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Projet de loi d'orientation des mobilités : le texte dans l'impasse au Sénat

Faute de financement dédié de la compétence d’organisation des mobilités des intercommunalités, identifié depuis le début de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) comme un point d’achoppement, les débats au Sénat pourraient être écourtés. C’est en ce sens que la commission du développement durable a adopté ce 23 octobre une motion préalable, rejetant du même coup le texte. 

Réunie ce 23 octobre, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, chargée d’examiner en nouvelle lecture le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), a adopté la motion tendant à opposer la question préalable, déposée par le rapporteur Didier Mandelli (LR), rejetant du même coup le texte. Et le sénateur de Vendée entend bien user de la même procédure en séance publique, jugeant "qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi". Le débat prévu dans l’hémicycle, le 5 novembre prochain, devrait donc être éludé, faute de réponses satisfaisantes - y compris dans le projet de budget pour 2020 - au financement des nouvelles autorités organisatrices de la mobilité (AOM), en particulier dans les territoires ruraux, qui, en l’absence de services réguliers de transport, ne bénéficieront pas des recettes du versement mobilité.  

Achoppement sur le financement

Un air de déjà-vu après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur la question budgétaire, avant que le bras de fer ne réapparaisse dans les débats, lors de l'examen en deuxième lecture en séance publique à l'Assemblée le 10 septembre. Très tôt, la Chambre haute avait affiché ses réserves sur la programmation financière proposée, et en particulier s’agissant de la trajectoire au "rabais" de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). La ministre des Transports, Élisabeth Borne, avait donné quelques gages - promettant notamment une écotaxe dès 2020 sur les billets d’avion -, mais l’essentiel du combat sur le financement devait être mené dans le projet de loi de finances (PLF). Seulement voilà, le PLF 2020 "ne comporte aucune mesure permettant d’assurer un financement dédié et pérenne" pour cette nouvelle compétence d’organisation des mobilités par les intercommunalités". "Pire, il prive en réalité les collectivités d’une partie de leurs ressources, puisqu’il prévoit d’amputer de 45 millions d’euros la compensation que l’État leur verse depuis le relèvement en 2016 du seuil de salariés [de 9 à 11 salariés] à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité", s’alarme la commission. 

Absence de ressource dédiée

D'autant que le Sénat avait avancé des "solutions concrètes" lors de l’examen du projet de loi en première lecture, en proposant en particulier de flécher une partie de la taxe sur les carburants (TICPE) des services de mobilité dans les territoires ruraux dont les ressources sont insuffisantes. Mais le gouvernement a privilégié une autre piste pour les territoires qui ne lèveront pas de versement mobilité, en s’appuyant sur la réforme de la fiscalité locale, dans le cadre du mécanisme prévu pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. Sur le papier, la quote-part de TVA transférée aux EPCI pour compenser la perte de recettes résultant de la suppression de la taxe d’habitation pourrait générer 30 à 40 millions d’euros supplémentaires à compter de 2021, soit 120 à 160 millions d’euros en produit annuel complémentaire au bout de la quatrième année. Un dispositif qui "ne constitue pas une nouvelle ressource dédiée aux services de mobilité" et ne convainc pas sur les bancs du Sénat. Une déception largement transpartisane alimentée par d’autres sujets d’inquiétudes dans le collimateur de la commission, qui cite également "la perte de recettes - non compensée - de 45 millions d’euros en 2023, puis de 30 millions d’euros par an à partir de 2024, que subiront les AOM du fait de la réforme des modalités de franchissement des seuils sociaux prévue par la loi Pacte du 22 mai 2019".  

Compromis ailleurs

Pour la commission, les intercommunalités ne seront pas incitées à se saisir de la boîte à outils offerte par le projet de loi, "car elles n’auront pas les moyens de développer des alternatives à la voiture individuelle". La promesse du gouvernement de mettre fin aux "zones blanches de la mobilité", la fameuse fracture territoriale, en réponse à la crise des gilets jaunes, "risque fort de rester lettre morte, au détriment des habitants de ces territoires", déplore Didier Mandelli. Un compromis a néanmoins pu être trouvé sur d’autres sujets. De nombreux apports du Sénat ont ainsi été conservés, reconnaît la commission, qu’il s’agisse "de la sanctuarisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), de la pérennisation du Conseil d’orientation des infrastructures et des contrats opérationnels de mobilité, ou encore des dispositions visant à favoriser le développement des véhicules à faibles émissions (objectifs de verdissement des flottes de véhicules des entreprises), des mobilités partagées (ouverture du forfait mobilités durables aux conducteurs en covoiturage) et actives (obligation d’emport de vélos non démontés dans les trains et les bus), ou à renforcer la sécurité dans les transports". 

 

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