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Congrès HLM 2016 - Pierre-René Lemas appelle les HLM à résister aux sirènes des taux bas pour protéger le modèle des fonds d'épargne

La Caisse des Dépôts n'est pas inquiète. Aux organismes HLM qui seraient tentés de recourir aux marchés financiers proposant des taux bas en négligeant les prêts sur fonds d'épargne, Pierre-René Lemas prévient : "Soyons ensemble vigilants pour maintenir les grands équilibres du fonds d'épargne." Un modèle qui a fait ses preuves et qui, face aux "turbulences" actuelles, démontre ses capacités d'innovation. Démonstration lors du congrès HLM 2016, le 28 septembre à Nantes.

"Tous ensemble, nous devons protéger le modèle des fonds d'épargne, ce socle du logement social en France", a déclaré Pierre-René Lemas, mercredi 28 septembre, lors du traditionnel cocktail de la Caisse des Dépôts sur le congrès HLM. "Il faut le préserver à la fois des vents mauvais et des mauvaises tentations", a également souligné le directeur général de la Caisse des Dépôts, bien conscient qu'avec les taux d'intérêt négatifs proposés par les marchés financiers, les organismes HLM peuvent être tentés… Mais "ne tuez pas la poule aux œufs d'or", leur a-t-il dit en substance.
Ce serait oublier un peu vite tout ce que le modèle leur a apporté. "Le circuit de transformation de l'épargne réglementée, une épargne de très court terme, en emplois longs, les prêts que nous vous octroyons pour financer vos investissements, a dû faire face à de nombreux défis au cours du dernier siècle !", leur a-t-il rappelé. Les organismes HLM doivent aussi se souvenir qu'"au plus fort de la crise de liquidités, la Caisse des Dépôts a toujours été en mesure d'assurer la liquidité nécessaire à vos investissements. Des mécanismes sophistiqués ont été mis en place avec les banques pour s'assurer qu'à tout moment nous serions en mesure de financer vos investissements".

La préoccupation des équilibres de long terme

Et puis, ne partagent-il pas, avec la Caisse des Dépôts, "une qualité de plus en plus rare, et pourtant essentielle : la préoccupation des équilibres de long terme, non à 5 ans, ou même à 10 ans, mais jusqu'à 50, voire 60 ans" ? Alors que les marchés financiers, eux, tout "alléchants" qu'ils sont aujourd'hui, "peuvent traverser des périodes instables, des périodes de taux anormalement hauts comme des périodes de taux anormalement bas".
Certes, la période de taux "anormalement bas" que l'on vit aujourd'hui dure depuis plusieurs années. Et "ces conditions de taux bas peuvent, et c'est naturel, conduire certains organismes à la tentation de pratiquer des remboursements anticipés sur leurs encours plus anciens, aux durées résiduelles moins longues et que le secteur bancaire peut couvrir", convient Pierre-René Lemas. "Mais je vous le rappelle, c'est bien grâce aux revenus dégagés sur ces prêts les plus anciens que nous sommes en mesure aujourd'hui de vous proposer des financements attractifs pour vos réhabilitations avec l'écoprêt, aujourd'hui à 0%, ou le PLAI, à 0,55%". Et le directeur général de la Caisse des Dépôts d'appeler à la "solidarité vis-à-vis d'un système qu'il faut préserver".
Et puis les organismes HLM auraient tort de douter de la capacité d'innovation de la Caisse des Dépôts. Ce n'était "pas facile pour une maison avec beaucoup de traditions, de modes de fonctionnement qui n'ont pas changé depuis longtemps", reconnaît avec humour Pierre-René Lemas. D'autant que "le modèle des fonds d'épargne est un défi au dogmatisme économique". Mais un modèle "qui marche" et même qui est "robuste", a-t-il insisté.

Diversification des sources de financement et des produits

Mais les faits sont là : face à ce "défi" que constitue aujourd'hui la situation "inédite" des taux, la Caisse des Dépôts a opéré un changement de paradigme. "Nous avons choisi de diversifier : diversifier nos sources de financement et diversifier nos produits."
La mise en œuvre du prêt de haut de bilan bonifié Caisse des Dépôts – Action Logement (voir notre article du 28 septembre Prêts de haut de bilan : Manuel Valls annonce 3 milliards d'euros d'équivalent-subvention pour les HLM) constitue assurément l'innovation financière la plus emblématique. Et c'est "déjà un succès !" pour ce dispositif annoncé par le président de la République en janvier dernier lors du bicentenaire de la Caisse des Dépôts, qui vise à accélérer les investissements des organismes HLM via des prêts de très long terme (30 à 40 ans) avec, pendant 20 ans, un taux d'intérêt à 0% et un différé d'amortissement (nous y reviendrons plus en détail dans notre prochaine édition).
Sur le sujet délicat de la renégociation de dette, la Caisse des Dépôts a ainsi traité, depuis deux ans, un "volume important" de réaménagements de dette des organismes HLM. Grâce à la baisse des commissionnements bancaires, une enveloppe de 170 millions d'euros de bonifications a également pu être dégagée pour accompagner les démolitions et les baisses de loyer.

