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Nouvelle stratégie de maintien de l'ordre, mesures de soutien aux commerces : l'exécutif sur plusieurs fronts après le "samedi noir"

Entre Matignon et Bercy, l'exécutif a voulu frapper fort, lundi, deux jours après la 18e journée de mobilisation des gilets jaunes émaillée de violences. Présentant une nouvelle stratégie de maintien de l'ordre, le Premier ministre a annoncé l'interdiction des manifestations des gilets jaunes dans les endroits sensibles, dès lors que la présence d'ultras sera connue. Il a également annoncé le remplacement du préfet de police de Paris. De son côté le ministre de l'Economie recevait les représentants des commerçants et artisans pour faire le point sur les dispositifs d'aides mis en place. Une circulaire publiée le 15 mars 2019 détaille ces mesures, telles que l'opération de revitalisation et d'animation commerciales lancée le 1er février.

Réunions de crise deux jours après le saccage de l'avenue des Champs-Elysées à l'occasion du 18e samedi de mobilisation des gilets jaunes. Alors que le Premier ministre présentait à Matignon une nouvelle stratégie de maintien de l'ordre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire  recevait à Bercy les représentants des commerçants et artisans pour faire le point sur les différents dispositifs d'aides mis en place. Mis en cause dans la gestion de cette journée de manifestation, l'exécutif n'y est pas allé par quatre chemins. Avant la mise en oeuvre de la nouvelle loi anti-casseurs (qui fait l'objet de recours devant le Conseil constitutionnel, dont un à l'initiative du président de la République), le Premier ministre a annoncé que "les manifestations se revendiquant des gilets jaunes" seraient interdites "dans les quartiers qui ont été les plus touchés" "dès lors que la présence d'éléments ultras et de leur volonté de casser" seront connus. "Je pense bien évidemment aux Champs-Élysées à Paris, à la place Pey-Berland à Bordeaux, à la place du Capitole à Toulouse", où "nous procéderons à la dispersion immédiate de tous les attroupements", a annoncé Edouard Philippe, lors d'une déclaration à la presse. Le Premier ministre a également annoncé le remplacement du préfet de police de Paris, ce mercredi en conseil des ministres. Didier Lallement, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine viendra remplacer Michel Delpuech.
"Je veux qu'il n'y ait aucun commerçant, aucun artisan obligé de mettre la clé sous la porte à cause de ces mouvements à répétition", a pour sa part déclaré Bruno Le Maire lundi, en marge d'un déplacement dans une usine Schneider Electric du Vaudreuil (Eure), avant la réunion de Bercy. La journée de manifestation du 16 mars a été particulièrement mouvementée, avec de nombreux magasins et restaurants comme le Fouquet's, Swarovski, Longchamp, et Zara, qui ont été dévastés et pillés. D'après la maire de Paris, Anne Hidalgo, que le Premier ministre doit recevoir le 19 mars, près de cent commerces ont été touchés ce jour-là. Sans compter cet acte 18 des gilets jaunes, les dégâts occasionnés sont déjà estimés à 170 millions d'euros par la Fédération française de l'assurance (FFA), avec 10.000 déclarations de sinistres.
Dès le 26 novembre 2018, le gouvernement a mis en place des mesures pour soutenir la trésorerie des professionnels. Et d'autres modalités ont été ajoutées en soutien aux collectivités territoriales, le tout ayant été présenté aux représentants de France urbaine et de l'Association des maires de France (AMF) le 7 mars à Bercy. Une circulaire signée le même jour et publiée le 15 mars détaille justement les mesures à disposition des commerçants et en soutien aux collectivités.

