Numérique / Réforme des collectivités - Loi Notr : transparence et modernisation passent aussi par le numérique
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) a été promulguée le 8 août dernier après avoir été validée par le Conseil constitutionnel. Si de grands bouleversements sont à prévoir au niveau des collectivités concernant l'organisation du territoire, la répartition des compétences ou encore la fonction publique, la question des changements se pose également en matière de numérique et de TIC. Quatre thématiques sont en effet présentes au fil de la loi : l'ouverture des données, l'information des citoyens, la dématérialisation des actes et des procédures et, enfin, les compétences en matière de déploiements réseaux.
La région, chef de file sur l'ouverture des données géographiques
L'ouverture des données est spécifiée dès le premier article de la loi qui fait de la région l'acteur de référence en matière de données géographiques - mise à jour et ouverture - à partir d'une plateforme de services numérique. Une décision qui vise à donner à la région la capacité de se doter des outils nécessaires à ses missions, notamment en matière de cartographie. En positionnant la région comme acteur majeur de la coordination et de l'organisation des données territoriales, les députés ont ainsi réaffirmé la pertinence de l'échelle régionale en matière de gestion de données et de mutualisation. Cette disposition avait été introduite dans la loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et votée contre l'avis du gouvernement qui y voyait à l'époque un double inconvénient : d'une part un risque de redondance avec la mission Etalab chargée nationalement de la politique d'ouverture et de partage des données publiques et, d'autre part, une contrainte supplémentaire pour les régions qui, de fait, sont déjà nombreuses à mettre en place des services similaires.
Nouvelles obligations de mise en ligne de l'information
La nouvelle loi prévoit l'obligation pour les collectivités de publier en ligne une série de documents destinés à informer le public, dans un esprit de transparence. On y retrouve pêle-mêle les documents liés à l'aménagement du territoire : le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, pour les modifications mineures "ne portant pas atteinte à l'économie générale du document" (article 10) et le schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public, qui liste l'ensemble des services présents sur le département (article 98), sur un principe selon lequel un service public doit être connu des citoyens pour être utilisé et qui aurait dû être appliqué depuis longtemps. Les comptes rendus des conseils municipaux (article 84) et certains documents financiers (article 107) doivent être mis à disposition du public sur le site internet de la collectivité "lorsque celui-ci existe". Les documents financiers concernés sont : les notes explicatives de synthèse pour les communes et les rapports de synthèse accompagnés d'une note de synthèse, pour les départements et régions, annexés au budget primitif et au compte administratif. Ces notes de synthèse devant rendre les documents plus accessibles aux citoyens. Les recueils des actes administratifs communaux, départementaux et régionaux devront également faire l'objet d'une publication sous forme dématérialisée (article 124). Cette disposition, répond à une proposition du rapport d'Eric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales et donne une valeur juridique aux actes publiés sous forme dématérialisée (tout en maintenant une trace physique). L'article 106 donne obligation aux collectivités de plus de 3.500 habitants, ainsi qu'à leurs EPCI, lorsqu'ils sont à fiscalité propre, de rendre accessible en ligne les informations publiques dont elles disposent, se rapportant à leur territoire (relations administration/public, propositions d'ordre administratif, social et fiscal). Cette disposition reprend l'article 29 du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale déposé devant le Sénat en avril 2013. Pour ce qui est de la présence des services publics en ligne, la loi incite les nouvelles "maisons de services au public" (anciennement "maisons de services publics") à faire le choix de mettre en ligne leur offre de services (article 100). Enfin, l'article 15 prévoit que le plan régional soit mis en consultation par voie électronique selon les modalités fixées au II de l'article L. 120-1 du code de l'environnement (qui précise les délais, modalités d'organisation… des consultations).
