Menacée par l’érosion côtière, Lacanau se prépare et gèle les constructions sur le front de mer (33)
Station balnéaire réputée, Lacanau voit son trait de côte reculer et menacer ses activités touristiques. Pour lutter plus efficacement contre ce phénomène naturel, la ville déploie une stratégie locale de gestion de la bande côtière et a pris plusieurs dispositions dans son PLU. Elle envisage également de redéployer ses activités touristiques.
Les risques d’érosion existent depuis longtemps sur la côte Aquitaine comme partout ailleurs mais l’urbanisation du littoral ainsi que les changements climatiques amplifient le phénomène. Lacanau compte 16 km de côte dont 1 km est "tenu" par une digue qui protège la partie la plus urbanisée du front de mer. L’érosion résulte notamment du glissement du sable du littoral vers les fonds marins et d’un déficit d’apport sédimentaire dû aux retenues effectuées au niveau des fleuves.
Définition d’une stratégie locale contre l’érosion
Depuis longtemps la ville a engagé des actions de lutte contre l’érosion. À la fin des années 1970, elle édifie des protections, régulièrement étendues. En 2012, son action s’inscrit dans le cadre de la stratégie régionale de gestion de l’érosion conçue par le groupement d’intérêt public (GIP) Littoral aquitain (lire encadré) dont elle devient un site pilote. Les premières études démarrent aussitôt pour établir des prévisions et identifier des solutions.
L’aléa climatique rend caduques les prévisions
Mais l’érosion relativement "lente" s’aggrave brutalement sous l’effet des tempêtes extrêmes de l’hiver 2013-2014. Cette succession de tempêtes provoque un recul du trait de côte jusqu’à 25 mètres dans certains points du littoral et détruit la digue. Globalement, sur cette seule année, le recul rend caduques les prévisions effectuées à l’échéance de 2040, menaçant ainsi à plus court terme l’économie touristique de la station balnéaire, une partie de ses logements et de ses activités.
Premier plan transitoire
Dans l’urgence la digue est reconstruite en 2014 pour un coût de 3 millions d’euros, certes élevé, mais indispensable à la protection des personnes et des biens. La reconstruction est financée à 75% par la commune et à 25% par l’Etat.
Concomitamment, la stratégie locale de gestion de la bande côtière est préparée et un premier plan transitoire sur la période 2016-2018 voit le jour.
50 actions, 8 axes
Il comporte une cinquantaine d’actions organisées en 8 axes tels que préconisés par la stratégie régionale (amélioration de la connaissance du risque, surveillance et prévision de l’érosion, préparation à la gestion de crise, prévention, actions de réduction de la vulnérabilité des biens et des personnes, lutte active souple (rechargements en sable), gestion des l’ouvrages de protection…).
Protéger ou délocaliser ?
"Deux scénarios de lutte contre l’érosion côtière ont émergé des études", indique l’adjoint au en charge du littoral, Hervé Cazenave : "À court terme, nous avons retenu la protection en dur, en attendant de voir si seront réunies les conditions économiques, juridiques d’une relocalisation des logements et des activités." La stratégie locale prévoit un ou des plans d’actions transitoires jusqu’en 2050 qui puissent préparer un choix éclairé de l’un ou l’autre des deux scénario d’aménagement du littoral pour l’horizon 2100.
D’abord la protection en dur
"Dans un premier temps, la protection en dur exige d’augmenter progressivement la hauteur voire la longueur de la digue pour protéger la station du risque de 2050 si les prévisions sont exactes", explique la chargée de mission Littoral et développement durable de Lacanau, Éléonore Geneau. Le dimensionnement de cette digue "horizon 2050" doit également faire face à une élévation du niveau de la mer que les experts du GIEC estiment à au moins 34 cm à cette échéance (GIEC 2013, scénario défavorable). Outre des coûts assez élevés, cette solution présente l’inconvénient d’augmenter l’érosion en amont et en aval de la digue.
Le PLU gèle l’augmentation des capacités d’accueil sur le front de mer
La ville de Lacanau a pris une autre mesure importante en adoptant dans son PLU des mesures visant à ne pas augmenter les capacités d’accueil sur le front de mer. Les nouvelles constructions y sont autorisées sous réserve d’être temporaires, précaires et réversibles. Cette disposition porte sur une bonne partie du périmètre de vulnérabilité de 2011 (900 mètres de long et 200 mètres de profondeur), traduit en zone urbaine littoral (UBl) Le PLU réduit de 57 % les surfaces constructibles et augmente de 7 % les surfaces boisées. En mai 2018, le Tribunal administratif a retenu le PLU compatible avec le Scot des Lacs médocains et rejeté les recours intentés pour l’annuler.
