Paquet climat : Ursula von der Leyen parée au décollage
Comparant il y a peu son "Green Deal" au "premier homme sur la Lune", la présidente de la Commission est à présent sur la rampe de lancement : elle a présenté, mercredi, son "paquet climat" baptisé "Fit for 55". Un corpus de 13 textes visant à atteindre l'objectif de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Directement impactées, les collectivités veulent avoir accès au nouveau "fonds social pour le climat" destiné à soutenir les ménages dans cet effort d'adaptation.
"Fit for 55." Paré pour 55. C’est beau comme un titre de science-fiction, sauf que c’est le nom du "paquet climat" présenté par la très sérieuse Commission européenne, mercredi 14 juillet. Un corpus de treize textes (directives ou règlements) qui visent à mettre en orbite les objectifs très ambitieux de la loi européenne sur le Climat parue au Joue le 9 juillet, qui vise à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre au sein de l’Union européenne d'au moins 55% d'ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990. Rappelons qu’il s’agit là d’un point d’étape avant d’atteindre la "neutralité climatique" à horizon 2050 comme s’y sont engagés les Vingt-Sept à travers l’accord de Paris. "Il est essentiel de réduire les émissions dans cette proportion au cours de la prochaine décennie pour que l'Europe soit le premier continent à parvenir à la neutralité climatique d'ici à 2050 et faire du Pacte vert pour l'Europe une réalité", s’enthousiasme la Commission. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fait de la neutralité climatique le mantra de son mandat, n’hésitant pas, en 2019, à comparer son grand projet de Green Deal "au premier homme sur la Lune"…
Fin des véhicules à essence et diesel
Pour parvenir à ses fins, la Commission n’y va pas de main morte et annonce la fin des véhicules essence et diesel d’ici 2035 ! Également au programme de ce paquet climat : une refonte du marché européen du carbone mis en place en 2005 (un marché distinct serait créé à partir de 2026 pour les transports et le chauffage des bâtiments), la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières visant à renchérir le coût des importations de pays moins regardants sur le plan environnemental, l’instauration d’une taxe sur le kérosène sur les vols intra-européens, l’actualisation de la directive sur les énergies renouvelables fixant la part de ces dernières à 40% de la production énergétique européenne d’ici à 2030… Le règlement dit de "répartition de l’effort" datant de 2018 est actualisé avec, pour chaque État, des objectifs renforcés de réduction des émissions pour les bâtiments, le transport routier et le transport maritime intérieur, l'agriculture, les déchets et les petites industries. Le secteur public sera tenu de rénover 3% de ses bâtiments chaque année "afin de lancer la vague de rénovations, de créer des emplois et de faire diminuer la consommation d'énergie et les coûts pour le contribuable"… La Commission ambitionne aussi un plan pour la plantation de trois milliards d'arbres à travers l'Europe d'ici à 2030.
Fonds social pour le climat
Toutes ces mesures sont "liées et complémentaires", souligne-t-elle, espérant leur adoption d’ici à 2023. La bataille s’annonce difficile. Si l’idée de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières figurait déjà dans l’accord européen du 14 décembre 2020 sur les nouvelles ressources propres de l’Union européenne (devant notamment servir à rembourser l’emprunt de la Commission au titre de son plan de relance), plusieurs pays dont l’Allemagne craignent des mesures de rétorsion sur les marchés d’exportation que sont les Etats-Unis et la Chine. Mais surtout, nombreux craignent l’impact de ces mesures sur le pouvoir d’achat des plus modestes. Le vice-président exécutif chargé du Pacte vert pour l'Europe, Frans Timmermans en a bien conscience : "La Commission doit prouver que son plan mène à une transition équitable et solidaire (...). Si nous échouons à convaincre, la résistance sera massive", a-t-il déclaré. Alors la Commission a prévu la création d’un nouveau fonds social pour le climat "afin d'aider les personnes à financer leurs investissements dans la rénovation, de nouveaux systèmes de chauffage et de refroidissement et une mobilité plus propre". Ce fonds serait alimenté par un montant équivalant à 25% des recettes du système d'échange de quotas d'émission applicable au carburant pour le transport routier et les bâtiments, soit une estimation de 72,2 milliards d’euros pour la période 2025-2032. Avec une contribution égale des États membres, le fonds serait doté de 144,4 milliards d’euros.
"Très risqué sur le plan social"
Pascal Canfin (Renew Europe), président de la commission Environnement au Parlement européen, a salué un "moment historique". "C’est la première fois dans le monde que nous allons introduire dans les règles du jeu commercial une protection contre le dumping climatique", s’est réjoui l’ancien directeur général du WWF en France. Soulignant aussi les bienfaits d'une augmentation du prix du carbone, il relève toutefois une "mauvaise nouvelle" : le nouveau marché carbone pour le chauffage des bâtiments et les carburants est à la fois "inefficace" et "très risqué sur le plan social". Tout le monde a en tête les crises des "bonnets rouges" et des "gilets jaunes" en France. Les industriels aussi sont vent debout contre ces annonces. Pour le secteur automobile, ce paquet climat pourrait menacer 150.000 emplois en France.
Le Comité des régions a demandé pour sa part à ce que les collectivités puissent elles aussi être éligibles au Fonds social pour le climat, en plus du fonds pour la transition juste. Il fait valoir également que s’agissant des secteurs routiers et des transports, les collectivités ont "à la fois l’expertise et les compétences" pour atteindre les objectifs du Green Deal et une Europe socialement juste".
La France, qui occupera la présidence de l'UE à partir de janvier 2022, s'emploiera à "faire avancer ces négociations", a assuré le ministère de la Transition écologique, mercredi, considérant que l'Europe "dispose d’une capacité d’entraînement sur le reste du monde".