Environnement - Parcs nationaux : les associations lancent un cri d'alarme
Lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale le 12 décembre, plusieurs associations de défense de la nature* ont lancé "un appel à la mobilisation de l'opinion publique pour que les parcs nationaux ne soient ni pris en otage, ni détournés de leurs missions de service public par les réactions de certaines collectivités locales". Après le mouvement de grève des personnels des parcs le 15 novembre, elles défendent à leur tour l'insuffisance des moyens et les problèmes de gouvernance et alertent sur les risques de pertes de protection. Selon leurs représentants, la mise en œuvre de la loi Giran du 14 avril 2006 a rouvert la boîte de Pandore des "égoïsmes locaux". Pour Joël Giraud, député des Hautes-Alpes et vice-président de la région Paca, la réforme de 2006 a eu le mérite de proposer des solutions pour une meilleure appropriation de ces zones protégées par les territoires. Les conseils d'administration de chacun des dix parcs donnent désormais la prééminence aux élus locaux. La transformation des anciennes zones périphériques en zones d'adhésion passe par l'élaboration de chartes qui doivent fixer des objectifs de protection spécifiques pour le "cœur" des parcs et proposer des orientations et des mesures de développement durable et de mise en valeur des territoires pour les 15 ans à venir.
Mais pour les associations, le risque est de voir les parcs nationaux perdre leur identité et se rapprocher du régime des parcs naturels régionaux. "Tous les signaux actuels du terrain sont inquiétants, relève Benoît Hartmann, porte-parole de France nature environnement (FNE), qui fédère 3.000 associations. Dans les aires d'adhésion, nous constatons soit un rejet massif des chartes, soit l'adoption de chartes indigentes."
Le cas du parc de la Vanoise, en butte à la fronde des stations de ski, illustre à lui seul les tiraillements actuels. Soumis récemment au vote, son projet de charte a obtenu l'avis défavorable de 26 des 29 communes concernées qui fustigent un projet trop contraignant. "Il faut arrêter d'entraver le développement économique des stations", dénonce le maire de Tignes, Olivier Zaragoza, en rappelant que 5.000 salariés vivent du tourisme dans sa station. "Ce n'est pas au parc de décider du développement des stations. Il y a des élus pour le faire", déplore également le maire de Courchevel, Gilbert Blanc-Tailleur. Pour leur part, les défenseurs du projet craignent que cette opposition aboutisse à réduire la portée de la charte au seul "coeur du parc" qui s'étend sur 529 km2, alors que l'aire "optimale", à laquelle les communes peuvent adhérer librement, s'étend elle sur 1.450 km2. "Le coeur du Parc bénéficie d'une protection forte mais, déconnecté du territoire voire cerné par un développement industriel du tourisme, il se trouve menacé indirectement", estiment les associations écologistes.
Partout, ces dernières appellent donc les collectivités territoriales et l'Etat à prendre leurs responsabilités, les premières en contribuant à l'élaboration et en adhérant à des chartes ambitieuses pour la protection de la nature, le second en réaffirmant les missions fondatrices des parcs et en leur donnant les moyens de les mener à bien. "Qu'il s'agisse des dérogations sur les cartes des parcs ou sur le contenu des chartes, tout se joue maintenant, affirme Benoît Hartmann. L'Etat peut exiger de rééquilibrer la gouvernance actuelle et veiller à ce que les règles ne soient pas transgressées."
Anne Lenormand avec AFP
*Mountain wilderness, Cipra France, Coordination montagne, Fédération française des clubs alpins et de montagne, France nature environnement (FNE), Frapna, LPO et WWF