L’UFC Que-Choisir alerte sur le risque d’une nouvelle flambée des prix de l’électricité
Alors que le gouvernement vient officiellement de se prononcer pour le maintien des tarifs réglementés de vente d’électricité, l’UFC-Que Choisir alerte sur le risque d’une nouvelle flambée des prix de l’électricité que favoriserait la nouvelle régulation du marché français de l’électricité en le soumettant davantage encore à la volatilité du marché de gros.

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Pas de répit. Alors que le gouvernement vient, comme elle le souhaitait, de se prononcer en faveur du maintien des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE – voir encadré ci-dessous), l’association UFC-Que Choisir redoute, dans un rapport publié ce 25 février, "une nouvelle flambée des factures" d’électricité. En cause, la nouvelle régulation du marché de l’électricité "telle qu’imposée par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2025", dont elle souligne le "caractère fortement inflationniste".
"En maintenant et même en amplifiant l’exposition des factures des consommateurs aux tarifs [prix] de gros sur les marchés de l’électricité plutôt que d’avoir mis en place une régulation leur permettant de payer une électricité basée sur ses coûts de production domestiques, le gouvernement a fait le choix de privilégier l’intérêt des producteurs, et particulièrement ceux d’EDF (et donc les siens, puisqu’EDF est désormais 100% publique), au détriment de ceux des consommateurs", alerte l’association. Selon elle, si la réforme avait été appliquée dès 2025 (elle entrera en vigueur l’an prochain), le coût d’approvisionnement servant à fixer les tarifs réglementés aurait connu une "hausse vertigineuse de 44% par rapport au niveau actuel".
Risque pour les consommateurs si hausse des prix…
Interrogé par Localtis, l’avocat Jérôme Lépée, responsable du pôle Énergie du cabinet Adaltys, confirme l’analyse. "Avec la disparition programmée de l’Arenh (accès régulé à l’énergie nucléaire historique – dispositif prévoyant qu’EDF vende une partie de sa production nucléaire et hydraulique aux fournisseurs alternatifs à un prix fixe afin que ces derniers puissent s’approvisionner en électricité à des conditions économiques équivalentes et faire ainsi bénéficier leurs consommateurs des avantages du nucléaire), les TRVE vont être toujours plus indexés sur le marché de gros."
Or, si les prix sur le marché de gros sont relativement stables depuis deux ans, la probabilité d’une nouvelle hausse n’est nullement à exclure. Outre un contexte géopolitique des plus tendus, une nouvelle indisponibilité d’un parc nucléaire vieillissant, des conditions météorologiques défavorables (absence de vent pour faire tourner les éoliennes, de soleil pour alimenter le photovoltaïque, hiver rigoureux)… n’ont rien d’improbable.
… très partiellement compensée
Certes, la loi de finances a prévu dans le même temps un mécanisme de redistribution aux consommateurs d’une partie des profits réalisés par EDF sur la vente sur les marchés de gros de sa production électronucléaire, qui permettrait alors de faire baisser un peu la facture. Mais l'UFC-Que Choisir le juge "faussement protecteur", dénonçant "une taxation très partielle des profits réalisés par EDF" d’une part, et "une redistribution encore plus partielle aux consommateurs du produit de cette taxe" d’autre part. "Une usine à gaz", estime Jérôme Lépée.
Un sentiment partagé sur les bancs du Sénat lors de l’examen du texte, le 26 novembre dernier : "Un dispositif que personne ne sait expliquer, [qu’]on nous propose au travers d’un amendement […] sans étude d’impact, et sans nous expliquer son fonctionnement", dénonçait Joshua Hochart (rattaché à aucun groupe). "Un mécanisme abscons", déplorait Fabien Gay (CRCE-Kanaky), auquel "on ne comprend rien", avouait Guillaume Gontard (Écologistes), comme Jean-Marie Mizzon (UC). Un mécanisme qui repose par ailleurs sur un accord conclu entre l’État et EDF en novembre 2023 lui-même vertement dénoncé l’été dernier par la commission d’enquête sénatoriale transpartisane constituée sur l’électricité (voir notre article du 4 juillet 2024).
Risque pour EDF en cas de chute des prix…
Pis, potentiellement défavorable aux consommateurs, ce nouveau dispositif législatif pourrait également l’être pour EDF, observe UFC-Que Choisir. Et ce, faute de garantie prévue pour que l’opérateur puisse "couvrir ses coûts de production dans toutes les situations du marché". Entendre, en cas d’une chute du prix de l’électricité sur le marché de gros, là encore nullement théorique.
