode de travail du gouvernement. "Les ministres, sous l’autorité de la Première ministre", vont sur chacun de ces grands secteurs expliquer "où on en est et faire réfléchir toutes les parties prenantes" sur la manière d’atteindre l’objectif 2030. "Sur la base de cette concertation, les ministres vont faire remonter des propositions dans les prochaines semaines autour de la Première ministre qui va prendre des premières décisions". Un deuxième conseil de planification écologique est ainsi annoncé pour le mois de mars. L’objectif étant que la planification "puisse être finalisée en mai-juin". Puis "des textes de loi seront pris [notamment la loi de programmation énergie-climat attendue pour l’été] sur la base de ce travail très partenarial", tenu "dans le cadre de notre Conseil national de la refondation". "Tout ça, on va le faire avec les parties prenantes, qui sont les acteurs de ces secteurs, et les territoires, nos élus de terrain, nos maires, nos départements, nos régions, nos intercommunalités qui sont aussi de grands acteurs et qui vont être des partenaires de cette transition sur beaucoup de ces sujets", a-t-il souligné. "Pour faire nos 140 millions de tonnes de gaz à effet de serre en moins d'ici à 2030, on aura notre stratégie nationale par secteur et ensuite on la déclinera par territoire", a-t-il résumé.
"On rentre dans le dur"
"Je ne vous cache pas qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, de travail", a conclu Emmanuel Macron. "On rentre dans le dur. (...) Il faudra de l'argent public mais il faut aussi de l'argent privé". Dans le Journal du Dimanche, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, chiffre à "60 à 70 milliards d'euros supplémentaires par an" le coût de l'effort nécessaire pour réussir la transition énergétique. Dans sa vidéo, le chef de l’État ajoute qu’il ne "faut pas faire que du financement. Ça peut aussi être de la réglementation, des mécanismes d’accompagnement", qu’il s’agisse d’accompagner les secteurs dans le changement ou d’accompagnement "social". Par ailleurs, le président estime que le pays réussira aussi la transition à venir "peut-être avec des innovations de rupture, des nouvelles techniques".