Logement neuf en Ile-de-France : de nombreux blocages à déverrouiller
Avec moins de 10.000 unités mises en vente en 2024, la production de logements neufs a été divisée par trois par rapport à 2019 en Ile-de-France. Quelques mois après avoir formulé des propositions pour relancer le marché, les professionnels de l'Alliance régionale pour le logement ont tiré la sonnette d'alarme jeudi 27 mars. Sans solutions rapides et concrètes, ils estiment que les conséquences de cette crise pourraient s'étendre sur plusieurs années.

© JGP/ Céline Oriol, Stéphane Sajous, Emmanuel Dezellus, Elisa Frugier et Marc Gedoux
La contraction du marché du logement en Ile-de-France atteint un niveau inédit : la production de logements neufs a été divisée par trois par rapport à 2019, pour s'établir à 9.220 unités. La demande des particuliers enregistre quant à elle une hausse de 4%, qui porte le total des réservations à 14.490 unités (+4% sur un an). Le secteur subit un désengagement massif des investisseurs : -22% pour les particuliers et -65% pour les investisseurs. Les professionnels réunis au sein de l'Alliance pour le logement Ile-de-France avaient déjà fait part de leur préoccupation en novembre dernier, et formulé une série de propositions afin de redynamiser la construction (voir notre article).
Difficultés conjoncturelles, blocages administratifs et interférences du calendrier électoral plombent le marché du logement neuf dans la région. Réunis le 27 mars, les professionnels du secteur alertent sur les conséquences à long terme de cette crise et demandent aux pouvoirs publics de prendre des mesures concrètes et rapides.
En finir avec la "surenchère normative"
"Nous avions demandé la désignation de correspondants départementaux représentant les services de l'Etat afin de débloquer les dossiers au cas par cas. Ils ont effectivement été nommés, mais n'avaient pas reçu de lettre de mission", rappelle Emmanuel Dezellus, porte-parole de l'Alliance et responsable du pôle Habitat au sein de la Fédération française du bâtiment (FFB). Autre motif de blocage : les recours contentieux d'urbanisme, qui peuvent durer deux ans selon les cas, au lieu des six mois réglementaires. L'Alliance souhaite le renfort des tribunaux afin de réduire les délais de traitement. Les professionnels dénoncent également une surenchère normative qui se traduit notamment dans les cahiers des charges adoptés par les aménageurs publics pour leurs consultations, particulièrement les établissements publics d'aménagement (EPA). "On discute à haut niveau pour gagner du temps, mais dans les faits, rien ne change", regrette Emmanuel Dezellus.
L'approche des élections municipales contribue aussi à freiner la délivrance des permis de construire. "L'incitation de 100 millions d'euros votée dans le cadre du budget 2025 pour soutenir les maires bâtisseurs ne suffit pas à corriger la tendance", regrette Emmanuel Dezellus. Et si ce ralentissement lié au calendrier électoral n'a rien de nouveau, il est lui aussi d'une ampleur sans précédent : habituellement, la baisse constatée s'établit autour de 20% dans l'année électorale, contre 40% en 2024.
Gel des financements régionaux
Le contexte politique national est venu lui aussi peser sur le secteur de la construction de logements. La baisse des ressources des collectivités locales envisagée par le gouvernement Barnier a ainsi conduit Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Ile-de-France, à bloquer les financements au logement et à l'hébergement qui ne figurent pas parmi les compétences régionales. Or, ces contributions représentaient jusqu'à 15% du budget d'un projet. Un recensement réalisé par l’Union sociale pour l’habitat Ile-de-France (AORIF) a montré que 59 projets de résidences gérées sont compromis, soit l'équivalent de 6.300 logements.
Si le contexte semble moins tendu avec le gouvernement Bayrou, rien n'indique à court terme que la région va reprendre ses soutiens. L'Alliance apprécie le volontarisme de la ministre du Logement, Valérie Létard, notamment le travail engagé sur l'amélioration du statut du bailleur privé et sur la simplification de l’acte de construire. Le 27 mars, quelques heures avant la prise de parole de l'Alliance pour le logement, la ministre lançait dans les Hauts-de-Seine une expérimentation dans le cadre d'un plan de transformation des bureaux en logements. Si les membres de l'Alliance jugent l'initiative intéressante, ils en rappellent les limites (contraintes liées aux plans locaux d'urbanisme, considérations techniques, modèles économiques...). D'autre part, un plan territorial de relance du logement social doit être présenté en juin.
Outre les conséquences à moyen terme sur l'offre de logements neufs, cette crise de la construction accentue la concurrence entre les entreprises du bâtiment. Le logement représente 30% de l'activité du secteur, et les sociétés en manque de contrats se tournent vers d'autres segments, indique Stéphane Sajoux, représentant de l'Union des Fédérations du bâtiment d'Ile-de-France.