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Manifestations : l'exécutif resserre les mailles du filet

Instructions au nouveau préfet de police, interdictions de manifester dans des secteurs de grandes villes, nouvelle contravention en cas de participation, renfort de l'opération antiterroriste Sentinelle... le gouvernement annonce la couleur à l'approche de samedi.

À l’approche de la dix-neuvième journée de mobilisation des gilets jaunes, l’exécutif resserre son dispositif de maintien de l’ordre. La "stratégie renforcée de lutte contre les militants des mouvances ultra", présentée par le Premier ministre, lundi, deux jours après le saccage des Champs-Élysées, sera applicable dès samedi, comme il l’avait demandé.

Plusieurs secteurs de grandes villes seront bouclés et interdits aux manifestations dans des grandes villes comme Paris,  Nice, Bordeaux ou Toulouse. Dès que des attroupements y seront constatés, il en coûtera 135 euros, comme le prévoit un décret paru au Journal officiel jeudi. Le tarif était jusqu’ici de 38 euros. Mais le Premier ministre avait demandé à la ministre de la Justice, Nicolle Belloubet, lundi, "d'augmenter très nettement le montant de la contravention encourue en cas de participation à une manifestation interdite". "Lorsqu’une manifestation est non déclarée, interdite, qu’elle est organisée pour casser, tous ceux qui participent, qui de facto protègent les casseurs, qui les encouragent ou les glorifient sur les réseaux sociaux, se rendent complices", avait déclaré Édouard Philippe, précisant toutefois ne pas confondre "les casseurs et la très grande majorité des gilets jaunes".

Manifestations interdites

La réponse ne s’est donc pas fait attendre. "Le fait de participer à une manifestation sur la voie publique interdite sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe", indique le décret qui "entre en vigueur immédiatement". Cet article du code de la sécurité intérieur précise que le maire a le pouvoir d’interdire une manifestation s’il estime que "la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public", en prenant un arrêté qu'il "notifie immédiatement aux signataires de la déclaration (de manifestation) au domicile élu". Si le maire s’abstient de prendre un tel arrêté, le préfet du département peut lui suppléer.

Seulement, ces dernières semaines, comme au début du mouvement, les manifestations n’ont pas été déclarées par les organisateurs. Or le code de la sécurité intérieure indique que les déclarations doivent être transmises trois jours avant la date de la manifestation.

Le Premier ministre a donc annoncé son intention d’interdire les manifestations dans les quartiers exposés. "Dès samedi prochain, et chaque fois qu’il le faudra, nous interdirons les manifestations se revendiquant des 'gilets jaunes' dans les quartiers qui ont été les plus touchés, dès lors que nous aurons connaissance de la présence d’éléments ultra et de leur volonté de casser : je pense aux Champs-Élysées à Paris, à la place Pey-Berland à Bordeaux, à la place du Capitole à Toulouse", a déclaré Édouard Philippe, précisant que "cela se fera naturellement en concertation avec les maires concernés". Ces derniers ont réagi positivement à ces annonces, alors que plusieurs "appels nationaux" à manifester ont été lancés pour ce samedi, dont un à Nice qui doit accueillir le président chinois Xi Jinping en visite officielle dimanche. "Je remercie le préfet des Alpes-Maritimes qui vient de m’informer que le gouvernement prendra conformément à ma demande un arrêté d’interdiction de manifester sur un périmètre défini par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. "Je n’accepterai jamais que Nice soit la proie des casseurs", a commenté le maire de la ville, Christian Estrosi, sur Twitter. Nice a été épargnée par les actes de violence depuis le début du mouvement au mois de novembre.
"Je suis heureux de l’attention portée à la ville de Toulouse, martyrisée par les épisodes de ces derniers mois", a de son côté déclaré mardi le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, lui aussi sur Twitter, ajoutant que "le Capitole n’est pas l’épicentre des violences commises le samedi. D’autres quartiers ont subi de fortes dégradations, comme Saint-Cyprien". L’édile s’était rendu incognito dans ce quartier, lors de la manifestation du 8 décembre, avant de commenter dans la presse le mode opératoire des casseurs "d’extrême droite et d’extrême gauche".

"Impunité zéro"

Le ministre de l’Intérieur a aussi donné des instructions claires au nouveau préfet de police Didier Lallemant, jeudi, après le limogeage de son prédécesseur, Michel Delpuech, suite aux violences commises dans la capitale, samedi. "Dès qu’un rassemblement se fera dans les périmètres interdits, vous veillerez à le disperser immédiatement, et vous ferez procéder à des interpellations", lui a demandé le ministre. "Je vous demande d’agir vite pour ne pas laisser la moindre chance aux attroupements de se renforcer." Christophe Castaner demande également une "impunité zéro", pour les auteurs de violences ou de dégradations. "Vous pourrez vous appuyer sur les militaires de Sentinelle qui ne doivent, en aucun cas, participer au maintien de l’ordre", a aussi précisé le ministre. Mercredi, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a annoncé que la mission antiterroriste Sentinelle serait mobilisée de manière "renforcée" pour protéger les bâtiments officiels et des "points fixes", suscitant un vif émoi dans la classe politique, notamment chez le sénateur LR Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi dite "anticasseurs" récemment adoptée. Le gouvernement attend la promulgation prochaine de cette loi qui fait l’objet de saisines au Conseil constitutionnel. Cette loi "permettra de renforcer les contrôles aux abords des manifestations, de prononcer des interdictions de manifester à l’encontre des éléments les plus violents, de placer en garde à vue et de poursuivre les personnes qui dissimulent leur visage", a rappelé le Premier ministre lundi.

 

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