La relocalisation : un chantier complexe
La relocalisation du bâti permettrait de limiter l’exposition des biens et des personnes et de reconstituer, sur le long terme, un cordon dunaire apte à ralentir l’érosion. Mais impliquerait de déplacer près de 1.200 logements, ainsi que les commerces et les activités (environ 110) qui seront menacés dans les prochaines décennies, s’il n’est pas fait de travaux de renforcement de la digue.
Outillage juridique et financier insuffisant
Pour l’heure ce scénario n’est pas envisageable faute d’un outillage juridique et financier permettant d’acquérir préventivement les biens exposés et les reconstruire ailleurs. Le sujet est particulièrement complexe et les coûts sont très élevés. Selon le chargé de mission gestion des risques littoraux du GIP, Camille André, "il faudra sans doute recourir au moins en partie à la solidarité nationale comme c’est le cas pour les autres risques naturels, car les finances publiques locales ne seront certainement pas suffisantes à la réalisation de projets d’une telle ampleur."
Évolutions législatives attendues
Quant à la chargée de mission de Lacanau, elle rappelle qu’à ce jour il faudrait aussi "concevoir un projet de relocalisation des biens et des personnes en conformité avec la loi Littoral et le plan de prévention incendies feux de forêts", ce qui peut complexifier encore le scénario. Les évolutions législatives tant attendues permettraient aux élus d’opérer un véritable choix sur la stratégie la plus pertinente pour le futur de la station.
La ville bénéficie d’un accompagnement global
Pour conduire son programme d’action la ville de Lacanau peut compter sur le soutien du GIP Littoral aquitain qui regroupe l’État, la région et les collectivités locales. Le groupement lui fournit une aide méthodologique pour rédiger les cahiers des charges et recruter des cabinets d’experts. Il assure l’animation des réunions d’échanges entre les différents intervenants (État, région, département, élus locaux, bureaux d’étude, professionnels…), accompagne la ville dans la recherche de financements et de solutions techniques. Lacanau s’est aussi appuyée sur des bureaux d’études, des acteurs du foncier et de la renaturation des espaces.
Habitants informés et concertés
L’information des habitants s’effectue, depuis près de dix ans, dans le cadre de forums et d’ateliers de concertation. Mairie-lacanau.fr met de très nombreux documents à leur disposition. Résultat, des opinions contrastées entre les tenants d’une politique de défense à tout crin et les partisans d’une relocalisation à long terme. L’orientation vers un scénario privilégié devant se faire sur un temps long, ces positions ont le temps d’évoluer. Un bilan du premier plan transitoire leur sera présenté courant 2019. Son coût est de 2 millions d’euros financés par le Feder (54%), la région Nouvelle-Aquitaine (15%), l’Etat et le fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) (11%), la ville et la communauté de communes Médoc Atlantique (20%).
Nouveau plan d’actions transitoires en 2020
Un nouveau plan d’actions transitoire sera mis sur le métier prochainement pour être mis en place dès 2020. Dans l’attente, les études lancées se poursuivent, notamment "pour établir un premier dimensionnement de l’ouvrage de protection à l’échéance 2050 en fonction de l’aléa hydraulique actualisé, et assurer son intégration dans le paysage."
Préparer un avenir moins dépendant du front de mer
L’ensemble de ces mesures permet, selon le maire de Lacanau, Laurent Peyrondet, "de réfléchir avec plus de tranquillité à l’avenir de la ville et de sa station balnéaire pour envisager une diversification des activités touristiques dans les secteurs rétro-littoraux." La ville envisage de développer de nouvelles filières de tourisme d’affaires et d’éco-tourisme moins dépendantes des activités du front de mer.
Le GIP Littoral aquitain, soutien des communes
Le groupement d’intérêt public du Littoral aquitain a pour membres l’État local, le conseil régional, le conseil départemental et les intercommunalités du littoral. Sa mission consiste à accompagner l’élaboration de politiques publiques concertées d’aménagement intégré du littoral, parmi lesquelles figurent la prise en compte des risques naturels littoraux et le recul du trait de côte. "C’est dans ce cadre que nous avons élaboré en 2012 une stratégie régionale de gestion de l’érosion", nous apprend Camille André, chargé de mission sur les risques littoraux. "Cette stratégie, encore aujourd’hui sans équivalent en France, donne des outils aux élus pour ne plus décider dans l’urgence pour parer au plus pressé et leur permet se projeter dans le moyen et long terme afin de définir des plans d’actions plus robustes." La stratégie régionale est déclinée au niveau local en fonction des particularités des communes et intercommunalités qui souhaitent y adhérer.
Commune de Lacanau
Nombre d'habitants :
Laurent Peyrondet
Camille André
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