Loi Climat et Résilience : un projet de décret en consultation pour limiter l’extension aéroportuaire
Les conditions de l’encadrement de l'augmentation des capacités aéroportuaires posé par la loi Climat et Résilience sont fixées dans un projet de décret soumis à consultation publique jusqu’au 22 mars. Un mécanisme de consultation des collectivités, dont les territoires subissent l'influence des aérodromes, au titre du développement local et de la qualité de vie des riverains, y est associé.
Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation publique, jusqu’au 22 mars, un projet de décret d’application de la loi Climat et Résilience relatif à l’encadrement du développement aéroportuaire (passagers et fret). C’est la première fois que la loi prévoit que certaines catégories de projets de création ou extension d’aérodromes ne peuvent par principe bénéficier d’une déclaration d’utilité publique (DUP), indépendamment de leur intérêt intrinsèque, pour les rendre compatibles avec nos objectifs de lutte contre le changement climatique. C’était d’ailleurs l’une des mesures emblématiques de la Convention citoyenne pour le climat : interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants sur le territoire métropolitain.
Les dispositions introduites à l’article L.122-2-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ont pour objet d’interdire les recours à l'expropriation destinés à augmenter les capacités d’accueil aéroportuaires, s’ils conduisent à augmenter (après compensation) les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à l’année 2019. De ce fait, un décret était attendu pour déterminer les opérations concernées mais surtout la méthode d'appréciation de la condition relative à l'augmentation des émissions. Cette évaluation tient compte de l’évolution prévisionnelle à moyen terme du trafic aérien par rapport à la date prévue d’achèvement de l’opération, des émissions des aéronefs et de leur compensation.
Démonstration de l’évolution des émissions engendrées
Des études, à la charge de l’expropriant, devront tout d’abord faire la démonstration que son projet n’a pas pour conséquence l’augmentation des capacités d’accueil des aéronefs, des passagers ou du fret de l’aérodrome. Dans le cas contraire, il devra alors fournir une étude démontrant que ce même projet n’a pas pour effet d’entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de GES qu’il engendre (par rapport à l’année de référence 2019).
Pour le périmètre des émissions prises en compte, le décret reprend les dispositions applicables aux études d’impact réalisées dans le cadre des évaluations environnementales. C’est donc bien "l’intégralité des émissions résultant de l’exploitation du projet, donc en particulier celles relatives aux déplacements des usagers de l’aérodrome, qui doit être prise en compte", souligne le ministère.
Le décret impose également la cohérence des hypothèses retenues concernant l’évolution des émissions des aéronefs (compte tenu des progrès de la décarbonation du secteur aérien) avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Quant à la compensation projetée des émissions, seront prises en compte celles qui résultent "d’obligations réglementaires ou d’engagements par l’expropriant, sous réserve qu’elles respectent les principes mentionnés à l’article L.229-55 du code de l’environnement".
Toutes ces démonstrations constituent un élément supplémentaire dans l’instruction d’une demande de DUP, les études correspondantes devant intégrer le dossier soumis à enquête publique. Elles s’accompagneront de l’avis du ministre chargé de l’aviation civile sur la conformité du projet de l’expropriant et, en cas de fourniture de l’étude relative aux émissions, de l’avis du ministre chargé de l’environnement.
Sur le modèle du "cadrage préalable" de l’étude d’impact d’un projet (prévu à l’article L.122-1-2 du code de l’environnement), le décret prévoit par ailleurs une procédure facultative de "pré-cadrage", afin de permettre aux expropriants d’avoir connaissance le plus tôt possible de la légalité de leur projet.
Consultation des collectivités territoriales
Le décret précise également les modalités de consultation des collectivités territoriales dont les territoires subissent l'influence des aérodromes au titre du développement local et de la qualité de vie des riverains. Sauf dans le cas où l’expropriant démontre une absence d’impact de son projet sur les capacités aéroportuaires - conformité validée par un avis du ministre de l’aviation civile dans le cadre d’une procédure de pré-cadrage -, un dossier composé des études fournies par l’expropriant, d’une notice explicative et d’un plan de situation sera envoyé par le préfet du département où l’opération est réalisée, préalablement à l’enquête publique, aux collectivités concernées. Les unes au regard des problématiques de développement économique et d’aménagement du territoire, sur le territoire desquels se situe l’emprise de l’aérodrome. Les autres au titre également des questions d’ordre environnemental liées aux nuisances sonores, à savoir celles disposant d’un plan local d’urbanisme (PLU) auquel est annexé un plan d’exposition au bruit ou concernées par un plan de gêne sonore relatif à l'aérodrome en question. Ces collectivités disposeront d’un délai de 2 mois pour fournir leur avis qui sera mis à la disposition du public.
Portée limitée
Diverses exceptions au principe de limitation posé à l’article L. 122-2-1 sont prévues, notamment pour les travaux relatifs à l’aérodrome de Nantes-Atlantique jusqu’en 2036 (compte tenu de l’abandon du projet de Notre-Dame des Landes), pour l’aérodrome de Bâle-Mulhouse et les hélistations. Cette mesure n’est en outre pas applicable dans les collectivités d’outre-mer ou pour les travaux motivés par des raisons sanitaires, de sécurité, de défense nationale ou de mise aux normes. Et surtout, elle n’empêche pas les projets d'extension qui ne nécessitent pas d'expropriation foncière, et donc pas de DUP. Or, selon un décryptage réalisé par le Réseau Action Climat concernant les dix plus grands projets d’agrandissement d’aéroports à l’étude sur le territoire métropolitain, "aucun ne sera concerné par le champ d’application du texte". L'étude d'impact de la loi Climat et Résilience reconnaissait elle-même que ces projets nécessitent "rarement" de recourir à des acquisitions foncières par voie d'expropriation des tiers. Et pour cause, "dans la très grande majorité des cas, les aéroports étant des domaines très vastes, le propriétaire dispose de suffisamment de place pour effectuer les aménagements sur son propre terrain, sans avoir besoin d’expropriation, et donc de DUP pour procéder aux travaux", remarque l’ONG.