Plan de relance post-covid de l’UE : le Comité des régions demande un report de l’échéance, la Commission fait la sourde oreille
Dans un avis adopté à l’unanimité ce 8 octobre, le Comité européen des régions plaide pour un report de la date limite de dépenses des fonds du plan de relance post-covid de l’UE, arguant à son tour de la faiblesse des sommes jusqu’ici utilisées. Dans un nouveau bilan d’étape publié ce jour, la Commission met au contraire en avant l’accélération des décaissements constatée depuis la mi-2023… tout en invitant à la mobilisation générale, "compte tenu de la nature temporelle" du dispositif.
Sous la conduite du maire de Coulaines (Sarthe) Christophe Rouillon (PSE), qui continue de labourer son sillon (voir nos articles du 7 octobre 2020, du 26 janvier 2021 ou encore celui du 24 juin 2021), le Comité européen des régions (CdR) a adopté, à l’unanimité, ce 8 octobre, un avis peu amène sur la mise en œuvre, à mi-parcours, du principal élément du plan de relance européen post-covid : la facilité pour la reprise et la résilience (FRR).
Approche descendante et centralisatrice
Sans surprise, le CdR y dénonce toujours l’insuffisante implication des collectivités dans la mise en œuvre du dispositif. Il déplore en outre que "la contribution effective de la FRR à la cohésion ne soit abordée que de façon superficielle" par l’évaluation à mi-parcours conduite par la Commission, et ce, alors que certains plans nationaux de relance et de résilience (PNRR) "ne contiennent pas du tout de stratégie de soutien à la cohésion". Un résultat que le rapport estime précisément "directement imputable à l’approche descendante et centralisatrice de la plupart des PNRR et au manque d’implication des collectivités".
Le CdR profite également de cet avis pour rappeler son opposition "à ce que la budgétisation basée sur les performances" – marque de fabrique de la FRR – "soit étendue aux programmes de la politique de cohésion". Une évolution que caressent (caressaient ?) notamment la Cour des comptes européenne, la présidente de la Commission européenne, la commissaire Ferreira, un groupe d’experts missionné par la Commission, voire le Conseil, mais qui semble avoir perdu de sa superbe vu les résultats plus que mitigés de la FRR.
Pour un report de l’échéance
Comme vient de le faire la Cour des comptes européenne (voir notre article du 6 septembre), le CdR relève en effet "qu’à l’heure actuelle, seul un tiers environ des fonds de la FRR est utilisé" (v. infra). Doutant "fortement de la capacité de la Commission, des États membres, et des autorités locales et régionales à assurer collectivement la mise en œuvre de l’ensemble des mesures prévues dans les PNRR, et ainsi le décaissement de l’intégralité des fonds avant l’expiration de l’instrument programmée pour fin 2026", le CdR appelle en conséquence à reporter la date limite de dépense des fonds de la FRR (l’article 24 du règlement de la FRR dispose que le "paiement des contributions financières […] est effectué au plus tard le 31 décembre 2026", et son article 18 que les réformes et investissements prévus par les PNRR "doivent être atteints pour le 31 août 2026 au plus tard"). Un "court" délai fixé, pour mémoire, afin que le plan de relance reste conforme à son objectif initial : ne pas réduire les investissements pendant la crise, afin d’accélérer la reprise. "Les conséquences à moyen et long terme de la crise liée à la covid-19 dépendront fondamentalement de la rapidité avec laquelle les économies et les sociétés des États membres se rétabliront de cette crise", souligne le règlement FRR.
Le CdR en profite également pour suggérer qu’une "part plus importante des fonds non engagés de la FRR soient réorientée vers le pilier de la croissance intelligente, durable et inclusive, afin de remédier au déclin marqué de la compétitivité de l’Union européenne", récemment mis en lumière par le rapport Draghi (initialement, Christophe Rouillon proposait dans son avis "qu'au moins 10% des fonds non engagés soient redirigés vers le secteur du logement social, décent, abordable et durable pour faire face à la crise aiguë du logement qui fait rage dans presque tous les États membres de l’Union européenne").
Pour la Commission européenne, tout va très bien…
Côté Commission européenne, un tel report ne semble toutefois pas (encore ?) d’actualité. Publiant ce jour son troisième rapport annuel sur la mise en œuvre de la FRR, la Commission souligne que la FRR "continue de produire des résultats". Elle met en avant une accélération des décaissements opérés, "après certains retards en 2023", attribués "en grande partie à l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, à l’inflation, aux contraintes d’approvisionnement et à la nécessité [pour les États membres] d’adopter les chapitres REPowerEU" (chapitre validé, pour la France, par la Commission en juin 2023). La Commission indique ainsi avoir reçu au 31 août dernier 63 demandes de paiement émanant de 25 États membres et versé plus de 265,4 milliards d’euros, "soit plus de 40% du financement disponible de la FRR" (taux de 48% pour les subventions et de 30% pour les prêts). "Si le rythme actuel se maintient, la Commission prévoit d’avoir décaissé plus de 300 milliards d’euros d’ici la fin 2024", souligne-t-elle.
… mais elle appelle néanmoins à la mobilisation générale
Pour autant, relevant "qu’il ne reste qu’un peu plus de deux ans avant l’expiration de la FRR", la Commission européenne estime que "les efforts de tous les États membres et de toutes les institutions devraient se concentrer sur la mise en œuvre complète et dans le temps de la FRR". Quitte, faut-il peut-être en conclure, à ce que la nouvelle programmation, qui pleine à se déployer (voir notre article du 27 septembre et notre article du 9 octobre), en pâtisse. Dans son rapport, la Commission met par ailleurs en exergue les souplesses utilisées pour accélérer ces décaissements, comme le dispositif permettant de déclencher des paiements partiels alors qu’un ou plusieurs jalons ou objectifs n’ont pu être considérés comme atteints de manière satisfaisante (relativisant le principe de performance vanté). Ou comme les "procédures simplifiées" introduites en juillet dernier pour aider les États membres à mettre en œuvre la FFR. Mais aussi (surtout ?) pour que ces derniers intègrent le nouveau dispositif "Step" (Technologies stratégiques pour l’Europe), qui lui tient particulièrement à cœur (voir notre article du 6 juin).