Lutte contre les algues vertes en Bretagne : l'État sommé de renforcer son action

Saisi de deux recours déposés par l’association Eau & Rivières de Bretagne, le tribunal administratif de Rennes a reconnu ce 13 mars que les mesures mises en œuvre par le préfet de la région Bretagne sont insuffisantes pour lutter contre les échouages d’algues vertes sur le littoral breton.

Eau & Rivières de Bretagne (ERB) vient de remporter une nouvelle victoire dans son combat contre les algues vertes qui prolifèrent depuis deux décennies sur le littoral breton. Saisi de deux recours déposés par l'association, le tribunal administratif de Rennes a tranché en sa faveur ce 13 mars. Le premier recours était dirigé contre le refus du préfet de la région Bretagne de prendre des mesures supplémentaires visant à lutter contre les pollutions causées par les nitrates d’origine agricole tandis que le second visait à la réparation d’un préjudice écologique résultant de l’insuffisance des mesures prises dans la lutte contre ces pollutions.

Politique publique "insuffisante"

"La persistance des marées vertes, voire leur augmentation en superficie et en durée, résulte de teneurs en nitrates dans les cours d’eau bretons qui sont supérieures à la valeur de 18 milligrammes par litre fixée par arrêté ministériel", a rappelé le tribunal. "Au regard des données chiffrées produites", il a constaté que la politique publique menée pour lutter contre la prolifération des algues vertes, "bien qu’ayant concouru à diminuer la concentration moyenne en nitrates dans les cours d’eau bretons, demeure insuffisante pour réduire durablement le phénomène d’eutrophisation, à l’origine des échouages d’algues vertes sur le littoral". "Le préfet de la région Bretagne méconnaît, en cela, les objectifs résultant de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau et de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre les nitrates de sources agricoles et ceux fixés par les lois et règlements nationaux adoptés pour leur transposition", a jugé le tribunal.

Celui-ci a donc "enjoint au préfet de la région Bretagne de prendre dans un délai de dix mois toutes les mesures nécessaires pour réduire effectivement la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole sur le territoire breton, en se dotant notamment d’outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées".

Reconnaissance du préjudice écologique

Le tribunal a retenu que les carences constatées dans la lutte contre la prolifération des algues vertes sont de nature à engager la responsabilité de l’Etat et "sont à l’origine d’un préjudice écologique qu’il lui appartient de faire cesser". Le préjudice moral invoqué par l’association Eau & Rivières de Bretagne, agréée au titre de la protection de l’environnement, a également été reconnu.

"L'Etat prend acte de (cette) décision", a déclaré dans un communiqué la préfecture de Bretagne, disant examiner "les réponses à y apporter et les conditions d'un éventuel appel". "La lutte contre la pollution par les nitrates" est déjà "engagée" par l'Etat, avec "de nouvelles actions lancées récemment", a-t-elle estimé.

La reconnaissance du préjudice écologique "est une première", a salué le porte-parole d'ERB, Arnaud Clugery, lors d'un point-presse. Cette décision de justice "est beaucoup plus large que celles qu'on a pu obtenir antérieurement", s'est-il réjoui.

Depuis 1971, des tonnes d'algues vertes s'échouent chaque année sur les plages bretonnes. En pourrissant, elles dégagent du sulfure d'hydrogène, un gaz mortel en cas d'exposition à de fortes concentrations. Au début de ce mois de mars, un lien de causalité entre la mort d'un sanglier en septembre 2024 sur une plage proche de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) a pu être établi avec "l'inhalation d'H2S, gaz émanant de la putréfaction des algues vertes", selon le parquet de Brest. Dans ce même estuaire, 36 sangliers avaient été mortellement intoxiqués en 2011. En novembre 2022, la justice avait par contre écarté la responsabilité de l'État et débouté la famille de Jean-René Auffray, un joggeur mort en 2016 dans une vasière envahie d'algues vertes, toujours à l'embouchure du Gouessant (Côtes-d'Armor).

Selon un rapport de la Cour des comptes de 2021, cette prolifération d'algues vertes est "à plus de 90% d'origine agricole" dans cette région où le recours aux engrais azotés a fortement progressé à partir des années 1960, et qui compte aujourd'hui 140.000 emplois dans l'agroalimentaire. La France en est à son septième programme d'action régional depuis 2010, "aux effets incertains sur la qualité des eaux", a relevé la Cour des comptes.

"Pour une véritable évolution du modèle agricole et agro-alimentaire"

Selon ERB, "certaines mesures engagées ont certes permis une diminution des concentrations en nitrates dans les cours d'eau jusqu'en 2015. Mais depuis cette date, la courbe reste encore bien trop haute, stagne, voire remonte". L’association rappelle que la Bretagne concentre "56% de la production porcine, 36% de celle de volaille de ponte, 30% de la volaille de chair et 23% de la production laitière" et appelle à "une véritable évolution du modèle agricole et agro-alimentaire". En juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes avait fixé un délai de quatre mois à l'État pour renforcer la lutte contre les algues vertes, dans le cadre d'une autre procédure menée par ERB (lire notre article).

 

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