Numérique, évolutions de carrière… le long chemin de l'inclusion des agents publics en situation de handicap
En accélérant leur transformation digitale, les organisations publiques n'ont pas souvent veillé à l'accessibilité de leurs outils et sites aux agents en situation de handicap, alerte le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Ses responsables, qui présentaient ce 22 mars le rapport d'activité de l'institution, font de la réponse à cette question une "priorité absolue". Ils entendent aussi encourager les progressions de carrières des agents en situation de handicap, lesquelles sont trop limitées.
La crise liée au Covid-19 a conduit à une dématérialisation à tous crins des outils de travail dans les organisations, y compris au sein du secteur public. Cependant, cette digitalisation ne s'est pas souvent accompagnée d'un effort d'accessibilité au profit des agents en situation de handicap - et ce malgré les obligations prévues par un décret de 2019 - ont pointé, ce 22 mars, les responsables du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), qui présentaient à la presse le bilan d'activité de l'institution pour 2022.
Faute d'être adaptés, beaucoup d'outils et d'applications numériques ne permettent pas une utilisation optimale par les agents en situation de handicap. "Une vidéo non sous-titrée", "une image qui n'est pas décrite de manière textuelle", "un site internet ou une application métier comportant des dizaines d'onglets"… créeront, selon leur handicap, de sérieuses difficultés aux agents concernés.
"Le FIPHFP a décidé de prendre ce sujet à bras le corps", a déclaré Bruno Koubi, l'un de ses vice-présidents. Les aides que le fonds accorde à l'audit d'accessibilité des interfaces numériques des employeurs ont d'ores et déjà été revues à la hausse. En outre, le FIPHFP sensibilise les employeurs publics avec lesquels il a passé une convention. Il s'agit de les encourager à mettre leurs applicatifs métier et intranets à niveau. En 2023, la sensibilisation des acteurs du numérique est également au programme.
Promotions : briser le plafond de verre
L’ambition du FIPHFP est que "tout futur outil numérique soit développé en natif, c’est-à-dire intégrant l’accessibilité numérique dès sa conception". Avec un tel standard, une application voit ses coûts de développement augmenter de 10% à 20%. Mais, l'adaptation d'un outil qui n'a pas intégré dès le départ les normes d'accessibilité, occasionnerait des surcoûts bien supérieurs, de l'ordre de "50% à 100%".
En parallèle, le FIPHFP s'est fixé pour objectif d'améliorer les conditions de travail des agents en situation de handicap et qui ont recours au télétravail à leur domicile, ou dans des tiers-lieux. Les employeurs publics peuvent ainsi se voir prêter des matériels.
L’évolution de carrière des agents en situation de handicap est une autre priorité du fonds, parce qu'il y a en ce domaine-là aussi beaucoup à faire. "Trop souvent, les employeurs ayant recruté un travailleur handicapé n’ont pas le souci de faire évoluer l’agent, ni d’évoquer avec lui son déroulement de carrière", constate-t-on au sein de l'établissement public géré par la Caisse des Dépôts. Où l'on réfléchit à la mise en place d'un programme inspiré de Talentueuses, parcours de formation qui, via des formations et séances de coaching, aide les femmes à postuler à des postes de direction dans la fonction publique. Grâce à des aides financières spécifiques du FIPHFP, les agents en situation de handicap et promouvables bénéficieraient de périodes de mentorat et de coaching.
Tour de France du handicap invisible
Le handicap invisible - terme qui englobe diverses situations, telles que les troubles dys, ou du spectre autistique, ou encore les troubles de stress post-traumatique - figure aussi en tête des préoccupations du FIPHFP en 2023. "Loin d’être tous identifiés, les agents concernés manquent d’accompagnements adaptés à leurs besoins particuliers", souligne l'établissement public.
En mai 2022, celui-ci avait publié un guide de l’accompagnement pour le handicap invisible. Les actions sur le sujet vont être renforcées, avec en particulier le lancement prochain d'un Tour de France du handicap invisible. Le but est de "sensibiliser" et "mobiliser" les employeurs publics.
Le sujet est peu connu, mais il est "prégnant", a souligné Mathieu Larrouy, responsable du pôle santé et sécurité au travail au centre de gestion (CDG) de la fonction publique territoriale du Tarn-et-Garonne. L'établissement public local mène un travail d'accompagnement des agents concernés, en respectant le "désir de discrétion" qu'expriment souvent ceux-ci, dans le but d'un "mieux-vivre avec le handicap dans le collectif de travail", a-t-il témoigné au cours de la conférence de presse.
Le CDG est en particulier aux côtés des agents lorsque ceux-ci sont engagés dans une période de préparation au reclassement (PPR). Parfois, ces agents sortent d'un congé de longue maladie ou de longue durée. "Les psychologues du travail ont pour rôle de les booster et de les accompagner dans leur projet professionnel", a indiqué Céline Cayzac, responsable du pôle concours, emploi et mobilité au CDG du Tarn-et-Garonne. En outre, l'établissement public "fait le lien" entre l'agent, son employeur et tous les partenaires "qui gravitent autour de sa trajectoire professionnelle". Que ce soit pour l'adaptation du poste de travail, un bilan de compétences ou une formation destinée aux agents, des aides du FIPHFP peuvent être mobilisées. Celui-ci vient en appui des démarches déployées par le CDG.
Les collectivités bons élèves
Parmi ses 5,7 millions d'agents publics, la France comptait 260.095 personnes handicapées bénéficiaires de l'obligation d'emploi en 2022, selon le FIPHFP. Le taux d'emploi direct des personnes handicapées dans la fonction publique s'est ainsi établi à 5,45%, un pourcentage stable par rapport à 2021.
La loi fixe aux employeurs publics qui emploient au moins 20 agents une obligation d'emploi de 6% de personnes handicapées, faute de quoi ils doivent verser une contribution financière au fonds. Un seuil que, des trois versants, la fonction publique territoriale est la seule à dépasser (6,72 %).
Au total, plus de 167 millions d'euros de "contributions" ont été versées au fonds en 2022 par des employeurs dont les effectifs n'intégraient pas suffisamment de personnes handicapées. Le montant des contributions n'avait plus atteint de tels sommets depuis 2011 (188 millions d'euros). Cette manne est liée à l'arrivée du ministère de l'Éducation nationale, jusque-là exonéré, parmi les contributeurs au fonds. De plus, des redressements ont été opérés "chez certains grands employeurs ayant commis des erreurs importantes de calcul" de leur contribution.
Prévue le 8 juin prochain à la suite des élections professionnelles de décembre dernier, l'installation des nouveaux membres du comité national du FIPHFP se déroulera donc sous de bons auspices.