Numérique - Open data : vers une nouvelle culture de la donnée
Innover, créer de nouveaux services et améliorer le fonctionnement démocratique de nos institutions. Telles étaient les principales lignes directrices de la conférence internationale sur "l'open data et le gouvernement ouvert" organisée les 24 et 25 avril à Paris. Portée conjointement par Etalab, la mission interministérielle chargée de coordonner l'ouverture des données publiques, et le Conseil national du numérique, cette manifestation qui réunissait experts, responsables politiques et membres de la société civile pour débattre dans le cadre d'une série de tables rondes et d'ateliers, a en tout cas permis de confirmer l'engagement croissant des administrations nationales et locales sur ce nouveau chapitre de l'action publique.
Tout en soulignant l'apport crucial de l'open data pour bâtir la confiance et la transparence dans les démocraties, responsabiliser les citoyens et développer une économie autour de la production de nouveaux services, Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, qui introduisait la journée en tant que puissance invitante, a confirmé la volonté des juridictions financières d'y prendre leur part, au-delà des principes de transparence chers à l'institution. Après la mise en ligne de la quasi totalité des référés – courtes communications adressées au gouvernement -, la Cour diffusera prochainement ses observations sur les comptes, la gestion et les résultats des entreprises publiques et annonce l'ouverture de plusieurs jeux de données sur la jurisprudence des juridictions financières "dans des formats facilitant le réutilisation gratuite et massive, notamment grâce une interface de programmation applicative" (API). Didier Migaud estime que le développement de l'exploration des données (data mining) va devenir "une puissante source d'enrichissement de notre fonctionnement", notamment en facilitant l'association d'experts de l'analyse des données, de chercheurs et de data journalistes capables de proposer des grilles de lecture complémentaires et contradictoires.
Nouvelle feuille de route en préparation
Le gouvernement a lui aussi profité de cette tribune pour réaffirmer les engagements pris et marquer une étape supplémentaire. Pour faire suite à la récente adhésion de la France à l'OGP (Open government Partnership) l'initiative mondiale lancée fin 2011, le gouvernement prépare en effet une nouvelle feuille de route sur l'open data, d'ici octobre 2014, en vue de la présenter début 2015 devant les instances de l'OGP. "Nous adhérons avec conviction à cette organisation et comptons participer à son dynamisme en nous engageant pleinement avec nos partenaires", a ainsi confirmé Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'Etat. Dans cette perspective de consolidation, celle-ci souhaite inciter les administrations à se rapprocher du monde de la recherche pour "développer de meilleurs services publics".
Marylise Lebanchu a également souligné l'importance du partenariat établi avec les collectivités territoriales, notamment dans la construction "de bons référentiels" destinés à simplifier l'accès aux données. Cette coopération va s'amplifier dans les mois à venir, notamment avec Open data France, l'association qui réunit les collectivités déjà engagées dans le mouvement.
La donnée au centre de la ville du futur
Les collectivités locales restent en effet en pointe en matière de partage de données. Jean Louis Missika, adjoint au maire de Paris, voit même l'open data devenir une brique essentielle de la ville du futur dans une perspective de développement durable. Rappelant que "l'avenir de la planète se joue dans les grandes métropoles" qui accueillent déjà près de 50% de la population mondiale, il mise sur ce mouvement de "libération" pour améliorer la qualité du service rendu aux citoyens tout en limitant les ressources consommées. "Nous prévoyons de mettre en place de nouveaux systèmes de régulation du trafic routier prenant par exemple en compte les mesures de pollution, de favoriser l'émergence des technologies mobiles, d'amplifier les modes de transformation du travail et de la consommation tout en repensant les modèles économiques en nous appuyant sur l'open data", a-t-il assuré. Le mécanisme des données ouvertes va notamment être utilisé pour "mobiliser plus fortement l'intelligence collective qui dépasse toujours l'intelligence de l'organisation". Aussi, pour stopper toute contestation possible sur la question droits d'usage des données produites entre le maître d'ouvrage et ses fournisseurs, la ville de Paris a-t-elle décidé d'insérer dans tous ses appels d'offres des clauses spécifiques relatives aux données produites en open data. La ville compte sur cette ouverture pour réaliser d'importantes économies. "En Ile-de-France, si nous parvenons à faire gagner une ou deux minutes quotidiennes aux franciliens grâce à des applications plus prédictives et intermodales, les gains seront élevés au regard des investissements à réaliser". C'est le sens donné au concours "moov'in the city" lancé l'an dernier par la ville de Paris en partenariat avec la RATP et la SNCF, qui devrait générer plusieurs millions d'économies.
Gratuité des données publiques : un axe nécessaire
L'open data rentre peu à peu dans le quotidien des acteurs publics, même si le citoyen ne comprend ou ne connaît pas toujours le sens des grandes manœuvres opérées. En conclusion, Axelle Lemaire, la nouvelle secrétaire d'Etat au Numérique, a annoncé l'inscription de plusieurs principes relatifs à l'open data dans le futur projet de loi sur le numérique. Ils seront conformes à la prochaine directive européenne - en préparation - relative à la réutilisation des informations du secteur public. Elle a notamment mis l'accent sur la gratuité des données publiques "qui permettrait d'en finir avec les actions au coup par coup et les appréciations de pure opportunité souvent opposées à l'idée même d'ouverture et de transparence", a-t-elle jugé. Le texte, qui sera précédé d'un travail de concertation, devrait conforter la position des administrations publiques et contribuer au développement d'une nouvelle culture de la donnée "au service du citoyen".