Logement social "à vie" : encore un faux débat ?
Le ministre délégué Guillaume Kasbarian a indiqué aux Echos vouloir faire en sorte que les locataires HLM dont les revenus ont beaucoup augmenté puissent être invités à quitter leur logement. L'Union sociale pour l'habitat rétorque que les bailleurs en ont déjà la possibilité.
Le gouvernement entend favoriser la sortie du logement social des locataires qui ont "largement dépassé les plafonds de revenus", a fait savoir Guillaume Kasbarian, le ministre délégué en charge du logement, dans une interview au journal Les Echos publiée le 11 avril au soir, le jour même où il consacrait un déplacement au bilan de la loi SRU et au logement intermédiaire (voir notre article du 11 avril).
"Quand on a 5,2 millions de logements sociaux en France et 1,8 million de ménages qui candidatent légitimement pour y entrer, est-il normal qu'ils soient empêchés de le faire alors qu'il y a des gens au sein du parc social dont la situation a largement changé depuis qu'ils se sont vu attribuer leur logement ?", s'interroge le ministre dans les colonnes du quotidien économique. Selon Les Echos, Guillaume Kasbarian a affirmé que plus de 8% des locataires de HLM ne seraient plus éligibles à un logement social s'ils en demandaient un aujourd'hui.
"Il faut réinterroger la pertinence à continuer à occuper un logement social de ceux qui ont largement dépassé les plafonds de revenus, ont pu hériter, ont parfois une résidence secondaire en leur possession, et dont le patrimoine - et c'est le sens de la vie - a évolué", poursuit le ministre. Il entend exiger des bailleurs sociaux une évaluation régulière et obligatoire de "la situation personnelle, financière et patrimoniale" des locataires du parc social. "Cela permettra d'abord d'interroger le renouvellement du bail. Et ensuite d'interroger le niveau des loyers", ajoute-t-il, sans davantage de précisions.
Ces dispositions devraient être intégrées dans le projet de loi sur le logement attendu en mai en Conseil des ministres.
L'Union sociale pour l'habitat a très rapidement réagi, tenant à rappeler que "la notion de 'logement social à vie', si elle peut être efficace médiatiquement, n'a pas de réalité juridique" puisqu'aujourd'hui déjà, un contrôle des revenus est "réalisé chaque année par les bailleurs sociaux. Or "un ménage locataire, s'il dépasse les plafonds de revenus fixés par la loi, est soumis dans un premier temps à un supplément de loyer", et "si ce dépassement s'inscrit dans la durée et augmente, le ménage locataire doit quitter son logement social".
Si "le ministre a raison de reconnaître la réalité de la file d'attente des demandes de logements sociaux", il "a tort de considérer que c'est en insécurisant les locataires du parc social qu'on palliera les insuffisances de la politique du logement", déclare la présidente de lUSH, Emmanuelle Cosse, dans un communiqué diffusé ce 12 avril. Pas question pour elle d'opposer "les locataires du parc social aux demandeurs". Elle considère en revanche que "le renforcement de l'étude sur l'occupation sociale des logements, prévu par le projet de loi, est souhaitable".