Accélération de la dématérialisation des échanges de données
Ensuite, une série d'articles vient encadrer le numérique et la dématérialisation dans le processus de modernisation de l'action publique. L'article 84 vient moderniser l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales en précisant que les conseillers municipaux peuvent recevoir leur convocation pour le conseil municipal de manière dématérialisée s'ils le souhaitent. Pour les conseillers régionaux, l'article 136 précise que leur convocation pour la réunion d'installation de la nouvelle assemblée du 4 janvier 2016 leur sera envoyée par tous les moyens, y compris électronique. Ces deux articles confirment la valeur juridique des convocations dématérialisées en vue de, peut-être dans un deuxième temps, les généraliser à tous les échelons territoriaux. Enfin, en matière de modernisation des relations inter-administrations, une série d'articles vient préciser les documents à fournir sous forme dématérialisée. L'article 108 rend obligatoire, d'ici août 2019, la dématérialisation des échanges des documents entre certains organismes publics et les comptables publics. L'objectif vise à accélérer la dématérialisation entre les ordonnateurs publics et les comptables publics afin de faire des économies de gestion et de créer des externalités positives grâce au numérique, comme réduire les délais de paiement ou fiabiliser le recouvrement… Il répond de fait aux objectifs de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) qui a fait de la dématérialisation globale et progressive des échanges comptables, budgétaires et financiers un levier d'optimisation. Parmi les organismes publics concernés, on retrouve : les régions, les départements, les communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 10.000 habitants ainsi que certains établissements publics (offices publics de l'habitat, centres hospitaliers…). De la même manière, l'article 128 prévoit la dématérialisation des échanges en matière de contrôle de légalité. Là encore, il s'agit de réduire les coûts de gestion tout en améliorant la performance, notamment en raccourcissant les délais d'entrée en vigueur des actes. Cette obligation touche les communes de plus de 50.000 habitants, les départements, les régions et les EPCI à fiscalité propre et ne sera effective qu'en 2020. Cette mesure était déjà prévue dans le plan "préfecture nouvelle génération" (du 9 juin) et dans la revue des missions de l'Etat (du 22 juillet) avec l'idée, alors, de créer une dynamique positive depuis les collectivités les plus importantes par la diffusion de bonnes pratiques et la généralisation de solutions mutualisées. Quant à l'article 129, il prévoit que les communes et les EPCI de plus de 3.500 habitants transmettront à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) leurs indicateurs techniques et financiers sous forme dématérialisée, afin d'alimenter un système d'information national rassemblant des données sur l'eau, les milieux aquatiques, leurs usages et les publics de distribution d'eau et d'assainissement.
Aménagement numérique : maintien du statu quo antérieur
En matière de déploiement d'infrastructures et de réseaux de communication électronique, l'ambition affichée à travers l'article 102 vise à réduire la fracture numérique en renforçant les synergies entre les différentes collectivités en matière de déploiement du très haut débit. En ce sens, la loi votée garantit une sorte de statu quo par rapport la situation antérieure : elle garantit la participation de tous les échelons territoriaux, à la fois en matière d'initiative et de financements. En n'attribuant pas la compétence à une seule collectivité (sous-entendu la région), c'est la dynamique du secteur qui semble avoir été préservée au vu du très grand nombre de projets de déploiement portés par les départements ou les intercommunalités. Pour autant, la loi appelle les différentes collectivités à collaborer et à travailler dans le même sens, les enjoignant, lorsque plusieurs schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique existent, à définir une stratégie commune susceptible d'être "insérée dans le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires". Ensuite, les syndicats mixtes sont renforcés avec la sécurisation de leurs sources de financements. Ils disposent de la garantie d'un financement via des apports de fonds de concours versés par leurs membres. En tant qu'investissements et non dépenses de fonctionnement, ces apports peuvent faire l'objet d'emprunts ; la période de 30 ans définie par la loi garantit l'amortissement de l'investissement pour les collectivités. A noter que seuls les syndicats mixtes incluant au moins une région ou un département peuvent se voir déléguer par les collectivités tout ou partie de la compétence relative aux réseaux de communication électronique.
Finalement, le texte précise que les collectivités et les groupements qui auraient bénéficié d'un "transfert" de compétence peuvent établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de communications électroniques. Ils peuvent aussi, le cas échéant, acquérir des droits d'usage à cette fin ou acheter des infrastructures et réseaux existants et les mettre à la disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants.
La loi Notr ne se substitue pas à la loi sur le numérique dont le projet devrait être rendu public à la mi-septembre mais propose quelques premiers ajustements en conformité avec la nouvelle répartition des compétences et organisation territoriale. D'autres textes devraient prochainement prendre le relais pour préciser certains contenus, notamment sur la thématique de l'open data.
Philippe Parmantier / EVS
Les dispositions TIC applicables à la métropole du Grand Paris
Deux articles de la loi (58 et 59) font explicitement cas de la métropole du Grand Paris en matière de TIC et concernent l'aménagement du territoire.
L'article 58 précise les modalités de modifications du schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris. Il précise que le public doit être associé au processus. Pour cela, la Société du Grand Paris doit élaborer un dossier revenant sur les modifications envisagées qu'il doit mettre à disposition du public par voie électronique. Le public peut communiquer ses observations par voie postale ou électronique pendant 4 mois à partir de cette date. Enfin, dans un délai de 2 mois à compter de la clôture du dépôt des observations, un compte rendu et un bilan en sont publiés en ligne. A côté de ces documents, sont également publiés par voie électronique les avis des acteurs impliqués dans le projet : région Ile-de-France, syndicat des transports d'Ile-de-France, départements d'Ile-de-France, communes, établissements publics de coopération intercommunale d'Ile-de-France compétents en matière d'urbanisme ou d'aménagement, association des maires d'Ile-de-France, syndicat mixte Paris-Métropole et enfin atelier international du Grand Paris.
L'article 59 stipule qu'à compter du 1er janvier 2017, la métropole du Grand Paris devra elle même élaborer le schéma métropolitain d'aménagement numérique. Schéma qui, pour rappel, recense les infrastructures et réseaux de communications électroniques, identifie les zones desservies et présente une stratégie de couverture du territoire concerné en matière de haut débit fixe et mobile.
Ph.P. / EVS