Plan Eau outre-mer : une instruction actualise les priorités d’action

Mise en ligne le 8 août, une instruction interministérielle aux préfets sur la mise en œuvre du plan Eau dans les collectivités ultramarines fixe la feuille de route notamment pour résoudre les problèmes d’accès à l’eau potable.

Datée du 12 juillet et mise en ligne ce 8 août, une instruction interministérielle aux préfets précise les actions attendues pour la mise en œuvre du plan Eau DOM (Pedom) actualisé de façon à intégrer le plan Eau national présenté en mars 2023, et qui s’inscrit en renfort. L’instruction mise en ligne début juillet pour son exécution (voir notre article du 10 juillet 2024) annonçait une instruction spécifique aux outre-mer pour détailler les mesures à décliner dans le cadre du Pedom.

Lancé en 2016 pour une période de 10 ans, ce plan accompagne les collectivités de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Martin et désormais de Saint-Pierre-et-Miquelon dans l’amélioration du service rendu à leurs usagers en matière d’eau potable et d’assainissement. Les six principes directeurs en sont ici rappelés : accompagner le transfert de compétences aux EPCI ; développer les capacités techniques et financières des services d’eau potable et d’assainissement ; sécuriser la qualité de l’eau potable ; mettre en œuvre les priorités d’investissement sur la base des schémas directeurs ; mieux intégrer les politiques d’eau potable et d’assainissement dans les stratégies d’aménagement et de développement du territoire ; prendre en compte les mesures liées à la planification écologique et renforcer la résilience des services publics d’eau et d’assainissement. 

Gouvernance locale

Pour conforter l’accompagnement des collectivités compétentes en matière d’eau potable et d’assainissement, le gouvernement table sur une "équipe-projet dédiée" placée aux côtés du préfet, s’appuyant sur la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal), l’agence régionale de santé (ARS), et sur l’Office de l’eau. En outre, une fois par an la conférence régionale ou territoriale des acteurs de l’eau (CRAE ou CTAE) se réunira "pour partager les avancées du plan Eau DOM et en définir les grandes orientations stratégiques".

Et d'autres instances locales, à l’exemple du comité des financeurs, auront également leur rôle à jouer pour suivre la mise en place du plan. L’instruction invite en particulier à "organiser régulièrement des comités de suivi des contrats de progrès sous l’égide des sous-préfets, afin de suivre et d’évaluer la mise en œuvre des actions d’amélioration du service et de présenter pour avis les priorités d’investissements inscrits dans les plans pluriannuels d’investissement (PPI)". 

Préparer les contrats de progrès de 2e génération

Le Pedom se traduit dans les territoires par la signature de contrats quinquennaux de progrès, qui permettent de soutenir les investissements dans les infrastructures, et d’accompagner les collectivités en matière d’études, d’expertises et de formations spécifiques. La "première génération" arrive progressivement à échéance. L’instruction fournit donc la marche à suivre pour l’élaboration de nouveaux contrats sur la base des schémas directeurs, faute de quoi les collectivités "ne pourront bénéficier des offres de service du plan Eau DOM". 

Ces contrats de progrès de seconde génération "comportent nécessairement des objectifs d'amélioration des performances techniques et financières, des indicateurs d'évaluation, et identifient les opérations d'investissement telles que définies dans les PPI", insiste l’instruction. Ils devront par ailleurs détailler les mesures à mettre en œuvre "pour un service public d’eau et d’assainissement plus résilient notamment afin de maintenir une continuité de service en cas de crise climatique". Et pour ce faire intégrer des objectifs de mise en œuvre d’un Plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) dans les délais - soit au plus tard juillet 2027 sur la zone de captage et janvier 2029 jusqu’en amont des installations privées de distribution. Des diagnostics des personnes "en mal d’eau" seront quant à eux  à réaliser "avant le 1er janvier 2025" (au 1er janvier 2027 pour les collectivités ayant acquis les compétences "eau" et "assainissement" au 1er janvier 2026).

Les collectivités compétentes les plus fragiles devront être accompagnées "pour structurer le volet social de leurs actions" (conformément à la mesure 42 du plan Eau national), relève l’instruction, notamment à travers le fonds ingénierie sociale pour les outre-mer. La mise en œuvre des solutions techniques de remédiation en fonction des conditions techniques et financières sera également suivie à travers les instances de pilotage du plan Eau DOM. 

