Pas de jour sans chasse, mais des chasses géolocalisables
Présenté ce jour, le plan "Sécurité à la chasse" du gouvernement n’a pas retenu l’idée d’un jour sans chasse. Il renforce en revanche l’information des "autres usagers de la nature" : les chasseurs devront indiquer sur une application leurs lieux et temps de chasse et les jours chassés devront être indiqués en mairie par les associations communales de chasse agréées (Acca). La formation et les règles de sécurité seront renforcées, et la chasse sous l’emprise excessive d’alcool ou de stupéfiants interdite. Les fédérations de chasse devront en outre organiser un débat après chaque saison pour favoriser le dialogue avec les autres usagers de la nature.
Une application numérique obligeant les organisateurs de chasse à indiquer leurs lieux et horaires de chasse, lancée à l’automne prochain, telle est la principale mesure du plan "sécurité à la chasse" présentée ce 9 janvier par la secrétaire d’État à l’écologie, Bérangère Couillard. Ce dispositif – qui figurait, comme d’autres mesures, dans le rapport des sénateurs Maryse Carrère (RDSE, Hautes-Pyrénées) et Patrick Chaize (LR, Ain) publié en septembre dernier (voir notre article du 16 septembre) – vise à permettre à "chaque personne d’identifier une zone non chassée et s’y rendre en étant certain de ne pas croiser un chasseur", indique textuellement le dossier de presse du ministère de la Transition écologique, qui fait au passage peu de cas du respect de la propriété. "Seulement pour les forêts publiques", a toutefois précisé la secrétaire d’État en conférence de presse, rapportée par l’AFP. Non sans logique puisque les propriétés privées ne sont, par définition, pas ouvertes aux promeneurs. Pour autant, Bérangère Couillard indique qu’elle se tournera "vers ses collègues députés" pour que la mesure vise également les propriétés privées (dernière étape avant la géolocalisation des chasseurs eux-mêmes ?). Dans tous les cas, la mesure ne satisfait pas l'Association de protection des animaux sauvages, qui y voit une "appli gadget", "anti-démocratique" et "aussi inutile que dangereuse", qui ne ferait que "renforcer la mainmise des chasseurs sur la nature". "En résumé, le message c’est ‘'Dégagez, on chasse !'’", s’insurge-t-elle. Pour l’heure, on rappellera que le site de l’Office national des forêts présente d’ores et déjà le calendrier de chasse en forêt domaniale, et ce forêt par forêt.
Toujours pour que les "usagers de la nature soient mieux informés", le plan prévoit que dans chaque mairie seront affichés à compter de septembre prochain les jours chassés ou non sur les territoires par les associations communales de chasse agréées (Acca). Une standardisation des panneaux de signalisation des chasses collectives, introduits par la loi du 24 juillet 2019 (voir notre article du 26 juillet 2019), est par ailleurs prévue au plus tard en septembre 2025. Par ailleurs, souhaitant "favoriser les espaces de dialogue entre usagers de la nature et collectivités territoriales", les fédérations de chasse seront tenues d’organiser au moins un "débat annuel", après chaque saison de chasse, avec les autres usagers de la nature, dans chaque département.
Renforcer la formation et les règles de sécurité
Le plan entend également renforcer une pratique sécurisée de la chasse, notamment via le renforcement de la formation. Un volet "pratique" sera ajouté à la formation théorique décennale des chasseurs instituée par la loi de 2019, avec l’objectif que tous les chasseurs l’aient suivi au plus tard en 2029 (et la moitié en 2025). Une formation obligatoire de tous les organisateurs de battues sera de même introduite, que tous devront suivre d’ici la fin 2025. Les règles de sécurité seront également renforcées, comme la généralisation de l’obligation du port des gilets fluorescents par les chasseurs (mais pas par les promeneurs) ou, plus technique, l’obligation d’utiliser un témoin de chambre vide. La chasse sous l’emprise excessive de l’alcool et de stupéfiants – avec les mêmes règles que pour les conducteurs – sera en outre interdite. Elle sera d’abord sanctionnée par une contravention de 135 euros, puis constituera un délit une fois la législation modifiée. Un projet de loi devrait être déposé "très rapidement", a assuré Bérangère Couillard. Le gouvernement entend également renforcer les peines complémentaires pouvant être prononcées en cas de condamnation suite à un accident (retrait du permis, fixation d’une durée d’interdiction de le repasser). Et un audit de sécurité sera systématiquement réalisé par l’Office français de la biodiversité (OFB) à la suite de chaque incident recensé. En revanche, parmi les pistes proposées par le Sénat, n’a pas été retenue celle visant à donner compétence aux policiers municipaux en matière de chasse.
Pas de jour sans chasse
Fortement attendue par les opposants à la chasse, le plan ne prévoit pas d’interdiction de la chasse le dimanche – ni même un autre jour de la semaine. Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux, y voit "un mépris inacceptable à l'égard des 80% des Français qui attendent un cessez-le-feu" – propos rapportés par l’AFP. L’hypothèse d’une telle interdiction de la chasse le dimanche n’était pas exclue (voir notre article du 26 octobre). Une telle interdiction existe d’ailleurs déjà dans plusieurs forêts domaniales : "Cela dépend des baux signés dans chaque agence ONF avec les chasseurs. Dans les zones fortement fréquentées ou périurbaines, en général elle est interdite", confirme ainsi l’ONF, interrogé par Localtis. Mais la secrétaire d’État n’a finalement pas retenu l’idée de sa généralisation. "Sur les 20 dernières années, rien ne me dit que le dimanche est plus accidentogène que les autres jours de la semaine (…). La mesure a été testée le mercredi entre 2000 et 2003" et "l’accidentologie a augmenté sur ces trois années", a argué Bérangère Couillard en conférence de presse. Le rapport sénatorial précité relevait pourtant que "71% des accidents ont lieu le week-end" (46% le dimanche et 25% le samedi), non sans logique compte tenu de la pratique. Mais il soulignait aussi que "contrairement à ce que l'on pourrait penser, on ne retrouve pas cette surreprésentation dans les accidents ayant pour victimes des non-chasseurs, qui se répartissent sur toute la semaine sans pic marqué le mercredi ou le week-end". Ses auteurs n’avaient, eux non plus, pas retenu l’idée du jour sans chasse, prônant "la cohabitation plutôt que le partage".
"Je rappelle que 85% des territoires chassés sont privés. Il n’existe aucune raison d’interdire la chasse à des personnes qui sont sur leurs propres domaines, y compris le week-end. Le samedi et le dimanche sont des jours de loisirs pour tout le monde, les chasseurs ne font pas exception !", souligne pour sa part Éric Doumas, président du Mouvement de la ruralité, auprès de Localtis. Il tient également à rappeler qu’il y a "35 millions d’actions de chasse par an, une centaine d’accidents [90 pour la saison 2021-2022 selon l’OFB], dont une dizaine de mortels [8 en 2021-2022]". Dans leur rapport de septembre, Maryse Carrère et Patrick Chaize indiquaient qu’en 2010 (les chiffres n’existent plus depuis), on recensait environ 30.000 collisions de véhicules avec des animaux sauvages, qui entraînaient "7 à 11" décès chaque année. "Il faut remettre les choses à leur place. On parle beaucoup de sentiment d’insécurité. Je pense que cette dernière n’est pas dans les forêts", conclut Éric Doumas.