Loi de prévention des incendies : l'Assemblée déplore une application partielle

À l'Assemblée nationale, la mission d'application de la loi de 2023 sur la prévention des incendies, qui a présenté son rapport ce 9 avril, déplore une mise en œuvre toujours partielle du texte. L'absence de la stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées, toujours en cours d'élaboration, est notamment regrettée.

C'est un verre à moitié vide que les rapporteurs de la mission d'application de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie (lire notre article du 12 juillet 2023) ont présenté devant leurs collègues de la commission des affaires économiques de l'Assemblée, ce 9 avril. Si l'échéancier figurant sur Légifrance présente un bilan qu'on a connu bien plus terne pour d'autres textes, avec neuf décrets publiés sur les onze attendus, Sophie Panonacle (Gironde, EPR) souligne "qu'en réalité, le nombre de mesures administratives d'application requises était bien plus élevé". Mais elle déplore que "plusieurs de ces mesures n'ont pas encore été prises, d'autres ne l'ayant été par ailleurs que partiellement". Et de conclure que "même si beaucoup de choses ont été faites, la situation ne peut totalement nous satisfaire". 

Une stratégie vous manque…

Manque singulièrement à l'appel la "stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies", prévue pourtant dès l'article 1er d'une loi qui dispose en outre que le document devait être élaboré dans l'année de la promulgation du texte. Or la députée girondine observe "qu'on ne parle encore de cette stratégie qu'au futur. Elle n'existe toujours pas dans les faits". Le coup d'envoi de son élaboration n'a en effet été donné qu'en février dernier (lire notre article du 10 février), et sa publication reste attendue (en février dernier, le ministère nous l'avait annoncée pour "avril-mai"). "Ça ne saurait tarder", veut croire la parlementaire. Elle estime en outre que le présent rapport "va mettre un peu la pression". 

Pour son corapporteur, Julien Gabarron (Hérault, RN), il y a d'autant plus urgence que cette stratégie "va lancer tout le reste". "Socle annoncé de la réforme […], elle conditionne l'élaboration d'autres dispositifs essentiels, tels que le programme national de la forêt et du bois, les plans départementaux de protection des forêts contre les incendies ou encore les nouveaux outils d'urbanisme liées aux risques", renchérit lors des débats le député Guillaume Lepers (Lot-et-Garonne, app. DR), en mettant en lumière "l'effet domino" de ce "retard préoccupant". 

Insuffisante mobilisation des préfets et de l'administration en générale

Autre regret exprimé par Julien Gabarron, parmi d'autres, "des problèmes d'application" de l'article 45 de la loi, qui dispose que le préfet de département établit une liste des personnes et des organismes pouvant être mobilisés en soutien aux actions de lutte contre les incendies et prévoit leurs conditions d'intervention. "Soit les préfets n'ont pas joué le jeu, soit il n'a pas eu les instructions pour", diagnostique-t-il.

De manière générale, Sophie Panonacle se fait peu amène sur le manque d'investissement de l'Exécutif pour décliner la loi : "Les raisons données par le gouvernement ou ses administrations centrales – la nécessité de consulter un grand nombre d'acteurs, la complexité des dispositifs existants dans lesquels les partages de compétences ne sont effectivement pas toujours clairement établis et, enfin, le fait que certaines dispositions de la loi soient optionnelles et ne revêtent aucun caractère obligatoire –, je ne pense pas que cela puisse justifier ces retards", juge-t-elle. 

Circonstances atténuantes ?

Sans vouloir prendre la défense de l'administration, on relèvera toutefois que, s'agissant de l'élaboration de la stratégie évoquée, la loi dispose explicitement qu'elle doit l'être "en concertation avec l'Office national des forêts, le Centre national de la propriété forestière, les représentants des professionnels chargés des missions de sécurité civile, les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, les organisations professionnelles agricoles, les organisations professionnelles de la filière forêt-bois, les associations syndicales mentionnées aux articles L.132-2 et L.133-1-1 du code forestier, les chambres d'agriculture ainsi que les associations agréées de protection de l'environnement", ce qui fait du monde. Ou encore que Julien Gabarron concède lui-même que la loi se fait parfois "trop floue". Ce dernier invite d'ailleurs à ne "pas incriminer l'administration", en rappelant que "les événements politiques ont fait que c'était difficile à mettre en œuvre". Pour preuve, du fait de la dissolution, la mission elle-même n'a pu rendre ses conclusions dans le délai de six mois de l'entrée en vigueur de la loi fixé par le règlement de l'Assemblée. La mansuétude de l'élu peut néanmoins paraître étonnante alors qu'il confesse par ailleurs que la mission a dû faire preuve de "pugnacité face à une administration parfois inégale dans sa motivation à nous apporter des réponses".

Verre à moitié plein ?

Lors des échanges, la députée Marie-Agnès Poussier-Winsback (Seine-Maritime, Horizons) a également redouté que les "lenteurs" dans l'application de la loi "puissent mettre en péril l'objectif même" de cette dernière, "à savoir anticiper pour mieux protéger". Elle a néanmoins tenu à saluer "plusieurs mesures de la loi déjà mises en œuvre, comme les textes sur les obligations de débroussaillement [lire nos articles du 29 août 2023, du 2 avril 2024 et du 2 mai 2024] ou le financement des campagnes de sensibilisation" (lire notre article du 19 avril 2024). 

Christophe Barthès (Aude, RN) regrette pour sa part que le rapport soit "succinct" sur la mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement, regrettant "qu'il n'y ait pas d'état des lieux du ressenti sur le terrain". Invitée par la député Sandra Marsaud (Charente, EPR) à "identifier des leviers supplémentaires pour accompagner plus efficacement nos communes face à la complexité de ces obligations", Sophie Panonacle insiste, elle, sur le fait que "les communes peuvent, doivent être accompagnées par les préfets" en la matière. Si l'on ignore si ces derniers, dans le cas où ils auraient été sollicités, ont été au rendez-vous, plusieurs d'entre eux ont à tout le moins organisé récemment des opérations de sensibilisation sur le terrain (en Ardèche le 7 janvier, en Loir-et-Cher le 19 février, etc.).

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis