Loi Sûreté dans les transports : le Conseil constitutionnel joue du sécateur
Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions de la loi visant à renforcer la sécurité dans les transports. Parfois pour des raisons de fond – ainsi de la disposition qui permettait aux agents de la Suge et du GSPR de contraindre le récalcitrant à descendre de véhicule ou de quitter la gare/station sans recourir à la force publique. Souvent pour des raisons de procédure, comme pour la prorogation de l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique.

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Le Conseil constitutionnel n'a pas sorti la hache pour examiner la loi visant à renforcer la sûreté dans les transports (lire notre article du 19 mars). Il aura tout de même joué du sécateur, en censurant plusieurs dispositions du texte, pour des raisons variables, dans une décision rendue ce 24 avril.
Dispositions censurées au fond
Si les juges du Palais-Royal ont validé les dispositions permettant aux agents de la Suge et du GSPR d'interdire l'accès aux gares, stations et véhicules de transport d'une personne troublant l'ordre public, ou dont le comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, ou refusant de se soumettre à l'inspection/fouille de ses bagages ou à une palpation de sécurité, ou encore contrevenant aux dispositions tarifaires, ils ont en revanche censuré celle qui autorisait ces agents à contraindre le récalcitrant à descendre du véhicule ou de quitter sans délai les gares et stations sans requérir l'assistance de la force publique, considérant qu'une "telle prérogative relève, par nature, de la seule compétence des autorités de police".
Ils ont également censuré l'expérimentation de caméras frontales et latérales embarquées sur le matériel roulant des opérateurs de transport scolaire routier à Mayotte, motif pris que le déclenchement des caméras n'est pas subordonné à l'existence de circonstances particulières, que ne sont pas précisées les conditions de transmission de ces images, pas plus que leurs destinataires ou les personnes autorisées à les consulter, ou encore parce qu'un tel dispositif permettrait à des opérateurs privés de mettre des dispositifs de surveillance de la voie publique au-delà des abords immédiats de leur véhicule, compétence inhérente à l'exercice de la force publique.
Dispositions censurées pour des raisons de procédure
Les juges ont par ailleurs une nouvelle fois censuré, pour ce seul motif, plusieurs dispositions considérées comme des cavaliers législatifs, dans une acception que d'aucuns pourraient considérer comme fort large. Elle s'explique sans doute en partie par le fait que les textes étant désormais quasiment tous adoptés via la procédure accélérée, la chambre ayant examiné le texte en premier est placée devant le fait accompli lorsqu'un amendement est déposé et adopté par la seconde.
Les juges ont ainsi rejeté :
- la prorogation de l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique. Si cette expérimentation, qui a pris fin le 31 mars dernier, était singulièrement mise en œuvre par la SNCF et la RATP, sa prorogation était issue d'un amendement du gouvernement introduit, après la remise du rapport d'évaluation de la commission Vigouroux (lire notre article du 10 février), en séance à l'Assemblée, sans que les sénateurs puissent en avoir ainsi connaissance ;
- la possibilité de doter les agents de la Suge d'un pistolet à impulsion électrique, disposition qui ne semble là encore pas si éloignée de l'objectif global poursuivi par la proposition de loi, mais également adoptée sans que le Sénat ait pu se prononcer ;
- la mise en place d'un numéro téléphonique national commun permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements des voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire (introduit en commission par le sénateur, et désormais ministre, Tabarot) ;
- le dépôt de plainte par l'employeur au nom de la victime pour certains faits commis à l'égard d'une personne participant à l'exécution d'un service public de transport de voyageurs (introduit en séance par le député Guillaume Gouffier Valente).
Autres dispositions validées
Les juges ont en revanche validé plusieurs dispositions renforçant le champ d'intervention des agents de la Suge et du GSPR. Et notamment le fait qu'ils puissent :
- procéder à des inspections visuelles et, avec le consentement des intéressés, à des fouilles de bagages, ainsi qu'à des palpations de sécurité si des éléments objectifs indiquent qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité, dans les lieux relevant leur compétence, et ce, y compris en l'absence d'arrêté préfectoral instituant un périmètre de protection ou constatant des circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ;
- exercer sur la voie publique, aux abords immédiats des biens dont ils ont la garde, des missions, même itinérantes, de prévention et de surveillance lorsqu'ils y sont autorisés, à titre exceptionnel, par le préfet. Le Conseil souligne qu'ils ne disposent alors pas des pouvoirs de fouille, de palpations de sécurité et de conservation des objets, et qu'ils ne peuvent intervenir que pour prévenir des atteintes aux personnes et aux biens visant les exploitants, les personnels ou les usagers des réseaux dont ils relèvent ;
- conserver un objet dont le caractère dangereux est manifeste, si la personne concernée y consent, dans les lieux relevant de leur compétence ;
- constater, sans le rechercher, le délit de vente à la sauvette lorsqu'il est commis aux abords immédiats des gares et stations, et procéder, le cas échéant, à la saisie des marchandises et des étals les supportant, ainsi qu'à la destruction ou au don de ces dernières à des organisations caritatives, dans la mesure où ils ne peuvent exercer ces pouvoirs particuliers que sous le contrôle d'un officier de police judiciaire.
Ils ont également validé les dispositions relatives à l'abandon de bagages, matériaux ou objets dans les véhicules ou gares et stations et celle autorisant l'affectation de certains agents d'Île-de-France mobilités dans des salles de visionnage des images des systèmes de vidéoprotection déployés dans les réseaux de transport en commun.
Ils ont encore donné leur feu vert à plusieurs expérimentations :
- le port de caméras individuelles par les conducteurs de bus ou de car relevant du transport public ;
- la captation et la transmission en temps réel du son dans les bus et car relevant du transport public ;
- les caméras frontales embarquées sur les matériels roulants des opérateurs de transport guidés urbains, dans la mesure, notamment, où elles ne permettent la captation d'images qu'aux seuls abords immédiats des véhicules.