Infrastructures - Lyon-Turin : un projet lancé, mais pas encore financé
"Le Lyon-Turin est acté, mais surtout lancé", s'est félicité François Hollande, à l'issue du sommet franco-italien du 24 février.
Un accord sur l'engagement des travaux définitifs de la portion transfrontalière de la liaison ferroviaire, dès 2016, a en effet été signé, ce jour-là. Mais, au moment du dépôt de la demande de subvention à Bruxelles, dans le cadre du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), le 26 février, les financements du projet ne sont toujours pas bouclés côté français.
La liaison, qui ne devrait pas être achevée avant 2030, a été évaluée à 26 milliards d'euros par la Cour des comptes. Néanmoins, le financement de l'UE à hauteur de 40% intervient sur la seule portion transfrontalière (comprenant un tunnel de 57 km), évaluée à 9,2 milliards d'euros, dont un milliard déjà dépensé pour les travaux de préparation du tunnel.
1,2 milliard d'euros provenant du MIE
Cette subvention européenne porte sur la période 2014-2020, où la France et l'Italie prévoient 3 milliards d'euros de dépenses pour cette portion. La part européenne s'élèverait alors entre 1,1 et 1,2 milliard d'euros.
La France doit trouver 800 millions d'euros pour la portion transfrontalière
Il resterait 750 à 800 millions d'euros à la charge de la France sur cette portion jusqu'en 2020. C'est là que le bât blesse, puisque les pistes de financements ne sont pas encore arrêtées. Sans l'écotaxe, qui devait alimenter en partie ce budget, le gouvernement français se retrouve sans projet pérenne de financement.
Or, il est déjà confronté à une pénurie de financements pour les transports publics, les infrastructures et doit aussi faire face aux difficultés du TGV.
Il compte sur la remise du rapport parlementaire du député PS Michel Destot et du Sénateur UMP Michel Bouvard, en juin 2015. Ces derniers ont indiqué au journal Le Monde, le 17 février, qu'ils envisageaient la création d'une vignette pour les poids lourds circulant sur les autoroutes des Alpes, comme une "solution viable". Un surcoût au péage qui pourrait atteindre 25% pour les transporteurs.
Plan Juncker
Pour financer les 60% à leur charge, les gouvernement français et italien se retournent à nouveau vers l'Union européenne. A l'issue du sommet, François Hollande et Matteo Renzi ont indiqué qu'ils allaient dresser une liste de projets communs à soumettre à la Commission européenne pour bénéficier des investissements du plan Juncker. Le projet du Lyon-Turin en ferait partie.
Mais, à quelle hauteur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) pourrait-il intervenir et peut-il même le faire ? Les doutes sur la possibilité de combiner des financements provenant du MIE et du plan Juncker subsistent.
Interrogé sur le sujet lors d'un débat à huis clos sur le plan Juncker à la commission Transports du Parlement européen, lundi 23 février, la Commission n'a pas clarifié ce point. "Rien n'est exclu", dit-on à la Commission, sans plus de précisions. En tant que projet de transports, le Lyon-Turin entrerait dans le giron du FEIS, mais les critères plus précis de sélection n'ont toujours pas été établis par Bruxelles.
Ce manque de clarté sur les financements abonde dans le sens des anti-Lyon-Turin, parmi les élus et la société civile.
Au-delà des critiques sur l'impact environnemental négatif et le manque de retombées économiques, ils dénoncent une gabegie budgétaire au dépens des autres projets d'interconnexion en Europe : "On met tous les milliards dans le même projet", déplore Michael Cramer, président de la commission Transports du Parlement européen. "Les crédits européens [sollicités pour le Lyon-Turin] ont été créés pour réparer toutes ces connexions détruites par la guerre et après la guerre. Concentrons-nous sur ces dernières, d'abord, et après on pourra parler des grands projets", poursuit l'eurodéputé Vert allemand.