Lutte contre la hausse des prix de l'énergie : la Cour des comptes dénonce un mauvais ciblage des mesures
Dans un rapport publié ce 15 mars, la Cour des comptes dresse un premier bilan des mesures exceptionnelles prises par le gouvernement pour lutter contre la hausse des prix de l'énergie depuis 2021. Elle pointe leur coût élevé pour les finances publiques, du fait notamment de l'absence de ciblage particulier, et un soutien public à la consommation de gaz et de carburants qui va à l'encontre des objectifs de décarbonation.
Trente-six milliards d'euros : c'est le montant de la facture nette des dispositifs de soutien aux consommateurs déployés par l'Etat entre 2021 et 2024 pour pallier les effets de la récente crise de l'énergie, selon un rapport publié ce 15 mars par la Cour des comptes. Celui-ci passe au peigne fin les mesures exceptionnelles visant à protéger de prix de l'énergie trop élevés les ménages et les clients professionnels (entreprises, associations, collectivités territoriales, etc.) qui ont été élaborées dans l'urgence et ajustées au fil du temps et de l'évolution des prix supportés par telle ou telle catégorie de consommateurs, soit 25 dispositifs aux caractéristiques très diverses en termes de champ d'application, de modalités de mise en œuvre et de coût.
Une mise en oeuvre intermédiée et des risques d'effets d'aubaine
Elles sont, en masses financières, majoritairement destinées aux ménages (pour 60%) et pour l’essentiel (à 90%) non ciblées en fonction des revenus ou des capacités d’absorption de ce choc par les bénéficiaires, relève la Cour. Les aides aux entreprises apparaissent, elles, plus ciblées "mais leur multiplicité aboutit à un paysage particulièrement complexe de l’intervention publique", notent encore les magistrats de la rue Cambon qui soulignent en outre que la plupart des dispositifs sont mis en œuvre par les fournisseurs d'énergie ou les distributeurs de carburants "qui ont ainsi hérité d'une grande partie de la charge administrative des décisions prises par l'Etat et endossé la responsabilité de cette dernière aux yeux des consommateurs". Une mise en œuvre intermédiée qui "pose par ailleurs des questions en termes de complète répercussion des soutiens publics d'abord versés aux fournisseurs et distributeurs, au profit des clients finals et n'est pas exempte de risques d'effets d'aubaine dès lors qu'une partie des aides ne se traduit pas par des baisses de prix ou au contraire permet de surcompenser la hausse initiale des prix", poursuit la Cour qui constate que ces risques sont notamment présents pour certaines périodes d'application des boucliers tarifaires, ainsi que pour la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) intervenue début 2022.
Consommation de gaz et de carburants : un soutien public à l'encontre des objectifs de décarbonation
La Cour des comptes rappelle en outre que le soutien public à la consommation de gaz et de carburants décidé depuis 2021 est allé "à l’encontre des objectifs de décarbonation des usages de l’énergie". Il a en effet eu "l’inconvénient de réduire les incitations à une moindre consommation de produits énergétiques". Observant que "la consommation de gaz et de carburants pétroliers est aujourd’hui sous-tarifée au regard du contenu en carbone de ces produits", les magistrats financiers considèrent la sortie des boucliers tarifaires comme "une bonne occasion pour définir des principes de fixation des tarifs d’accises respectifs de la consommation de gaz et d’électricité en tenant compte des besoins d’internalisation des coûts d’émissions de gaz à effet de serre propres à chaque produit énergétique et par rapport à une référence commune de coût de ces émissions".
Tarifs de l'électricité : nécessité d'un dispositif en ligne avec les coûts de production nationaux
Ils jugent par ailleurs que "la crise récente des prix de l’énergie a mis en évidence l’incapacité de l’État de mettre en place, sans coût excessif pour les finances publiques, un dispositif garantissant aux consommateurs d’électricité des prix en ligne avec les coûts de production nationaux, que ce soit par la régulation en place ou les mesures exceptionnelles déployées depuis 2022". "Ce constat invite à une vigilance particulière dans la définition de la future régulation de la production nucléaire, destinée à prendre la suite de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) au 1er janvier 2026, à l’aune de sa capacité à garantir, dans toutes les configurations de marché, l’atteinte des objectifs des pouvoirs publics en matière de protection des clients finals face aux écarts entre prix de marché et coûts de production", concluent-ils.