Mixité à l'école : une PPL en cours d'examen… suspendue à la reprise de la vie parlementaire
Alors que deux propositions de loi portant sur la mixité sociale à l'école n'ont jamais passé le cap de l'examen en commission, une troisième venait de commencer son parcours au Sénat. D'un contenu plus large que les précédentes, elle est aujourd'hui suspendue à la reprise de la vie parlementaire et à l'après-élections législatives.
La publication des indices de position sociale (IPS), à l'automne 2022, avait mis en lumière les fractures socio-économiques de l'école française. Dans la foulée, Pap Ndiaye, alors ministre de l'Éducation nationale, avait fixé, à l'horizon 2027, un objectif de réduction des inégalités dans la composition sociale des établissements publics, puis conclu, sur ce même thème, un protocole d'accord avec le secrétariat général de l'Enseignement catholique (lire nos articles des 12 mai 2023 et 22 mai 2023).
De leur côté, les parlementaires ont multiplié les initiatives. En 2021, une proposition parlementaire de loi (PPL) envisageait, pour renforcer la mixité sociale à l'école, de favoriser la sectorisation multicollèges et de modifier les sites d'implantation des nouveaux établissements scolaires (notre article du 13 juillet 2021). En début d'année, un autre texte, portant cette fois sur la mixité sociale dans les collèges publics, était déposé au Sénat (notre article du 7 mars 2024). Son idée ? Obliger les départements à modifier les secteurs de recrutement des collèges afin d'y favoriser la mixité. Mais aucune de ces deux PPL n'a été examinée.
Obligation de mixité
C'est dire si les partisans de la mixité sociale à l'école attendent désormais beaucoup d'un troisième texte. Déposé le 27 mars 2024 par la sénatrice de Paris Colombe Brossel, il entend couvrir la question plus largement, en portant sur tous les niveaux d'enseignement, du primaire au secondaire, et sur l'enseignement public comme privé sous contrat. Autre avantage : cette troisième PPL a déjà été adoptée par la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat le 5 juin.
Ce nouveau texte transforme les objectifs légaux de mixité sociale en obligations, tant pour l'enseignement public que pour l'enseignement privé sous contrat, ce que l'accord entre l'État et l'Enseignement catholique n'était pas parvenu à faire. Il est ainsi question de répartir les élèves au sein des établissements de façon "équilibrée" selon les catégories socio-économiques des parents, et de contrôler l'effectivité de cette mesure dans les établissements publics et privés sous contrat.
En outre, le conseil municipal devra assurer la mixité sociale lors de ses décisions de création d'écoles et de classes, et la carte scolaire sera établie par le conseil départemental en tenant compte des impératifs de mixité sociale, un même secteur de recrutement étant obligatoirement partagé par plusieurs collèges. On note encore que le schéma des formations des collèges et lycées devra également garantir la mixité sociale.
Sanctions financières
Côté sanctions, l'État pourra s'opposer à l'ouverture d'un établissement privé sous contrat si la mixité n'est pas assurée ou encore moduler ses subventions, tant pour les dépenses de fonctionnement que pour les rémunérations des enseignants pour le même motif. D'autres mesures portent sur le contrôle, la transparence et l'ouverture de classes dans l'enseignement privé sous contrat.
L'avenir de ce texte se heurte toutefois à la conjoncture parlementaire. Après la dissolution de l'Assemblée nationale par décret publié le 10 juin, la conférence des présidents du Sénat a ajourné ses travaux en séance publique (notre article du 11 juin) alors que la PPL devait être examinée ce 13 juin. Impossible donc de prévoir quand son examen se poursuivra. Mais une chose est sûre, si le texte devait disparaître momentanément de l'agenda du Sénat, il ne devrait pas disparaître des esprits.