Sécurité - Où se concentrent les vols de métaux en France ?
Le vol de métaux n’est plus une activité artisanale, c’est une industrie. Depuis l’envolée des cours en 2006, le nombre de vols a littéralement explosé pour atteindre le record de 11.694 faits enregistrés en 2010, selon une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Ce dernier s’est plus particulièrement intéressé aux vols commis en zone de gendarmerie, là où sont commis les 9/10e de ces infractions dont l’impact est considérable. "Financièrement, il y a bien sûr la valeur du produit dérobé mais il y a aussi et surtout, selon les victimes, le coût induit par les réparations et le remplacement des matériels ou objets volés, les retards de train, les coupures d’électricité, voire la mise en danger de la vie d’employés contraints d’intervenir pour réparer, voire celle des voyageurs", souligne le rapport. Principale victime ? La SNCF, qui a recensé 3.353 vols en 2010, soit une augmentation de 181,5% par rapport à 2009. Coût du préjudice ? 30 millions d’euros.
Le cuivre est le plus prisé des métaux, il représente 58% des larcins commis contre la SNCF, essentiellement des câbles électriques ou des tourets jalonnant le réseau de chemin de fer… Ces vols ont provoqué plus de 5.800 heures de retards cumulés dans la circulation des trains ! D'ailleurs, en 2011, le président de la société avait tiré le signal d'alarme, expliquant que ces actes étaient devenus la principale cause des retards. Certaines lignes sont nettement plus affectées que d’autres. "Les lignes Paris-Lyon-Marseille, Paris-Lille, Paris-Tours-La Rochelle, Paris-Limoges, Marseille-Nîmes-Montpellier-Perpignan, Thionville-Metz-Nancy, Lille-Lens-Douai-Valenciennes, Lyon-Les Alpes enregistrent les plus gros volumes de vols de métaux et tentatives", détaille l’étude. A l’inverse, le centre et le nord-ouest sont plutôt épargnées. Rouen, Lille, Bordeaux, Narbonne, Béziers, Le Mans, Le Havre et Toulon sont les sites qui concentrent le plus de vols. S’agissant du plomb, les vols ont lieu principalement dans le sud, notamment entre Avignon et Nîmes. Les vols de fer se répartissent de façon homogène, même si l’Ile-de-France, Metz et Lille enregistrent des pics…
"Rationalité délictuelle"
A côté de la SNCF, RTE et ERDF, deux filiales d’EDF, ont enregistré 800 vols pour un coût de 15 millions d’euros. Les postes électriques sont de loin les plus visés. Là, les vols se concentrent dans les parties sud et ouest. A ERDF, 87% des vols ont été rapportés par trois de ses huit directions régionales : Sud-Ouest, Méditerranée et Ouest.
L’étude met en lumière la corrélation entre les vols et le cours des métaux. L’augmentation des vols a déjà pu être observée dans le passé à l’occasion de grandes crises, comme les chocs pétroliers, la guerre du Golfe ou la crise asiatique de 1997. Mais elle n’a jamais atteint les niveaux actuels, rappelle l’étude. La grande nouveauté, c’est l’arrivée de la Chine sur le marché mondial. Depuis dix ans, elle est le premier consommateur de cuivre. En 2010, "l'usine du monde" a absorbé 40% de la production globale. "La corrélation entre le volume mensuel des vols de métaux et tentatives et le cours mensuel du cuivre s’élève à 0,95 et révèle ainsi l’existence d’un lien étroit entre l'économie globale et ce type de prédation", souligne l’auteur Valérie Bonvoisin, qui parle de "rationalité délictuelle". D’ailleurs, le même phénomène s’observe partout en Europe.
Bandes organisées
Ces actions sont d’autant plus difficiles à appréhender, souligne encore le rapport, qu’elles sont commises la nuit, "en pleine campagne" ou dans des zones industrielles et endroits isolés. Le taux d’élucidation n’atteint ainsi que 7% ! Quelque 1.538 personnes ont été mises en cause pour vols de métaux et tentatives en 2010, dont 45% de locaux, 27,2% "d’itinérants français", 26,8% d’étrangers et 1% d’employés. Les auteurs s’exposent particulièrement : "Cinq individus sont morts pour avoir tenté de voler du cuivre dans des transformateurs ou des lignes du réseau de la SNCF."
Le temps des chutes de métaux récupérées au bord des chantiers est révolu, insiste l’auteur, "désormais, les enquêteurs confondent des bandes organisées". "Ce sont des centaines de mètres de câbles électriques qui sont arrachés, des déchetteries qui sont pillées." Pour enrayer le phénomène et lutter contre le recel, le gouvernement Fillon a pris un décret du 27 janvier 2011 faisant passer de 3.000 à 500 euros le montant maximum de transaction en espèces pour l’achat de métaux. Dans le même temps, il a lancé un plan à 40 millions d’euros pour la surveillance des voies ferrées. De son côté, la SNCF s’est engagée à recruter 300 agents supplémentaires d’ici à 2013 pour renforcer les effectifs de la Suge (police ferroviaire de surveillance générale de la SNCF) ; une partie d’entre eux sera affectée à la surveillance des voies. La gendarmerie, elle, n'hésite plus à mener des opérations de surveillance par hélicoptère.