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Avis d'expert - Plan de relance et commande publique : Jean-Marc Peyrical y voit "une remise en cause du symbole de la gouvernance collégiale"

Pour Jean-Marc Peyrical, président de l'Apasp, les récentes évolutions du droit des contrats et des marchés publics, mises en oeuvre par le plan de relance, marquent un recul de la collégialité au profit de l'exécutif.


Le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et investissement publics et privés (APCIPP), tel qu'adopté par l'Assemblée nationale le 13 janvier, contient des dispositions importantes qui modifient le Code général des collectivités territoriales (CGCT) en matière de commande publique (voir notre article du 14 janvier).
Les articles L.2122-22, L.3221-11 et L.4231-8 du CGCT prévoyaient auparavant une possibilité de délégation au profit de l'exécutif pour les seuls marchés à procédure adaptée (Mapa) et les avenants de moins de 5%. "La loi supprime ces seuils et il est désormais possible de déléguer à l'exécutif la passation de tous les marchés, quel que soit leur montant. Ce changement est important puisque cela signifie que les collectivités territoriales pourront décider de ne plus soumettre les appels d'offres à l'assemblée délibérante", souligne Jean-Marc Peyrical.
La loi supprime par ailleurs le système de la double délibération prévu aux articles L.2122-21-1, L.3221-11-1 et L.4231-8-1 du CGCT. Jusqu'à présent, lorsque la délégation globale n'avait pas été accordée à l'exécutif, la passation puis la signature du marché pouvait tour à tour être soumises à l'adoption d'une délibération. Désormais, "même si la collectivité choisit de soumettre, en amont, la passation d'un marché à une délibération de l'assemblée, cette dernière ne peut plus exiger, en aval de la passation, une seconde délibération pour autoriser le maire à signer le marché". Cette seconde délibération était facultative et l'assemblée pouvait ne pas y avoir recours. "Mais suite à cette nouvelle réforme, l'avantage est clairement donné à l'exécutif puisque l'assemblée ne peut désormais intervenir qu'une seule et unique fois, en amont de la procédure", observe Jean-Marc Peyrical.

 

"La prédominance de l'exécutif par rapport au législatif"

Ces modifications doivent être mises en parallèle avec celles introduites par les deux décrets du 20 décembre 2008. Pour rappel, ces textes suppriment la commission d'appel d'offres (CAO) pour les marchés de l'Etat et des établissements de santé et augmentent le seuil en dessous duquel il n'y a pas d'obligation de mise en concurrence ainsi que celui des Mapa pour les marchés de travaux. Selon Jean-Marc Peyrical, "il semble assez évident que le cumul de toutes ces mesures, qu'elles soient prises par décrets ou qu'elles résultent de la loi, marque un net recul de la collégialité dans la prise de décision relative aux marchés publics. Ce que l'on peut constater, c'est qu'il y a désormais de plus en plus de marchés pour lesquels il n'y aura plus d'intervention de la CAO, soit parce qu'elle aura été supprimée pour les marchés de l'Etat et des établissements de santé, soit parce que qu'elle n'a plus lieu d'être puisque le marché se situe en-dessous des seuils". Jean-Marc Peyrical souligne à ce titre qu'il serait cohérent, au regard des récentes évolutions, d'envisager sinon une suppression, du moins un aménagement de la règle de l'avis de la CAO pour les avenants de plus de 5%.
"L'évolution du droit des contrats et des marchés publics symbolise dans bien des cas une évolution plus générale. Ces nouvelles mesures semblent confirmer une évolution vers un nouveau mode de gouvernance des collectivités publiques - et des politiques publiques en général - où l'exécutif prend le pas sur la collégialité", estime Jean-Marc Peyrical. Et celui-ci d'évoquer le cas des universités, en relevant que les différents textes relatifs à la gouvernance dans les universités et à leur autonomie enlèveraient de plus en plus de pouvoir aux conseils d'administration au profit du président de l'université. Ce constat serait également valable pour les établissements de santé dans la mesure où le pouvoir de décision en matière de contrats appartient désormais au directeur de l'établissement hospitalier. Selon Jean-Marc Peyrical, "cette remise en cause du symbole de la collégialité s'inscrit dans l'ère du temps et il s'agit d'une véritable évolution de fond. La prédominance de l'exécutif par rapport au législatif dans notre mode  de gouvernance, où 90% des lois adoptées sont des projets de loi et non des propositions de loi, me semble être, à ce titre, très symbolique".

 

Propos recueillis par l'Apasp

 

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