Nappes phréatiques : une situation générale "très satisfaisante" mais des points noirs persistants dans le sud

Dans l'ensemble, la situation des nappes d'eau souterraine est restée "très satisfaisante" en août mais l'étiage (basses eaux) 2024 "s'annonce très sévère" sur les points noirs du sud de la France, notamment à Perpignan et son arrière-pays, met en garde le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dans son bulletin mensuel de situation publié ce 16 septembre.

Le nouveau bulletin mensuel de situation des nappes d'eau souterraine publié par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ce 16 septembre fait une nouvelle fois état d'une situation globalement favorable sur le territoire. Comme en juin et en juillet, "la situation reste très satisfaisante, avec 70% des niveaux au-dessus des normales mensuelles", grâce à des pluies abondantes, alors qu'en août 2023, la situation était totalement inversée, avec 62% des niveaux se trouvant sous les normales mensuelles (contre seulement 17% en août 2024). Seules les nappes des Pyrénées-Orientales et de la Corse conservent des niveaux plus bas qu’en août 2023. Août 2024 s'est en effet classé au deuxième rang des mois d’août les plus humides pour les nappes depuis 30 ans (après août 2001 qui avait compté 83% des niveaux au-dessus des normales mensuelles).

Situation "très satisfaisante" pour une grande partie des nappes réactives

"Concernant les nappes réactives, l’évolution de leur état durant l’été dépend des cumuls pluviométriques locaux et de la pression des prélèvements", rappelle le BRGM. Entre juillet et août 2024, les situations n'ont que peu évolué. Elles se sont légèrement dégradées sur une bande centrale, du Périgord et la Garonne aval à la vallée de la Saône, ainsi que sur le Cotentin et le Boulonnais. "Ces secteurs abritent des nappes très sensibles au déficit de pluies efficaces survenu en juillet et août", relève l'établissement public. La situation d’août 2024 demeure très satisfaisante pour une grande partie des nappes réactives qui affichent des niveaux modérément hauts à très hauts, indique-t-il. Cela s’explique par une recharge 2023-2024 excédentaire et par un soutien important des niveaux par les pluies du printemps puis, plus ponctuellement, de l’été.

"Des niveaux moins favorables, de proches des normales à bas, sont la conséquence d’un déficit de pluies plus prononcé", poursuit le BRGM. Ainsi, dans les Côtes-d’Armor, les niveaux sont modérément bas à bas, du fait de l’absence d’épisodes de recharge depuis avril. Les nappes du centre du Massif central (Limagne et volcans d’Auvergne) ont connu une recharge 2023-2024 déficitaire. Alors que leur situation s’est améliorée avec les pluies du printemps, elle se dégrade à nouveau avec les déficits de l’été. Les niveaux peuvent atteindre des niveaux bas au droit de la chaîne des Puys et de la plaine du Forez. Enfin, les nappes de Provence sont globalement proches des normales, mais les niveaux sont localement hétérogènes notamment dans la plaine de la Durance.

Niveau toujours "préoccupant" sur le littoral du Roussillon et l'ouest du Languedoc

La situation des nappes du littoral du Roussillon et de l’ouest du Languedoc reste en revanche très dégradée. Les niveaux sont bas sur les nappes des alluvions de l’Aude, de l’Hérault et de l’Orb, conséquence d’une recharge hivernale déficitaire. Sur la plaine du Roussillon et le massif des Corbières, l’état des nappes est jugé "très préoccupant". Les niveaux ont continué de baisser en août, atteignant parfois des minima historiques, et les situations se dégradent. "La nappe profonde du pliocène du Roussillon apparaît à un niveau modérément bas du fait de la forte diminution de la pression des prélèvements, engendrant une remontée locale des niveaux, constate le BRGM. Cependant de nombreux secteurs observent toujours des niveaux très bas." L’état des nappes de Corse reste, lui, très contrasté. Les niveaux sont inquiétants, de modérément bas à très bas, sur le Cap Corse et les plaines orientales alors qu'ils sont supérieurs aux normales mensuelles sur le littoral ouest.

La situation des nappes inertielles de l’Artois, du Bassin parisien, du Sundgau (sud Alsace) et du couloir Rhône-Saône, n'a que peu évolué depuis juin. "Les tendances inhabituellement stables ou localement en hausse sur le sud-est du Bassin parisien ont pour conséquence une amélioration de l’état de la nappe des calcaires et sables tertiaires de la Brie au Tardenois et de la nappe de la craie séno-turonienne de Bourgogne et du Gâtinais", note le BRGM. La situation des nappes inertielles est ainsi jugée "très satisfaisante", avec des niveaux généralement au-dessus des normales mensuelles. Les nappes de la Beauce, du Sundgau, du Dijonnais, Bresse et Dombes présentent une inertie très prononcée. Leur situation s’est grandement améliorée avec la recharge 2023-2024 très excédentaire mais leurs niveaux restent modérément bas à proches des normales. Des situations locales peuvent être néanmoins moins favorables. C'est le cas de la nappe de la craie normande au sud de la Seine, du nord et de l’est de la nappe de Beauce, de la nappe de la molasse miocène du nord de la Drôme qui ont toujours des niveaux proches des normales à modérément bas.

Prévisions des prochaines semaines : tout dépend des cumuls pluviométriques

Alors que les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de septembre, octobre et novembre privilégient des températures plus élevées que la normale sur l’ensemble du territoire et des conditions plus sèches que la normale sur le sud, la vidange devrait donc se poursuivre pour la plupart des nappes et les épisodes de recharge rester ponctuels et peu intenses jusqu’à la mise en dormance de la végétation et la survenue d’épisodes pluviométriques abondants, la période d’étiage sur les nappes se produisant habituellement entre mi-octobre et fin novembre.

L'évolution de l’état des nappes dans les prochaines semaines dépendra donc essentiellement des cumuls pluviométriques. Avec une pression des prélèvements estivaux qui devrait s’alléger, les situations globales de septembre devraient rester au-dessus à proches des normales sur la majeure partie du territoire, anticipe le BRGM. Les nappes inertielles ne devraient que peu évoluer entre août et septembre mais des tensions locales pourraient apparaître en cas d’étiage tardif dans des secteurs affichant actuellement des niveaux sous les normales ou fortement sollicités par des prélèvements (la craie de Normandie au sud de la Seine, la Beauce ou la molasse miocène du nord de la Drôme, notamment), prévient cependant le BRGM. La situation des nappes réactives pourrait se maintenir voire s’améliorer plus ou moins rapidement selon les cumuls pluviométriques locaux mais aussi se dégrader en l’absence de soutien par les pluies et sur des secteurs fortement sollicités par des prélèvements.

Dans le sud de la France, les nappes du littoral du Roussillon, du Languedoc, de l’est et du nord de la Corse doivent continuer à faire l’objet d’une "vigilance renforcée", souligne le BRGM. "L’état actuel de ces nappes est peu satisfaisant à très préoccupant et l’étiage 2024 s’annonce très sévère", met-il en garde. A Perpignan et ses environs, "les niveaux sont tellement bas que même un niveau exceptionnellement humide pourrait ne pas suffire pour reconstituer les réserves", a souligné Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM, lors d'une présentation à la presse. La période de recharge 2024-2025 devra donc faire l’objet d’une "surveillance accrue", affirme l'organisme.