Pesticides : un arrêté fixe une distance de sécurité incompressible de 10 mètres pour les CMR 2
Ce n’est qu’une étape supplémentaire dans le feuilleton juridique qui oppose un collectif d’ONG à l’État, depuis plusieurs années, sur la question de la protection des riverains face aux épandages de pesticides. Un arrêté interministériel, paru ce 21 mars, prévoit des distances de sécurité de 10 mètres, "non réductibles", lors de l'utilisation de produits "suspectés" d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2) et dont l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ne comporte pas de distance de sécurité spécifique. Il fait suite à la décision du Conseil d’Etat du 22 décembre 2022 (lire notre article du 4 janvier 2023) enjoignant au gouvernement d’exécuter, dans les deux mois sous astreinte, une précédente décision rendue par la Haute juridiction le 26 juillet 2021 (lire notre article du 27 juillet 2021) le contraignant à compléter la réglementation.
Les textes modificatifs pris pour répondre aux griefs du Conseil d'État - un décret et un arrêté du 25 janvier 2022 (voir notre article du 27 janvier 2022) - étaient restés muets sur le cas particulier des CMR 2. Une clause de revoyure avait été fixée à octobre 2022 pour ceux dont l’autorisation ne comprend pas encore de distance de sécurité spécifique. Le gouvernement avait donc demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) d’accélérer la mise à jour des autorisations des produits concernés pour y intégrer les distances de sécurité ad hoc. Et indiqué, par ailleurs, qu’à partir du 1er octobre 2022, les distances d'épandages seraient par défaut de dix mètres pour les produits classés CMR 2 n'ayant pas fait l'objet d'une demande spécifique. Force est de constater que l’arrêté conduit sur ce point à un certain statu quo.
Cette distance de sécurité s’applique aux traitements réalisés à proximité des habitations - ainsi que des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d'agrément contiguës à ces bâtiments -, des lieux abritant des personnes vulnérables telles que définies à l'article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime (écoles, crèches, aires de jeux, hôpitaux etc.), et des lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière.
L’arrêté l’impose pour tous les usages des produits qui figurent sur une liste publiée au Bulletin officiel du ministère de l’Agriculture. Le caractère "non réductible" de cette distance de 10 mètres a toute son importance. Elle ne pourra en particulier pas être adaptée selon les modalités prévues par l’annexe 4 de l’arrêté du 4 mai 2017 modifié, c’est-à-dire lorsque le traitement est réalisé sur la base d’une charte d’engagements approuvée.
Référence : arrêté du 14 février 2023 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, JO du 21 mars 2023, texte n°17. |