Archives

Elections - Machines à voter : il faut maintenir le moratoire

Les machines à voter ? Souvenez-vous… Cette innovation qui allait simplifier les opérations de vote et empêcher toute tentation de fraude… Cela date ! Alain Anziani, sénateur de la Gironde, parle d'une "modernité obsolète". En tout cas, on en entend beaucoup moins parler qu'il y a dix ans. A tel point qu'on aurait pu les croire disparues. En réalité, 64 communes continuent de s'en servir (les avaient, en tout cas, utilisées pour le scrutin de 2012). Elles étaient 83 en 2007.
Avant cela, on a vu apparaître les machines à voter au début des années 70, jusqu'à leur suppression au milieu des années 80 puis un premier comeback à Brest lors des régionales et cantonales de mars 2004, puis une période de croissance jusqu'en 2007, puis - suite à divers incidents - un moratoire, puis une régression du nombre de communes utilisatrices…

La fiabilité en question

Cette petite histoire de la machine à voter est rappelée par Alain Anziani et Antoine Lefèvre, son homologue de l'Aisne, dans leur rapport présenté ce 15 avril et intitulé "Vote électronique : préserver la confiance des électeurs". Par ce terme de vote électronique, ils désignent en fait deux sujets : les machines à voter d'une part, le vote par internet d'autre part. Avec, évidemment, certaines problématiques communes, dont la première, d'ordre symbolique, est d'emblée posée par les sénateurs : "L'exercice du droit de vote est traditionnellement associé au matériel, familier à l’électeur, du bureau de vote - les bulletins, l’isoloir et l’urne transparente." Tout un cérémonial qui disparaît. La question de la fiabilité des techniques est évidemment une autre problématique. L'objectif des travaux de la mission d'information conduite par Alain Anziani et Antoine Lefèvre, créée dans le cadre de la commission des lois du Sénat, était de dresser un "état des lieux précis de l’usage du vote électronique" pour savoir quel avenir devrait lui être réservé. Au final, leur message pourrait se résumer en un "attention prudence"…
S'agissant de la machine à voter, la plus-value serait en effet plus que limitée voire carrément discutable. Et ce, qu'il s'agisse du coût, de l'influence du dispositif sur le taux de participation… ou, surtout, de la confiance que l'on peut accorder au processus de vote sur machine. "En définitive, le seul avantage décelé réside dans le gain de temps permis par le dépouillement électronique. Mérite-t-il de prendre, en contrepartie, tous les risques attachés à l’utilisation de l’électronique ?" s'interrogent les rapporteurs.
Tout l'encadrement juridique, technique et financier (subvention de l'Etat aux communes, à raison de 400 euros par machine) existe encore. Les deux sénateurs recommandent toutefois que les conditions d'agrément des machines soient renforcées, que le règlement technique soit révisé et complété, que certaines opérations soient précisées et que l'on cesse de subventionner l'achat de matériel. Au final, l'issue qu'ils préconisent ressemble beaucoup à une lente mort annoncée. Ce serait en tout cas le statu quo : sans interdire aux communes qui ont toujours recours aux machines de continuer à le faire, le rapport propose que le moratoire décidé en 2007 soit pérennisé. Pourquoi ne pas proposer de renoncer complètement à la machine à voter ? "L’avenir proche permettra peut-être de réexaminer cette question à l’aune des avancées de la technique", écrivent-ils.

Pas d'extension du vote par internet

En matière de vote par internet, il est rappelé que celui-ci n’est à ce jour autorisé que pour des élections se déroulant dans des circonscriptions comptant comme électeurs des Français établis hors de France. Autrement dit, les élections législatives et consulaires. Pour les législatives, le vote par internet (à l'aide d'un identifiant et d'un mot de passe reçus par chaque électeur concerné) cohabite avec le vote par correspondance sous forme papier et le vote par procuration.
Pour le moment, relèvent les sénateurs, cela représente "un coût notable" pour l'administration. Et "malgré cet effort financier, le niveau atteint par l'abstention électorale pour ces élections reste élevé, contrairement aux attentes initiales".
Autre limite, et non des moindres : "En l’état actuel des techniques et du processus de vote, les exigences constitutionnelles de sincérité et de secret du vote ne peuvent pas être aussi bien garanties par le vote par internet que par un vote au sein d’un bureau de vote"… Les rapporteurs préconisent toutefois le maintien du dispositif, mais "uniquement pour les circonscriptions comptant exclusivement des électeurs votant depuis l’étranger". Autrement dit, "le vote par internet ne serait ni étendu sur le territoire national, ni ouvert aux électeurs à l’étranger lorsqu’ils votent dans la même circonscription que des électeurs votant en France". Il faudrait de surcroît, insiste le rapport, mieux informer et assister les électeurs concernés, et "renforcer les pouvoirs des membres du bureau de vote électronique". La généralisation du vote par internet ne serait donc même pas une hypothèse imaginable.

 

Téléchargements

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis