Social - Minima sociaux : la grande réforme n'est pas pour tout de suite
L'Assemblée nationale examinait ces 29 et 30 novembre en première lecture le projet de loi "relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi". Ce texte de onze articles, défendu par la ministre déléguée à la Cohésion sociale, Catherine Vautrin, concerne le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux et, en premier lieu, l'accompagnement financier d'une reprise d'activité par ces allocataires. L'esprit de la réforme avait été donné par le Premier ministre le 1er septembre : "Je veux qu'il soit plus intéressant en France de travailler plutôt que de vivre d'un revenu d'assistance." Quelque 140.000 personnes devraient être concernées en 2006, pour un budget de 240 millions d'euros.
Catherine Vautrin a présenté en ces termes les impacts concrets de ce projet de loi présenté le 8 novembre en Conseil des ministres avant de faire l'objet d'une déclaration d'urgence : "L'allocataire d'un minimum social qui reprend un emploi conservera pendant les trois premiers mois son minimum social en totalité. Ensuite, s'il travaille au moins à mi-temps, il touchera 1.000 euros de l'Etat pour l'aider à faire face aux frais auxquels l'expose son nouvel emploi et chaque mois pendant neuf mois, 150 ou 225 euros s'il vit en couple ou a charge de famille." Le texte prévoit en outre une priorité d'accès aux modes de garde de jeunes enfants pour les bénéficiaires de minima sociaux exerçant une activité (s'ils sont seuls ou si leur conjoint travaille).
Une première étape
Un article concerne par ailleurs l'attribution du RMI aux étrangers : "Pour l'obtenir, les ressortissants de l'espace économique européen et de l'Union européenne devront résider en France depuis plus de trois mois. Cette condition mettra les départements à l'abri d'un afflux de demandes incontrôlé", a expliqué la ministre déléguée.
Celle-ci n'a eu de cesse de souligner que son projet "se veut équitable, en instaurant pour tous les allocataires de minima sociaux un même dispositif, plus simple, plus lisible". Elle n'a toutefois pas réussi à convaincre, loin de là, tous les bancs de l'Assemblée. Si personne n'a semblé remettre en cause l'utilité d'un coup de pouce financier aux allocataires du RMI, de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ou de l'allocation parent isolé (API), nombre de députés ont jugé le texte précipité et très incomplet.
Catherine Vautrin a insisté sur le fait que ce projet de loi n'est que la première étape d'une réforme plus vaste des minima sociaux. Une réforme qui pourra éventuellement concerner les droits connexes, dont l'exonération de taxe d'habitation. Le gouvernement n'exclut pas de retenir "un plafond de revenus plutôt qu'un statut" pour accorder ces droits.
En outre, on le sait, le Premier ministre envisage un rapprochement voire une fusion des différents minima - et a, dans cette perspective, confié une mission à Michel Mercier et Henri de Raincourt, tous deux sénateurs et présidents de conseils généraux.
Un surcoût pour les départements ?
Mais pourquoi alors, se sont interrogés les députés, ne pas avoir attendu les conclusions imminentes des deux élus, qui doivent "apporter des propositions décisives", avant de légiférer ? Ils y voient un manque de cohérence. Un manque de concertation aussi, dans la mesure où les départements n'auraient pas été suffisamment associés au chantier.
Les conseils généraux seront pourtant clairement impliqués dans le nouveau dispositif, puisque le texte prévoit que ce sont eux qui verseront la nouvelle prime mensuelle forfaitaire aux Rmistes retrouvant un emploi.
Catherine Vautrin a assuré que les départements "ne subiront aucun surcoût". Son argumentaire : un mécanisme d'intéressement est déjà financé par les départements, avec cumul dégressif déjà possible entre RMI et revenus d'activité ; de surcroît, "le passage d'un minimum social vers l'emploi fera diminuer les dépenses de RMI des départements".
Patricia Adam, député PS du Finistère, est restée dubitative : "Selon vous, la réforme permettra aux départements d'économiser 2 millions d'euros. Si j'ai bien compris, tout le monde est gagnant : les titulaires des minima comme les départements ! J'avoue ne pas très bien comprendre : si le nouveau système est plus attractif pour le bénéficiaire, cela se traduit mécaniquement par un surcoût et il est légitime de demander qui va le supporter."
Les droits connexes, point clef de toute réforme des minima
Le fait que la question des droits connexes ne fasse pas partie du texte a elle aussi été largement débattue. "Cette question, même si elle est récente, est loin d'être secondaire : c'est la clef, jusqu'ici négligée, de la réforme des minima sociaux, qui permettra de rendre le système plus efficace tout en résorbant les trappes à inactivité (?). Ils sont souvent méconnus des organismes qui les accordent, voire des bénéficiaires eux-mêmes, et se distinguent selon les minima sociaux, d'où l'opacité du système", a par exemple regretté le député UDF du Nord Francis Vercamer, reprenant ainsi les conclusions du rapport que la sénatrice Valérie Létard avait consacré au sujet en mai dernier.
Autre sujet de litige : le choix du gouvernement d'avoir fixé un seuil de 78 heures mensuelles d'activité pour bénéficier du dispositif, ainsi qu'un délai minimal de quatre mois d'emploi pour être éligible à la prime de retour à l'emploi.
Au final, peu d'amendements ont toutefois été votés, sur la quarantaine adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L'un d'eux, voté avec l'aval du gouvernement, inscrit dans la loi la possibilité de cumuler minima sociaux et revenus des travaux saisonniers, en s'inspirant d'une initiative récente du conseil général du Rhône? présidé par Michel Mercier. Lequel aurait, selon Francis Vercamer (l'information n'a pu être confirmée par l'entourage de Michel Mercier), décidé de renoncer à parachever son rapport sur les minima sociaux.
L'examen des articles devait s'achever dans la soirée du 30 novembre, le vote de cette première lecture étant prévu pour le 6 décembre.
Claire Mallet