Municipales : feu vert de l'Assemblée nationale à la réforme "Paris-Lyon-Marseille"

Les députés ont adopté largement, en première lecture le 9 avril, la proposition de loi du député Sylvain Maillard (Ensemble pour la République) mettant fin au mode de scrutin spécifique aux trois grandes villes, qui date de 1982. A la place, le texte instaure deux scrutins, dont l'un permettant aux électeurs de "choisir" leur maire.

A moins d'un an des municipales, la réforme du scrutin pour Paris, Lyon et Marseille a passé sans encombre le cap de l'Assemblée nationale, avec un résultat de 183 voix pour, 53 voix contre et 17 abstentions. La plupart des députés de droite et du centre ont voté pour, à l'exception de ceux du groupe Horizons qui se sont abstenus. Les députés LFI se sont ralliés au texte, mais le reste de la gauche (écologistes, communistes et socialistes) s'y est opposé, le groupe Liot étant pour sa part divisé.

"Les Parisiens, les Lyonnais et les Marseillais votaient quelque part par procuration, de manière très indirecte pour leur maire, à présent ils choisiront leur maire", s'est félicité Franck Allisio (Bouches-du-Rhône), pour le Rassemblement national.

Initiée par le député de Paris Sylvain Maillard (Ensemble pour la République), la proposition de loi mettrait fin au mode de scrutin mis en place en 1982, en vertu duquel les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d'arrondissement et au conseil municipal.

"Chaque voix comptera"

Ce dispositif a "abîmé la gouvernance de nos trois villes", a estimé celui qui a été candidat (majorité présidentielle) à l'élection municipale de Paris, en 2020. "Quand vous êtes un électeur d'Anne Hidalgo dans le 16e arrondissement [ancré à droite], il n'y a aucun intérêt d'aller voter" et il en est de même pour un électeur du centre ou de la droite inscrit "dans le 20e arrondissement", acquis à la gauche, a-t-il relaté. En observant que l'élection se joue dans une poignée d'arrondissements clés, de même que l'élection présidentielle américaine bascule avec les résultats des États charnières. "Le mode de scrutin actuel fait que vous privilégiez systématiquement vos arrondissements, parce que c'est ceux-là qui vous ont élu", a-t-il aussi critiqué.

Son texte prévoit d'instaurer deux scrutins distincts, l'un pour élire les conseillers d'arrondissement ou de secteur, l'autre pour élire ceux du conseil municipal, dans une circonscription unique. Ce serait "un système dans lequel chaque voix compte" et "quel que soit l'endroit où vous habitez dans la ville, vous comptez la même chose", a souligné le député parisien. "Enfin de la transparence, de la lisibilité et de la cohérence", a salué Laurent Mazaury (Yvelines, Liot).

"Votre appel à la démocratie n'est que le voile d'ambitions à peine cachées parmi les excuses avancées pour justifier cette réforme", a critiqué de son côté le président du groupe communiste Stéphane Peu. Il accuse les macronistes de vouloir modifier les règles du scrutin à moins d'un an des municipales pour tenter de remporter la mairie de Paris.

Prime majoritaire abaissée

Le nouveau mode de scrutin permettrait de "raffermir nos arrondissements", avec des listes qui se consacreraient véritablement à eux, a aussi défendu Sylvain Maillard. "Ce ne sera plus le cas de maires [d'arrondissement] qui se présentent et qui ensuite partent à la mairie centrale par exemple". Cette "mascarade électorale" va plutôt "paupériser [les arrondissements] par le poids démocratique qu['ils] n'auront plus de manière certaine dans les conseils municipaux", a dénoncé l'écologiste Léa Balage El Mariky (Paris).

Le rapporteur, Jean-Paul Mattei (Démocrates, Pyrénées-Atlantiques), a proposé d'exclure Lyon d'une réforme, qui instaurerait dans l'ancienne capitale des Gaules trois scrutins le même jour (arrondissements, ville et métropole). Son amendement a toutefois été rejeté. "Les Lyonnais se voient imposer une élection complètement complexifiée, avec trois urnes le jour du vote. Qui dit mieux ?", s'est agacé le député (Horizons, Nord) Jean Moulliere.

Le texte propose aussi d'abaisser à 25% la prime majoritaire pour la liste arrivée en tête, au lieu de 50%, comme c'est aujourd'hui le cas partout en France. Bastien Lachaud (LFI, Seine-Saint-Denis) a salué "une grande avancée démocratique". Mais le socialiste Stéphane Delautrette (Haute-Vienne) a regretté qu'"on crée à nouveau [avec cette mesure] une particularité pour Paris, Lyon et Marseille". "Certes, mais nous sommes d'accord pour généraliser cette avancée démocratique à toutes les communes", a rétorqué le député LFI.

Terrain miné au Sénat

Le Conseil de Paris avait demandé lors de sa séance du 8 avril, le matin même du début de l'examen de la proposition de loi dans l'hémicycle, que celle-ci soit "immédiatement retirée de l'ordre du jour du Parlement". "Les villes de Paris, Lyon et Marseille méritent mieux qu'un débat escamoté et des manipulations électorales", a affirmé l'exécutif municipal dans un voeu, adopté à une large majorité (96 voix pour, 27 contre et 34 abstentions). "Cette réforme serait une régression démocratique réduisant à la portion congrue les maires d'arrondissements" de la capitale, a souligné la maire socialiste Anne Hidalgo.

La réforme part à présent au Sénat, où le premier groupe, celui des Républicains, serait "très majoritairement contre", selon une élue issue de cette famille politique et citée par l'AFP. L'examen qui démarrera en séance le 3 juin ne s'annonce donc pas comme une partie de plaisir pour le gouvernement, qui soutient le texte. Sur le réseau social X, le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, a d'ores et déjà promis de rechercher un "consensus" dans la chambre haute.

 

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