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Commande publique - Même sans intention de nuire, la responsabilité trentenaire des constructeurs peut être engagée

Dans un arrêt du 26 novembre 2007, le Conseil d'Etat a confirmé la décision des juges du fond qui, suite à des vices de construction dans un ouvrage, avaient condamné une entreprise au-delà de la garantie décennale, sans chercher l'intention de nuire dans les fautes à l'origine des désordres.

Ce contentieux était survenu plus de dix ans après la construction d'un groupe scolaire, des malfaçons ayant entrainé des dommages. Le pouvoir adjudicateur avait alors demandé réparation au titulaire du marché sur le fondement de sa responsabilité trentenaire. Le Conseil d'Etat a saisi cette occasion pour clarifier une jurisprudence constituée de plusieurs tendances. Il rappelle que l'expiration du délai d'action en garantie décennale ne décharge pas les constructeurs de leur responsabilité en cas de fraude ou de dol (manœuvre ou tromperie ayant pour but de mener une partie à contracter, il peut également apparaitre lors de l'exécution du contrat).

Dans l'arrêt de principe société Paul Millet du 24 mai 1974, le Conseil d'Etat avait semblé se détacher de la notion subjective d'intention dolosive, constitutive du dol, pour rechercher des fautes qui par leur nature et leur gravité étaient "assimilables à une fraude ou à un dol". Cette approche objective était par ailleurs renforcée par l'arrêt Consorts Michel du 23 juin 1978. Cette tendance allait pourtant être remise en question par les arrêts Ruggiu du 16 mars 1998 et Lansargues du 12 mars 1999 où l'intention dolosive réapparaissait comme condition obligatoire du dol.

Ainsi, le Conseil d'Etat a rejeté la demande de la société Les travaux du Midi considérant  que les désordres étaient dus à une mise en œuvre défectueuse du projet, contraire aux exigences du marché et aux règles de l'art mais il a précisé à nouveau sa jurisprudence en indiquant que "même sans intention de nuire, la responsabilité trentenaire des constructeurs peut également être engagée en cas de faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave par sa nature ou ses conséquences de leurs obligations contractuelles commises volontairement et sans qu'ils puissent en ignorer les conséquences".
 

L'apasp

 

Références : Conseil d'Etat, 2e et 7e sous-sections réunies, n°266423, société Les travaux du Midi ; CE, section, 24 mai 1974, n°85939 86007, société Paul Millet ; CE, 4e et 1ère sous-sections réunies, 23 juin 1978, n°00134, Consorts Michel ; CE, 4e et 1ère sous-sections réunies, 16 mars 1998, n°139738, Ruggiu ; CE, 7e et 10e sous-sections réunies, 12 mars 1999, n°170103, Lansargues.

 

 Les ouvrages bénéficient de deux types de garanties distinctes

- La garantie décennale est instituée par les articles 1792 et 2270 du Code civil, dont s'inspire le droit des marchés publics. Elle vise des vices à la fois cachés et suffisamment importants. De plus elle repose sur une présomption imputable à l'entrepreneur, ce qui signifie que sa faute n'a pas à être recherchée. Enfin, la garantie décennale s'applique de plein droit et n'a donc pas à être mentionnée dans les documents contractuels.
- La responsabilité trentenaire découle de la prescription trentenaire issue de l'article 2262 du Code civil. Au-delà de la garantie décennale, les constructeurs restent responsables en cas de malfaçons constitutives de fraude ou de dol pendant 30 ans. Contrairement à la garantie décennale, elle repose sur la notion de faute, qu'il faut prouver.


 

 

 

 

 

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