Finances locales - Loi de finances 2011 : l'espoir est-il sauf ?
Le gouvernement tenait coûte que coûte à ramener le déficit de l'Etat à 92 milliards d'euros l'année prochaine. Après le vote définitif de la loi de finances, l'objectif est quasiment atteint. Pour cela, le ministre du Budget a ferraillé avec les parlementaires tentés parfois d'alourdir la dépense publique. L'escrimeur est même à certains moments devenu artificier, faisant usage d'une arme redoutable, la seconde délibération.
Le gouvernement parvient donc à son objectif, notamment en gelant, sans même prendre en compte l'inflation prévue l'année prochaine (1,5 %), les dotations de l'Etat aux collectivités locales (soit un peu plus de 55 milliards d'euros). La mesure aurait pu générer une baisse sensible des dotations pour une majorité de communes si un filet de sécurité n'avait pas été mis en place. Concrètement, la dotation de garantie ne sera réduite que pour quelque 6.000 communes dont le potentiel fiscal est égal ou supérieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des communes. De ce fait, les dotations de péréquation, qu'il s'agisse de la dotation de solidarité rurale ou de la dotation de solidarité urbaine, peuvent continuer chacune à augmenter à un rythme soutenu (+6,2 %). Quant à la dotation globale de fonctionnement, qui représente près de 70 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités, elle connaîtra une hausse de quasiment 0,5 %. Une progression plus importante que prévu, grâce aux efforts du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale. Gilles Carrez, qui est aussi président du Comité des finances locales, a fait admettre au gouvernement qu'il avait oublié d'intégrer au budget 2011 pas moins de 149 millions d'euros pourtant dus aux collectivités locales.
Comité des finances locales : un rôle amoindri ?
Les diverses dotations servant traditionnellement de variables d'ajustement seront néanmoins en diminution de plus de 7 %. On peut se demander jusqu'où le gouvernement pourra tirer sur la corde. Arrivé au bout de ses marges de manoeuvre, l'exécutif pourrait être tenté de réduire au cours des prochaines années la dotation de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, analysait récemment Marc-Antoine Vincent, consultant chez Sémaphores. Cette dotation, d'un montant de 6,2 milliards d'euros en 2010, devait diminuer de 98 millions d'euros (-1,6 %). Les parlementaires ont préféré la maintenir à son niveau de 2010. Une réduction en 2012 serait synonyme d'un vrai "risque" pour les communautés, puisque cette dotation alimente l'essentiel de la dotation d'intercommunalité, souligne Marc-Antoine Vincent.
Parallèlement, les parlementaires ont livré une autre bataille, plus modeste et discrète, qui a consisté à préserver le rôle du Comité des finances locales (CFL). Déjà affaibli par le gel des dotations aux collectivités – puisque cette instance a l'habitude de se prononcer sur la répartition de la croissance de ces mêmes dotations –, le CFL voyait dans la première version du projet de loi ses compétences parfois complètement ignorées (par exemple sur la répartition de la dotation de solidarité rurale). Attentifs, les sénateurs ont corrigé le tir.
Si du côté des dotations, le contexte est difficile pour les collectivités, celles-ci peuvent se réjouir d'obtenir par la loi de finances un peu de souplesse fiscale. Ainsi en est-il de la revalorisation de 2 % des valeurs locatives, supérieure au taux d'inflation prévisionnel (1,5 %). La mesure "offrira aux maires un peu de marge de manoeuvre, permettant à la très grande majorité d'entre eux de ne pas augmenter leur taux d'imposition", commentait le rapporteur général du budget du Sénat dans son rapport sur le projet de loi. Autre mesure favorable aux collectivités : le dispositif fiscal imaginé par les députés pour remplacer le régime d'imposition des professions libérales censuré par le Conseil constitutionnel.
Un milliard d'euros pour la péréquation à l'échelle du bloc local
Si elle porte la marque de la rigueur, cette loi de finances est aussi celle du rendez-vous sur la suppression de la taxe professionnelle (TP). Alors que c'est en 2011 que les collectivités vont obtenir pour la première fois les nouvelles ressources remplaçant la TP, la loi procède à de très nombreux ajustements de la réforme votée fin 2009. Notamment, un amendement du gouvernement neutralise les effets sur les ménages et les collectivités du transfert de la part départementale de la taxe d'habitation. Cette question avait suscité à l'automne beaucoup d'émois chez les élus locaux. Les parlementaires ont aussi modifié les règles de comptabilisation de la valeur ajoutée afin que les territoires industriels soient moins pénalisés par la réforme.
Comme l'exigeait la loi de finances pour 2010, le Parlement a enfin fixé les principes de la future péréquation financière entre communes et intercommunalités. En la matière, c'est la proposition du Sénat qui a prévalu. En 2015, un fonds national prélèvera aux communes et intercommunalités les plus riches un milliard d'euros pour les reverser aux communautés les plus pauvres. A charge pour elles de reverser à leurs communes au moins 50 % des sommes reçues. Avant le 1er septembre 2011, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport précisant les modalités de répartition du fonds national. Pour le gouvernement et les associations d'élus locaux, ce chantier de la péréquation sera évidemment l'un des plus importants de l’année prochaine.
Pour plus de détails sur la loi de finances 2011, retrouvez dans notre dossier spécial, ci-contre, tous les articles parus au fil de l'examen parlementaire.