Réaménagement de dette pour démolitions

Sur le sujet justement des démolitions, la Caisse des Dépôts accompagnera les opérations sur les territoires détendus, par un réaménagement de dette permettant de dégager une marge de manœuvre équivalente à 5.000 euros par logement détruit. Le premier contrat de réaménagement a été signé le 27 septembre avec l'OPH de Saône-et-Loire. "Cela faisait plusieurs années que nous évoquions avec vous l'accompagnement de cet enjeu spécifique et j'avoue que la solution finalement trouvée, consistant à faire disparaître une partie de la dette adossée à ces logements démolis a, au-delà des marges de manœuvre financières qu'elle offre, une forte logique économique", s'est félicité Pierre-René Lemas. Il a également annoncé que "dans les mois qui viennent" (en l'occurrence lorsque la loi Egalité et Citoyenneté sera adoptée), la Caisse des Dépôts mettra à profit cette enveloppe de réaménagement pour accompagner les organismes HLM qui réévalueront leurs politiques de loyers à la baisse dans certains quartiers.
Par ailleurs, la Caisse des Dépôts financera, en partenariat avec la Banque européenne d'investissement, des opérations de réhabilitation thermique sur le parc existant. "En complément de l'écoprêt, vous pouvez accéder à un financement à taux fixe sur ressource européenne à environ 1% sur 25 ans !", a-t-il indiqué. La Caisse des Dépôts travaille, sur ce même modèle, avec la Banque du Conseil de l'Europe pour ouvrir une ligne de refinancement à taux fixe de 150 millions d'euros à destination de la rénovation des foyers de jeunes travailleurs.

Simulation de plan de financement sur tablette

Le directeur général de la Caisse des Dépôts a également mis en exergue la capacité d'innovation du groupe dans ses méthodes et ses modes de fonctionnements touchant de près les organismes HLM.
Le groupe travaille ainsi à "offrir les services de la banque de demain" et à aider les organismes dans leur propre transformation numérique.
De nouveaux services du "site client" ont ainsi été mis en ligne cette année, avec l'extension de la demande de prêt en ligne aux prêts à l'habitat spécifique. "Dès l'automne, nous expérimenterons avec quelques-uns d'entre vous la signature électronique, ce qui représente une étape importante de la dématérialisation, avec à la clé plusieurs tonnes de papier économisées !", s'est engagé le directeur général.
Pour répondre aux besoins des organismes en matière d'ingénierie financière "sur mesure", la Caisse des Dépôts travaille à une application sur tablette qui permettra à ses collaborateurs en directions régionales de simuler leurs plans de financements, en travaillant sur une diversité de scénarios et d'hypothèses. La première version sera disponible et expérimentée d'ici à la fin de l'année.

Des projets en incubation

Sur la question de l'innovation architecturale, Pierre-René Lemas a naturellement évoqué l'appel à projets "Pour une architecture de la transformation" dans le logement social, lancé il y a un an avec l'Union sociale pour l'habitat et le ministère de la Culture, et qui lui tient particulièrement à cœur (voir notre article du 9 mars 2016).
Sur la question des logements locatifs sociaux en situation de sous-peuplement, il a évoqué le projet "Toit, toi mon toit" incubé par le LabCDC. Il s'agira d'une plateforme numérique mettant en relation les jeunes de moins de 30 ans et les locataires du parc social, avec pour objectif d' "optimiser l'occupation du parc social avec à la clef de nombreux avantages tels que la diminution du loyer, une solution d'hébergement à proximité du lieu d'étude pour les jeunes". Rien qu'à Paris, 36.000 chambres disponibles pourraient entrer dans ce dispositif.

Le fonds d'épargne, principal financeur du renouvellement urbain

Et comme, "pour nous aussi, la ville de demain c'est aussi la transformation des quartiers d'aujourd'hui au service des habitants", Pierre-René Lemas a rappelé que le fonds d'épargne "reste l'un des principaux financeurs du renouvellement urbain". Il représentait en 2015 20 milliards d'euros de prêts sur les 45 milliards d'euros du coût total du programme national pour la rénovation urbaine (Anru 1), dont 17 milliards consacrés au logement social et un peu plus de 3 milliards à l'aménagement et l'équipement des quartiers Anru. La Caisse des Dépôts accompagne également l'Anru par ses crédits d'ingénierie (90 millions d'euros sur les volets économiques des contrats de ville) et le NPNRU sur la période 2014-2020, mais également en fonds propres (250 millions d'euros d'investissements dans des locaux commerciaux et des bureaux).
Un mot bien sûr sur la création de la foncière solidaire (voir notre article du 16 septembre 2016). Pierre-René Lemas a confirmé que la Caisse mobiliserait 350 millions d'euros sur ce projet. Projet qu'il considère "complémentaire des prêts haut de bilan".

 

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