Une opération de revitalisation et d'animation commerciales spécifique

La circulaire met notamment en avant l'opération nationale de "revitalisation et d'animation commerciales" des centres-villes les plus touchés qui a été annoncée le 1er février 2019 par le Premier ministre. Dotée de 3 millions d'euros, elle permet de financer, par l'intermédiaire de l'Etat et avec le soutien des collectivités, les actions d'animation, d'attractivité et de communication commerciales, qui ont pour objectif de compenser les pertes subies, incitant et facilitant le retour de la clientèle.
Les aides de droit commun sont également mentionnées, comme le remboursement de crédits d'impôts. Pour accélérer leur demande, les professionnels du commerce doivent prendre contact avec leur service des impôts de rattachement, chargés de "traiter avec célérité les demandes de remboursement de crédits de TVA et de CICE des entreprises", précise la circulaire. Les professionnels peuvent aussi bénéficier de reports allant jusqu'à trois mois, de paiement de cotisations sociales dues au titre de janvier, février et mars 2019, ainsi que celles du premier trimestre 2019 pour les cotisants non mensualisés, et de délais de paiement des dettes fiscales et sociales, pour les entreprises éventuellement confrontées aux difficultés les plus significatives. Pour cela, les entreprises peuvent joindre leur service des impôts ou même saisir en ligne leur demande sur le site impots.gouv.fr.

Des remises de créances fiscales et d'impôts directs

Il peut aussi y avoir des remises gracieuses de créances fiscales dans certains cas. Ainsi, si l'étalement des paiements n'a pas permis de résorber la situation financière d'une entreprise, elle peut solliciter une remise partielle ou totale des pénalités et intérêts de retard éventuellement dus et des impôts directs. "La remise doit être motivée par une impossibilité pour le contribuable de payer ses dettes fiscales par suite de gêne ou d’indigence", indique le document, qui précise aussi que les remises de taxes et de contributions indirectes, type TVA, sont en revanche exclues. "S'il faut prendre à notre charge des impôts pour un commerçant ou un artisan qui aujourd'hui ne pourrait plus faire sa fin de mois et boucler sa trésorerie, nous le ferons, a précisé le 18 mars Bruno Le Maire, c'est un dispositif qui est simple, il est accessible sur internet."
Parmi les paramètres pris en compte : une perte significative de la clientèle et du chiffre d’affaires durant la période du mouvement des gilets jaunes, le défaut de liquidités, l’incapacité à régler les dettes à court terme ou les dépenses exceptionnelles. Dans le cas des entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, c'est la situation personnelle de l'entrepreneur qui est prise en compte (personnes à charge, état des dettes du foyer…). La circulaire insiste aussi sur le dispositif de l'activité partielle, auquel les entreprises peuvent faire appel quand elles subissent une fermeture temporaire de tout ou partie de leur établissement ou une réduction de la durée habituelle du temps de travail.

Espace commercial : un correspondant chargé des questions de sécurité

Au-delà de ces aides de droit commun, la circulaire mentionne les acteurs que les commerçants peuvent solliciter : les réseaux bancaires, Bpifrance, la médiation du crédit et des entreprises, les assurances mais aussi les référents territoriaux des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), de la cellule des gilets jaunes qui coordonne les mesures (joignable par mail : continuite-eco.dge@finances.gouv.fr.), et de la Direction générale des entreprises (DGE).
Et la question de la sécurité est également abordée. Parmi les nouveaux dispositifs : la signature d'une convention nationale sur la sécurisation des grands espaces commerciaux le 19 février 2019 avec les représentants des grandes surfaces commerciales. La convention prévoit la désignation d'un policier ou d'un gendarme comme correspondant de l'espace commercial. Il sera chargé de la gestion de crise, de toutes les questions relatives à la sécurité et des liens directs avec les forces de l'ordre (réunions d'informations et visites de sites). Il est aussi chargé de l'élaboration d'un plan de sûreté général intégrant les actions malveillantes de droit commun et les menaces à caractère terroriste. D'autres mesures en matière de sécurité sont en place : des missions de sensibilisation et de contact des professionnels du commerce pilotées par les préfets de département et de police à Paris et dans les Bouches-du-Rhône et des initiatives locales pour prévenir les dégradations et sensibiliser commerçants et associations de commerçants "par une prise de contact régulière et accrue pendant la période de contestation".
Si dans son intitulé, la circulaire mentionne les commerçants comme les collectivités, elle n'apporte aucune précision sur les dégradations de biens publics. A l'issue de la rencontre du 7 mars, le président de France urbaine et maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc s'était offusqué que rien ne soit prévu dans ce domaine.