À Nice, la reconnaissance faciale testée sous l’œil de la Cnil
Lors du carnaval de Nice, ces 19 et 20 février, la ville de Nice teste un dispositif de reconnaissance faciale utilisant ses caméras de vidéoprotection de la voie publique. Une expérimentation "à des fins de recherche" précise la Cnil. Pour être utilisée par les forces de sécurité, cette technologie demanderait une évolution de la législation.
Durant les deux jours du carnaval de Nice, la ville de Nice expérimente un système de reconnaissance faciale utilisant une intelligence artificielle. Limitée à une portion de l’enceinte du carnaval, celle-ci repose sur un panel d’un millier de volontaires : toutes les autres personnes auront leur visage flouté. L’objectif est d’explorer quelques cas d’usages de la reconnaissance faciale sur la voie publique : enfant ou personne âgée perdue dans la foule, identification de personnes d’intérêt, autrement dit recherchée… L’exercice consistera pour l’opérateur de vidéoprotection à retrouver dans la foule 50 personnes ayant accepté de fournir leur photo, à l'aide de six caméras, sur une zone délimitée. L’opération repose sur le logiciel "Any Vision" qui permet de "reconnaître quelqu’un même si la photo a trente ans" ou encore "d’identifier une personne passant de profil près d’une caméra, même si la photo fournie est de face", indique à l’AFP Jean-Philippe Claret, président de Confidentia dont la société dispose d’une licence.
Des échanges entre la Cnil et la ville
Du côté de la Cnil, on regrette "l’urgence dans laquelle ses services ont été sollicités, ces circonstances n’étant pas de nature à favoriser un travail d’analyse approfondie du dispositif projeté". On rappelle aussi que contrairement à ce qui a été mentionné dans la presse, il ne s’agit pas à proprement parler d’une "autorisation" : "Le RGPD a mis fin à cette procédure. Désormais, les collectivités ont une obligation de conformité." Dans les échanges entre la ville et l’autorité, dont une réunion, la Cnil a plus particulièrement insisté sur le consentement des personnes dans le cadre de l’expérimentation. "Celui-ci doit être libre et éclairé", précise l’autorité. Libre dans la mesure où une entrée alternative est proposée aux personnes ne souhaitant pas participer à l’expérimentation. Éclairé, ensuite, par des notices d’information et des panneaux d’affichage informant les personnes de l’expérimentation et de leur possibilité d’utiliser un autre accès.
Une évolution indispensable de la législation
La Cnil rappelle en outre le caractère "expérimental à des fins de recherche" du projet. Elle sera du reste destinataire d'un bilan de cette expérimentation. "Si le dispositif était effectivement utilisé à des fins de sécurité ou de prévention - prévention et détection des infractions pénales, enquêtes et poursuites, protection contre les menaces pour la sécurité publique - il y aurait lieu de faire application non pas du RGPD, mais de la directive Police Justice du 27 avril 2016. Le consentement des personnes ne peut constituer une base juridique pour le traitement de données à caractère personnel relevant de cette directive", détaille l’autorité. En d’autres termes, une modification de la législation est indispensable pour utiliser la reconnaissance faciale sur la voie publique. C’est du reste bien l’objectif poursuivi par le maire de Nice, Christian Estrosi, qui fustige depuis des mois les limites imposées à l’usage des 2.350 caméras (une pour 145 habitants) dont il a équipé sa ville. L’évolution du cadre de la vidéoprotection, assortie d’un débat public, est également souhaitée par la Cnil, seuls certains cas d’usage (caméra piéton, visionnage "simple" d’images) étant aujourd’hui appréhendés par la législation. Avec des objectifs cependant bien différents de ceux de l’édile niçois.
Des tests également dans les lycées
Deux lycées du sud de la France, l’un à Marseille, l’autre à Nice, ont été autorisés à tester la reconnaissance faciale pour assurer le contrôle d’accès des lycéens. Pilotée par la région Paca, l’expérimentation lancée en janvier vise à "apporter une assistance aux agents assurant l’accueil du lycée afin de faciliter et réduire la durée des contrôles, lutter contre l’usurpation d’identité et détecter le déplacement non souhaité d’un visiteur non identifié". 200 élèves auraient donné leur accord pour tester le dispositif. Comme pour Nice, la Cnil a échangé avec la région pour la mise en œuvre de cette expérimentation. Celle-ci repose sur la comparaison entre l’image captée par la caméra placée sur la porte d’entrée et le gabarit facial de l’élève stocké dans un badge ou sur un smartphone. La Cnil a imposé le stockage de cette donnée sensible sur un support individuel, sans aucune centralisation des données biométriques.