Lutte contre la prostitution : une "stratégie" au secours de la loi

Constatant une nouvelle fois que la loi contre le système prostitutionnel peine à être appliquée, le gouvernement vient de présenter une première "stratégie nationale" pour y remédier. Celle-ci entend notamment renforcer les missions des commissions départementales, présidées par les préfets, qui peinent pourtant à se mettre en ordre de marche dans près d’un département sur deux.

"Une mise en œuvre hétérogène du volet social selon les départements et une quasi-absence de la pénalisation des clients." Tels sont les deux principaux constats qu’avaient tirés, en février 2023, le comité de suivi interministériel de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (voir notre article du 5 février 2016). Une conclusion tout sauf nouvelle, déjà dressée en 2019, par exemple par la fondation Scelles à l’échelle de quatre villes tests (voir notre article du 25 octobre 2019), ou plus largement par un rapport interministériel (voir notre article du 23 juin 2020).

Pour y remédier, la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes avait annoncé le 13 avril 2023 l’élaboration d’une première "stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel". Laquelle vient d’être publiée le 2 mai dernier. Elle s’articule autour de quatre axes : renforcer l’application de la loi "dans tous les territoires", dans son volet répressif et dans son volet sanitaire et social ; s’adapter aux nouvelles formes de prostitution, en ligne et "logée" ; mieux suivre l’évolution du phénomène et sensibiliser le grand public ; "lutter sans relâche contre l’exploitation sexuelle des mineurs". Axes eux-mêmes déclinés en différents objectifs et mesures.

Des CDLP qui fonctionnement réellement…

Parmi elles, on retiendra singulièrement la volonté d’impliquer plus fortement les commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle (CDLP) – pour mémoire présidée par les préfets de département –, dont le degré de mobilisation reste toujours très hétérogène. "Si tous les départements ont désormais installé leur commission en 2023, 14 départements ne l’ont pas encore réunie et 26 ne l’ont réunie qu’une fois", est-il ainsi observé. Et ce, bien qu’un décret du 28 octobre 2016 (voir notre article du 3 novembre 2016) dispose explicitement que cette commission "se réunit au moins une fois par an"… et en dépit des circulaires de la Place Beauvau (voir notre article du 19 avril 2022).

La stratégie prévoit qu’elles devront désormais le faire "au moins deux fois par an, même en l’absence de demande de parcours de sortie de prostitution" (voir notre article précité). Il est d’ailleurs explicitement rappelé que les CDLP "n’ont pas pour seule mission d’examiner les demandes d’entrées et les renouvellements de parcours de sortie de prostitution". 

… avec de nouvelles missions

Ce sera encore moins le cas à l’avenir, puisque la stratégie entend désormais confier à ces CDLP, d’une part, le soin d’élaborer "une stratégie départementale pluriannuelle de lutte contre le système prostitutionnel, sur la base d’un document-type" et, d’autre part, via décret en Conseil d’État, le pilotage local de la politique de lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs, qui devra au passage être intégrée à ladite stratégie départementale. Avec là-encore l’espoir de mettre un terme au "manque d’uniformité dans les pratiques et dans l’implication des départements" (ndlr, ne pas entendre conseil départemental) constaté, et visiblement favorisé par "l’absence d’instance désignée pour piloter et coordonner cette politique au niveau local".

Appel aux conseil départementaux

Parmi les autres mesures, on retiendra "le lancement d’un appel à projets à destination des conseils départementaux afin de mettre en œuvre des actions de sensibilisation à destination des mineurs accueillis dans les structures de l’aide sociale à l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse, et de développer des lieux d’accueil et d’accompagnement adaptés à la prise en charge des mineurs victimes d’exploitation sexuelle". Ou encore la volonté d’étendre les solutions d’hébergement d’urgence destinées aux femmes victimes de violences aux victimes du système prostitutionnel (l’objectif de 11.000 places au total qui devait être atteint l’an passé – voir notre article du 5 septembre 2022 – devrait l’être en juin prochain, est-il au passage indiqué). La stratégie prévoit encore d’intensifier la lutte contre les proxénètes, notamment en mettant en place "des actions d’entrave à l’égard des ‘salons de massage’ abritant la prostitution" ou en "retirant ou dégradant" leurs titres de séjour "en tant qu’ils présentent une menace grave à l’ordre public". Mais aussi de "sanctionner effectivement l’achat d’actes sexuels" : dans le cadre du plan répressif de l’office central pour la répression de la traite des êtres humains qui sera présenté en juin, un groupe de travail s’est ainsi employé à "repenser les modalités de judiciarisation de la verbalisation des clients afin de tenir compte de l’accroissement de la prostitution en lieu privé".

 

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