Plan de souveraineté pour les fruits et légumes : les collectivités invitées à s'engager

Présenté le 1er mars dans le cadre du Salon de l'agriculture, le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, aujourd'hui importés à 50%, devrait mobiliser 200 millions d'euros dès 2023, avec pour but de reconquérir des parts de marché. Les collectivités sont invitées à apporter leurs propres financements. Le plan vise notamment à "adapter chaque bassin de production aux nouveaux contextes climatiques".

C’est une des données marquantes de ce 59e Salon international de l’agriculture : 60% des fruits et 40% des légumes consommés en France sont importés. La "souveraineté alimentaire" agitée comme une incantation depuis le début de la crise sanitaire a du plomb dans l’aile. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau veut redresser la barre. Il a lancé mercredi 1er mars, dans le cadre de ce salon, un "plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes". Celui-ci avait été annoncé en mars 2022 par le gouvernement Castex pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Selon le ministre, "depuis l’an 2000, nous avons perdu 14 points d’approvisionnement français sur cette filière". L’objectif est d’en récupérer 5 d’ici à 2030 avant "d’enclencher une hausse tendancielle de 10 points à horizon 2035".

Fruit d’une large concertation menée cet hiver, avec la filière et les collectivités notamment, ce plan est un "premier exemple concret de la méthode gouvernementale de planification écologique, afin d’anticiper et d’engager les transitions, au service de notre souveraineté alimentaire", se félicite le ministère, dans un communiqué. Il mobilisera 200 millions d’euros dès 2023, dont la moitié issue du guichet "agro-équipements" déployé dans le cadre du plan France 2030. Il s’agit, à travers ce guichet, d’encourager l’acquisition d’outils technologiques de types drones, robots connectés, désherbeurs…

Adapter chaque bassin de production

Le plan "visera à adapter chaque bassin de production aux nouveaux contextes climatiques, en liaison avec les régions et l’ensemble des collectivités locales". Ces dernières – en particulier les régions et les départements - sont invitées à "s’engager" avec leurs propres financements, au même titre que les filières.

"Le principal constat est la baisse de la production en volume en lien avec la réduction des surfaces exploitées depuis les vingt dernières années. Entre 2000 et 2020, les surfaces en légumes ont diminué de 10% (- 22.200 ha) et les surfaces en cultures fruitières ont baissé de 7% (- 4.000 ha). Un autre constat est la réduction du nombre d'exploitations dans les filières maraîchères et arboricole", peut-on lire dans le dossier de presse du ministère. Une situation que la fédération nationale de Safer dénonce depuis de nombreuses années. Dès 2016, elle alertait sur les risques que l’accaparement et l’artificialisation des terres faisaient peser sur la souveraineté alimentaire.

Mais ce n’est pas sur ce terrain qu’interviendra le plan (ces enjeux devraient être traités dans le cadre de la future loi d’orientation et d’avenir agricole). Il poursuivra tout d’abord un objectif de "protection des cultures", en arboriculture comme en maraîchage, face aux aléas climatiques (épisodes de gel, de grêle…) et face aux nuisibles amenés à proliférer avec le retrait progressif des pesticides les plus nocifs. C’est le cas aujourd’hui de la culture de la cerise menacée par la prolifération d'une petite mouche asiatique depuis l'interdiction du phosmet (insecticide). Il s’agira notamment de "développer les alternatives disponibles aux produits phytopharmaceutiques" et d’anticiper les interdictions à venir, dans la lignée du plan Ecophyto 2030 annoncé lundi par la Première ministre Elisabeth Borne (voir notre article du 28 février 2023).

90% des ingrédients de la ratatouille importés

La reconquête des parts de marché passe aussi par une augmentation de la production et de la compétitivité, en tenant mieux compte du risque climatique, avec la création de nouvelles serres chauffées décarbonées par exemple. De quoi "rapatrier" les ingrédients de la ratatouille ? C’est ce qu’espère Laurent Grandin, président de l'interprofession des fruits et légumes frais Interfel qui, jeudi 2 mars, sur Public Sénat, a rappelé que 90% de ces ingrédients (aubergines, courgettes, tomates, poivrons, oignons) étaient désormais importés…

Le gouvernement entend aussi soutenir la recherche et le développement (robotisation, biocontrôle avec de nouvelles techniques comme la stérilisation des insectes…) et dynamiser la consommation de fruits et légumes. Seuls 42% des adultes et 23% des enfants mangent leurs cinq fruits et légumes par jour comme le préconisent les autorités sanitaires. Pourtant, une enquête Ifop publiée le 2 mars montre que 65% des jeunes de 18 à 30 ans souhaitent aller vers un régime plus végétal. Mais 45% déclarent ne pas avoir les moyens de manger plus de fruits et légumes. Cet axe s’appuie notamment sur l’éducation à la consommation, sur la restauration collective (avec les projets alimentaires territoriaux) et sur la mobilisation des dispositifs de lutte contre la précarité alimentaire.

Salué par Interfel, partie prenante à sa préparation, le plan a été diversement accueilli. Pour la Confédération paysanne, il "manque complètement sa cible". Il s’agit d’une resucée de "vieilles recettes" (serres chauffées, rénovation des vergers) qui n’ont pas fait leurs preuves pour endiguer l’augmentation des importations. Au lieu de la compétitivité, le syndicat voudrait tirer le débat vers les revenus des producteurs. "Il faut sortir de cette course à la compétitivité et s'engager sur la protection contre le libre-échange pour que la filière soit rémunératrice", estime-t-il, alors que les accords commerciaux sont amenés à se multiplier.

 

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