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Social - Minima sociaux et retour à l'emploi : les premières expérimentations sont lancées

Le Premier ministre a validé l'idée d'expérimenter localement des dispositifs innovants de retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, notamment via le "revenu de solidarité active" préconisé par Martin Hirsch. Quelques départements, dont l'Eure, sont déjà à pied d'oeuvre.

"Ouvrir une concertation approfondie sur les propositions des sénateurs Raincourt, Mercier et Létard, qui visent à améliorer les conditions d'insertion dans le monde du travail pour les bénéficiaires des minima sociaux" et "lancer des expérimentations dans un certain nombre de départements volontaires sur des dispositifs qui permettront de valoriser le retour à l'emploi dès la première heure de travail". Ces deux chantiers ont été annoncés par Dominique de Villepin lors de sa conférence de presse du 6 avril. Il reviendra au Parlement de "définir les modalités" de cette expérimentation dont le pilotage sera assuré par Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France, chef d'orchestre du fameux rapport "Au possible nous sommes tenus" publié il y a un an et créateur, depuis, de l'"Agence nouvelle des solidarités actives".
L'un des principaux axes du rapport Hirsch était la mise en place d'un revenu de solidarité active (RSA) visant à "intégrer" tous les revenus de la famille pour mieux combiner les revenus du travail et ceux de la solidarité et éviter que le retour à l'emploi ne se traduise par une chute des revenus. Il proposait de tester localement l'efficacité de cette mesure - ce que le Premier ministre vient donc d'avaliser. "On devrait pouvoir monter une dizaine d'expérimentations cette année, dans la majorité des cas avec des départements, mais aussi des communes et régions", a indiqué Martin Hirsch, contacté par Matignon pour savoir s'il était "toujours partant".

Eure : quatre thématiques, quatre territoires

Son association, l'Agence nouvelle des solidarités actives, a été créée fin janvier à cette fin - celle d'accompagner les collectivités locales intéressées par la démarche. Ces expérimentations doivent permettre de moduler les modalités d'attribution des minima sociaux et droits connexes en fonction des problèmes rencontrés sur chaque territoire, de rendre plus favorables les dispositifs d'intéressement à la reprise d'activité, de tester de nouvelles formes d'accompagnement. Elles pourront aussi concerner des actions liées à la santé, aux contrats aidés ou à l'accès aux crèches.
Une poignée de départements sont déjà à pied d'oeuvre : cinq conseils généraux ont signé une convention avec Solidarités actives et deux autres conventions sont en projet. Parmi eux figurent le Rhône - connu pour ses diverses initiatives en matière d'insertion des Rmistes - et l'Eure. Les autres ne souhaitent pas encore communiquer sur le sujet.
Dans l'Eure, le travail est bien avancé. Il s'est appuyé sur les conclusions des Assises de l'insertion organisées en novembre dans le département et d'un audit réalisé à cette occasion. Quatre axes ont été retenus. Chacun d'entre eux sera expérimenté sur l'une des quatre unités territoriales d'action sociale du département. Le premier porte sur le revenu de solidarité active. "L'idée est d'activer les diverses aides à la personne liées à la perception du RMI qui disparaissent avec le retour à l'emploi", explique-t-on au conseil général.

Une nécessaire dérogation aux règles en vigueur

Sur un autre territoire du département sera expérimentée une "plate-forme unique" réunissant l'ensemble des partenaires et permettant, quel que soit le guichet d'accueil, de "traiter l'ensemble des droits de la personne et de réduire les délais d'instruction et de réponse". Les deux autres axes répondent à la volonté, d'une part, de renforcer les partenariats avec le monde économique et, d'autre part, d'améliorer l'accompagnement des Rmistes en systématisant la contractualisation dès les premières prises de contact.
Ces orientations, leurs modalités de mise en oeuvre et le calendrier feront l'objet d'une délibération de l'assemblée départementale en juin, précise-t-on au cabinet de Jean-Louis Destans, président du conseil général, en soulignant que la démarche suppose évidemment l'implication de nombreux partenaires locaux (préfet, Ccas, CAF, etc.), entre autres sur la question des aides connexes.
Elle suppose aussi, sur certains aspects, le passage par un texte législatif permettant de donner une base légale à l'expérimentation - par exemple lorsqu'il s'agira de déroger aux règles en vigueur en matière de cumul entre allocations et revenus du travail. Ou bien encore, Solidarités actives préconise d'utiliser autrement la prime de 1.000 euros créée par la loi Retour à l'emploi ainsi que la prime de retour à l'emploi. Ces deux primes pourraient être fusionnées et attribuées aux conseils généraux qui mettraient alors en place des modalités de versement plus adaptées aux besoins des bénéficiaires (par une mensualisation par exemple), explique Etienne Grass, l'un des trois membres fondateurs de l'association.

Une proposition de loi en mai

S'agissant du support législatif, Martin Hirsch avait initialement proposé un amendement au projet de loi Egalité des chances. Il faudra attendre du gouvernement un nouveau projet de loi? à moins que la dérogation ne vienne s'inscrire dans la proposition de loi portant réforme des minima sociaux qui devrait être déposée au Sénat à la mi-mai.
Cette future proposition de loi (disponible ci-contre en téléchargement) vient d'être présentée par le groupe de travail formé par la commission des affaires sociales du Sénat à la suite du rapport de Valérie Létard intitulé "Minima sociaux : mieux concilier équité et reprise d'activité" (mai 2005).
Ce texte nourrit plusieurs ambitions, dont celle de garantir l'égalité de traitement entre bénéficiaires des différents minima sociaux ainsi qu'entre ces bénéficiaires et les salariés à bas revenus. Il entend ainsi remplacer, pour tous les droits connexes, les conditions d'attribution liées au statut par une simple condition de ressources. Il prévoit par ailleurs de supprimer les délais de carence existant entre la fin d'une période de travail, ou encore de rendre obligatoire la conclusion d'un contrat d'insertion pour les bénéficiaires de l'allocation de parent isolé (API). Enfin, en liaison avec Martin Hirsch, un article a été préparé pour autoriser les départements "à expérimenter des formules innovantes d'intéressement et d'accompagnement des titulaires de minima sociaux, comme le revenu de solidarité active".
En attendant le texte de loi, quel qu'il soit, Solidarités actives a signé une convention avec l'Assemblée des départements de France, s'apprête à le faire avec l'ANPE et la Cnaf et prépare "des protocoles d'expérimentation précis" avec les collectivités concernées. Viendra ensuite la phase de mise en oeuvre sur le terrain? puis, souligne Etienne Grass, celle de l'évaluation, l'objectif étant bien sûr de savoir si tout cela mérite d'"être généralisé ou pas".

Claire Mallet

 

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