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Assises de l'APVF - Martin Malvy : "Les inégalités territoriales risquent de se creuser"

A l'approche des échéances électorales, les maires de petites villes, réunis en assises à Cancale les 5 et 6 octobre, alertent sur leurs difficultés. Dans leur manifeste, ils demandent une grande réforme de la fiscalité locale. Retour sur ces deux journées avec Martin Malvy, président de l'APVF et président du conseil régional de Midi-Pyrénées.

Localtis : Lors de l'assemblée générale de l'Association des petites villes de France (APVF), ce jeudi 5 octobre, de nombreux maires ont évoqué la sécurité comme étant l'une de leurs préoccupations majeures. Comment l'interprétez-vous ?

Martin Malvy : On a assisté à un débat spontané qui n'était pas inscrit à l'ordre du jour. Les maires de petites villes se sont surtout inquiétés de se voir attribuer, si ce n'est par la loi, du moins par l'opinion, de nouvelles responsabilités qui ne sont pas de leur compétence et qu'ils ne seront pas en mesure d'assumer. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de voter une motion sur le projet de la loi de prévention de la délinquance. C'est la première fois qu'une association d'élus s'exprime de la sorte sur la sécurité. Cependant, les maires ne démissionnent pas : ils ont réaffirmé leur rôle de médiateur, qu'ils souhaitent même voir se développer, mais avec de nouveaux moyens à la clé pour poursuivre l'exercice de leurs pouvoirs de police actuels. Surtout, les maires ne veulent pas que l'on laisse entendre que l'élu est le responsable de la sécurité quand celle-ci est avant tout du ressort de l'Etat dont dépendent la police, la gendarmerie et la justice.

Au moment des négociations sur les fonds structurels et les contrats de projets Etat-régions, la logique de compétitivité des territoires semble s'imposer. Quelle place les petites villes peuvent-elles occuper dans ce nouveau contexte ?

Les petites villes représentent 30% de la population française et recouvrent la seule strate démographique en augmentation. Elles ont une place enviable en termes de compétitivité. Or, l'orientation actuelle veut que les CPER privilégient les pôles de compétitivité. Ces pôles sont une très bonne initiative mais leur impact est très centré sur les grandes métropoles. Certes, le gouvernement a lancé les pôles d'excellence rurale pour contrebalancer cette orientation, mais leur financement n'est pas à la hauteur des enjeux. Le gouvernement a prévu d'attribuer une enveloppe de 150 millions d'euros aux 300 pôles retenus. Les premiers pôles ont reçu moins que le million d'euros annoncé comme plancher. Les maires craignent que ces fonds soient prélevés sur la dotation globale d'équipement et la dotation de développement rural et donc au détriment des territoires non situés en pôles. Quant aux fonds européens, ils sont fléchés de la même manière et ne profiteront plus aux territoires les plus fragiles. Tout ceci constitue un risque fort pour la cohésion territoriale.

Avec l'augmentation des taux d'intérêt et le plafonnement de la taxe professionnelle, quelle est la marge de manoeuvre des collectivités sur leurs finances ?

Leur situation financière a été jusqu'ici plutôt satisfaisante, mais leur marge se rétrécit de plus en plus du fait de la conjoncture et des transferts non compensés. D'ici deux ou trois ans, un certain nombre d'entre elles seront complètement asphyxiées. Le plafonnement de la taxe professionnelle risque de creuser les inégalités car ce sont les collectivités les plus pauvres qui ont le plafonnement le plus haut.

L'APVF a adopté un manifeste pour interpeller les candidats à la présidentielle sur les inquiétudes des maires de petites villes. Quelles mesures le prochain gouvernement devra-t-il mettre en oeuvre en priorité ?

Nous avons dégagé quatre pistes à mettre en oeuvre en début de mandat. Il faut  créer les conditions de l'autonomie financière des collectivités avec une redéfinition de la notion de "ressources propres". On a également besoin de plus de stabilité : les dotations de l'Etat devront s'inscrire dans un cadre pluriannuel. Il est nécessaire de renforcer la solidarité territoriale à travers la mise en place d'un fonds national de péréquation. Enfin, il faut moderniser les assiettes fiscales et faire évoluer la taxe d'habitation, qui est aujourd'hui l'impôt le plus injuste, en y incluant un part liée au revenu. Il faut également revoir le plafonnement de la taxe professionnelle qui constitue un couperet pour les collectivités.

 

Propos recueillis par Michel Tendil à Cancale (Ille-et-Vilaine)

Echos des assises

Le ministre délégué aux Collectivités territoriales, Brice Hortefeux, s'est prononcé contre l'élection au suffrage universel direct des présidents de communauté de communes ou d'agglomération. "Je suis très clairement contre cette réforme qui aboutirait à tuer le maire", a-t-il expliqué le 5 octobre lors de son intervention devant les maires de petites villes.Les maires de petites villes ont adopté une motion pour un maintien de la date des élections municipales en mars 2008.

Alors que la loi du 15 décembre 2005 avait reporté la date des élections à 2008, Nicolas Sarkozy, en tant que président de l'UMP, s'est récemment prononcé pour un retour au calendrier initial de 2007. "Nous avions pris acte du changement de calendrier, alors que nous n'avions rien demandé, nous ne souhaitons pas revenir en arrière", a déclaré Martin Malvy.

S'agissant du projet de loi de prévention de la délinquance, l'APVF a voté une motion pour "rappeler au ministre de l'Intérieur qu'au delà de leurs pouvoirs de police, les maires sont avant tout compétents en matière de médiation et non de sanction".

"On assiste à une sorte de darwinisme territorial, une tendance idéologique selon laquelle seul ce qui est gros est compétitif et mérite d'être aidé, les petits n'ayant d'autre choix que de disparaître", a déclaré Jean-Yves Le Drian, député du Morbihan, président du conseil régional de Bretagne.

M.T.

 

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