Une baisse de la demande (renforcement de l’efficacité et de la sobriété énergétiques, baisse de l’activité économique…) couplée à une augmentation de la production d’électricité renouvelable, laquelle conduit déjà ponctuellement à des prix négatifs – ce qui motive d’ailleurs une évolution des modes de tarification (voir notre article du 17 octobre 2024) – la rend tout à fait envisageable. Avec alors de lourdes conséquences financières pour EDF – a minima – à la clé.
… et tout le monde perdant face à la volatilité des prix
Reste que la principale faiblesse du système tiendrait surtout à la dépendance accrue à la volatilité des prix, qui pèse sur les décisions des investisseurs. Un comble, alors que la Commission européenne entend précisément la réduire, notamment "en découplant les factures d’électricité de détail des prix élevés et volatils du gaz" – l’un des objectifs affichés de son plan pour une énergie abordable présenté ce 26 février (voir notre article). Dans un communiqué du 21 février, l’Union des industries utilisatrices d’énergie insiste pourtant sur "le besoin accru de visibilité", tant d’EDF que des "électro-intensifs".
Le pire est qu’au terme d’une bataille homérique conduite par Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de la Transition énergétique (voir notre article du 19 octobre 2023), le gouvernement français a arraché à l’Union européenne – surtout à certains États membres, peu enclins à ce que les industriels français et EDF bénéficient de cet avantage – l’application au secteur nucléaire d’un tel mécanisme protecteur à double-sens, les fameux "contrats pour différence". Mais si le principe est désormais acté (voir notre article du 21 mai dernier), reste encore à le mettre en œuvre. Or, pour "des raisons qui restent mystérieuses", observait la commission d’enquête sénatoriale (voir notre article du 4 juillet dernier), le gouvernement français n’a pour l’heure pas décidé de prendre son gain.
L’enjeu de la taxation
D’aucuns soulignent que le fait d’exposer davantage les Français au marché de gros permettrait à la fois à EDF de dégager davantage de revenus – si tout va bien – et à l’État de faire de même. D’une part, via les dividendes que devraient lui reverser une EDF renationalisée l’an passé (voir notre article du 12 avril 2024). Dans le communiqué précité, l’Uniden observe ainsi "que les 100 TWh cédés par EDF dans le cadre de l’Arenh n’ont pas obéré sa capacité à générer d’importants bénéfices" et que "l’extinction du dispositif à la fin de cette année dégagera ainsi de nouvelles marges de manœuvre pour l’électricien national".
D’autre part, via les nombreuses taxes qui pèsent sur les factures d’électricité. Un mauvais calcul, à en croire la Commission européenne. Dans son plan pour une énergie abordable précédemment évoqué, elle préconise en effet aux États membres, pour "rendre les factures d’électricité plus abordables", de : "réduire les taxes et prélèvements nationaux pesant sur l’électricité en vue d’atteindre les taux d’accises minimaux […] de 0,5 euro/MWh pour les entreprises ; appliquer le taux de TVA réduit (de 5%) […] ; supprimer les prélèvements qui ne sont pas liés à l’énergie et transférer les prélèvements qui financent les politiques énergétiques au budget général".
Un chemin que l’Hexagone semble prendre à rebours. "Vu sa situation budgétaire, la France est contrainte de taxer de plus en plus lourdement l’électricité pour compenser la baisse des recettes de la taxe sur les produits pétroliers", observe Jérôme Lépée, en relevant notamment que "les tarifs normaux d’accise sur l’électricité sont de plus de 26 euros le MWh pour les PME". Pour le juriste, "l’erreur fondamentale" reste toutefois "de ne pas avoir fait évoluer le prix de l’Arenh, dont la loi de finances entérine malheureusement la fin". À moins que la nouvelle régulation ne la remette paradoxalement en selle.
› Le gouvernement favorable aux tarifs réglementés de vente de l'électricitéLe gouvernement a tranché. "Les autorités françaises concluent en faveur du maintien des TRVE pour les catégories de consommateurs actuellement éligibles", indique le rapport d’évaluation des ministres chargés de l’économie et de l’énergie publié courant février. Sans surprise, le gouvernement a donc "suivi" l’avis de la Commission de régulation de l’énergie, favorable au maintien des TRVE pour les cinq prochaines années, et pas celui de l’Autorité de la concurrence, laquelle juge l’intérêt de ces tarifs pour les consommateurs "très limité hors période de crise" (voir notre article du 28 novembre). |