Sécuriser la qualité de l’eau potable

L’instruction souligne aussi l’attention particulière à porter à la lutte contre les fuites sur les réseaux et à l’entretien des installations. La situation de certains territoires d’outre-mer en termes d’eau et d’assainissement est critique. Ainsi, à Mayotte, 30% de la population n’est pas raccordée à l’eau potable. En Guadeloupe, du fait des fuites importantes du réseau, 25% de la population est soumise à des tours d’eau. Une fragilité exacerbée par le changement climatique. Une semaine après le passage de la tempête tropicale Ernesto le 13 août dernier plusieurs communes de Guadeloupe étaient ainsi toujours privées d’eau potable. D’où la nécessité "de régulièrement actualiser (les) plans ORSEC Eau potable" pour "l’organisation et la coordination des interventions pour les mesures de gestion nécessaires lors d’évènements et les différents dispositifs pouvant être mis en place pour assurer l’approvisionnement en eau potable de la population", poursuit l’instruction. 

Autre point de vulnérabilité majeure : "un nombre insuffisant d’opérateurs reconnus compétents en matière de contrôle sanitaire de l’eau réalisé par les agences régionales de santé, a fortiori en cas de situation sanitaire exceptionnelle nécessitant la mise en œuvre urgente d’analyses spécifiques". La sécurisation du réseau des laboratoires et du dispositif de surveillance et d’identification des menaces dans le domaine de l’eau potable fait donc partie des priorités. 

Inciter à la sobriété

"Les actions portées par les collectivités dans cette optique seront prioritaires et bénéficieront de financements majorés conformément au nouveau programme d’intervention de l’Office français de la biodiversité (OFB)". Ce sera notamment le cas pour les études liées à la mise en oeuvre des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Les collectivités compétentes pourront également mobiliser le dispositif d’accompagnement du Cerema afin d’établir des études d’opportunités à l’échelle du bassin ou de l’intercommunalité sur la revalorisation des eaux usées traitées (Reut), et bénéficier de financements dans le cadre du plan Eau DOM. 

Les territoires ultramarins devront aussi déployer des solutions fondées sur la nature (SFN) sur le petit cycle et grand cycle de l’eau (mesure 30 du plan Eau), notamment concernant l’assainissement non collectif. A travers les instances du Pedom, les préfets auront à "identifier les opportunités de déploiements de telles solutions et, accompagner les collectivités compétentes à leurs mises en œuvre", et pourront "mobiliser, si besoin, (leurs) pouvoirs de dérogation pour expérimenter des solutions innovantes (...)". Concernant le grand cycle de l’eau, pour lequel les EPCI sont "aujourd’hui peu mobilisés", ils auront à accompagner les collectivités volontaires à une meilleure prise en compte sur la responsabilité qui leur incombe en matière de Gemapi (axe 36 du plan Eau). 

Miser sur l’ingénierie des collectivités

Pour renforcer le volet maîtrise d’ouvrage des collectivités, le plan Eau réserve 1 million d'euros en ingénierie aux collectivités pour le financement de postes et prestations. L’appui financier du plan Eau DOM repose ainsi sur des financements multiples sous forme de subventions - dans le cadre des contrats de convergence et de transformation, du contrat de développement et du fonds exceptionnel d’investissement -, prêts et programmes d’intervention ainsi que d’autres fonds tels que le fonds vert. Il est rappelé que la solidarité inter-bassins issue de la redevance perçue par les agences de l’eau apportera 35 millions d'euros/an supplémentaires au Pedom pour les opérations d’investissement du petit cycle et du grand cycle de l’eau à partir de 2025, et 15 millions d'euros dès 2024, éligibles selon les conditions du programme d’intervention de l’OFB. Enfin, la Banque des Territoires y participe, notamment par l'Aqua Prêt et l’accompagnement des collectivités avec le collectif Aquagir. 

Référence : instruction interministérielle du 12 juillet 2024 relative au plan eau DOM actualisé pour les services d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Mayotte, Saint-Martin et Saint-Pierre-et- Miquelon.

 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis