Morvan : le musée des Nourrices et des Enfants de l'Assistance publique pour exorciser un passé douloureux (58)

Créé par le parc naturel régional et la communauté de communes Morvan, sommets et grands lacs, le musée des Nourrices et des Enfants de l’Assistance publique permet à la population de raconter à nouveau un passé devenu tabou.

Septième maison à thème du réseau de l’écomusée du Morvan, le musée des Nourrices et des Enfants de l’Assistance publique a ouvert ses portes en 2016 dans le village d’Alligny-en-Morvan. Il remet à jour une mémoire que les anciens Morvandiaux avaient volontairement oubliée. Au XIXe siècle, afin d’assurer sa subsistance, le Morvan a développé une véritable "industrie nourricière". Au cœur des échanges entre Paris et le Morvan, une double histoire s’est vécue : alors qu’un très grand nombre de femmes du Morvan sont parties se placer comme nourrices au sein des familles bourgeoises parisiennes, dans un mouvement inverse, de nombreux enfants de l’Assistance publique franciliens ont été placés au sein des familles morvandelles. Cette activité nourricière, source de revenu complémentaire, a perduré jusqu’à ce que, dans les années 1970, les femmes acquièrent la maîtrise de leurs maternités.

Une vague honte qui ne se raconte pas

"Ce musée est le fruit d’une longue gestation, raconte l’animatrice culturelle du musée, Marion Blanc. Dans les années 80, le parc naturel régional a décidé de créer un écomusée, aussi éclaté que le territoire, sous forme de huit maisons à thème différentes, dont une sur ce passé "nourricier" du Morvan. L’historien local Marcel Vigreux avait travaillé sur le sujet mais les anciens n’avaient pas envie d’en parler, bien qu’il révélât un pan essentiel de la culture locale." Il faudra attendre les années 2010, pour que le projet soit partagé.

Les Morvandelles "vendaient" leur lait à Paris

Au XIXe siècle, le Morvan était une région agricole pauvre. Pour faire vivre leur famille, les femmes venant d’avoir un enfant ont été incitées à monter à Paris "vendre" leur lait aux bourgeoises, à domicile. Elles gagnaient alors bien leur vie. Elles avaient le statut de domestiques, mais "de luxe" en quelque sorte, du fait qu’elles avaient avec leur patronne et son enfant des relations privilégiées. Tandis que les enfants que les nourrices venaient de mettre au monde, eux, restaient au village. Leur mortalité était importante…

"Collaboration" Paris - Morvan dans les deux sens

En région parisienne, dans la classe ouvrière pauvre, de nombreuses "filles-mères" mettaient au monde des enfants qu’elles n’avaient pas désirés et n’avaient pas les moyens de nourrir. L’État a décidé de mesures de "protection de l’enfance" en créant l’Assistance publique - au milieu du XIXe siècle - et a cherché des familles d’accueil pour permettre à moindre coût leur prise en charge. Contre un complément de revenus, beaucoup de familles morvandelles ont accueilli des enfants de l’Assistance publique du département de la Seine. Certaines familles en accueillaient plusieurs. Dès 10 ans, les enfants placés travaillaient dans les champs, au moins l’été, au moment des moissons.
L’accueil des "Petits Paris", enfants de l’Assistance, a pu augmenter la population de certains villages de 50 %. Car sur les 5.000 enfants abandonnés à Paris chaque année, un tiers ont été accueillis par des familles morvandelles.

Musée pour que le territoire reconnaisse enfin son passé

Cette réalité douloureuse, les Morvandiaux l’ont trop longtemps portée comme un souvenir honteux dont on ne veut pas parler. La création de ce musée a donc été un choc pour certains, une révélation pour d’autres.
Dès l’ouverture, des personnes qui y retrouvaient leur histoire sont venues avec leurs petits-enfants, pour leur expliquer. Et les autres découvrent avec étonnement et curiosité un énorme "non-dit", des histoires bouleversantes enfin reconnues comme une réalité historique, sans jugement de valeur.

Lieu de vie pour "reconstruire" le territoire

Le coût total de construction et d’aménagement du musée avoisine le million et demi d’euros, financé par l’Europe, l’État (pôle d’excellence rurale), la région et le département. Le reste à charge pour la communauté de communes fut de 250.000 euros. Fort peu au regard du bénéfice social engendré par l’équipement depuis son ouverture.
Car le musée est aujourd’hui un lieu de vie. Il abrite un café où la parole se libère. Un centre-ressources permet de faire des recherches en partenariat avec les archives départementales. Enfin, trois chambres d’hôtes gérées par la communauté de communes font de ce musée une véritable maison. Il permet finalement aux habitants de se reconstruire dans un territoire adulte et fier de l’être, assumant à nouveau un passé fait de pauvreté dont il n’a pas à se sentir coupable.

Communauté de communes Morvan, sommets et grands lacs

Nombre d'habitants :

12900

Nombre de communes :

34
Place François Mitterrand
58120 Château-Chinon

Jean-Sébastien Halliez

Président

Marie-Christine Grosche

Vice-présidente et maire d'Alligny-en-Morvan

Musée des Nourrices et des Enfants de l'Assistance publique

Le Bourg
58230 Alligny-en-Morvan

Marion Blanc

Agent de développement culturel

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