Droit de la concurrence - L'offre globale et indivisible pour une délégation de service public est-elle anticoncurrentielle ?
Le Conseil de la concurrence, à l'occasion d'une décision récemment rendue, s'est prononcé sur une offre proposée par la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM), pour la passation d'une délégation de service public relative à la desserte maritime de la Corse. Deux sociétés concurrentes de la SNCM ont saisi le Conseil de la concurrence, en dénonçant une entente entre cette société et la collectivité territoriale de Corse, ainsi qu'un abus de position dominante de la SNCM.
Le Conseil de la concurrence, incompétent pour apprécier la légalité d'un règlement d'appel d'offres
Les sociétés requérantes dénoncent une entente entre la SNCM et la collectivité territoriale de Corse, qui résulterait de la rédaction d'un règlement d'appel d'offres "sur mesure" auquel seule la SNCM pouvait répondre. Le Conseil de la concurrence se déclare incompétent pour juger de sa légalité.
En l'espèce, le règlement particulier de l'appel d'offres pour l'attribution de la délégation de service public relative aux liaisons maritimes entre Marseille et la Corse ainsi que sa dévolution à des candidats constituent, selon le Conseil de la concurrence, "des actes par lesquels la collectivité territoriale de Corse fait usage, pour l'organisation du service public de continuité territoriale entre la Corse et le continent, de prérogatives de puissance publique".
La qualification de ces comportements par l'élaboration d'un tel règlement échappe donc bien à la compétence du Conseil de la concurrence, conformément à la jurisprudence du Tribunal des conflits (TC, 18 octobre 1999, Aéroports de Paris).
L'offre de la SNCM est-elle constitutive d'un abus de position dominante?
S'agissant des pratiques d'abus de position dominante du fait d'une offre "globale et indivisible" susceptible, selon les requérants, de produire des effets anticoncurrentiels en évinçant abusivement les offres "partielles" des autres candidats concurrents, le Conseil de la concurrence se reconnaît compétent. Il considère que le dépôt d'une offre globale autorisé, voire encouragé par la collectivité organisant l'appel d'offres, n'est pas par nature abusif "dès lors qu'il émane d'une entreprise en position dominante".
Cependant, l'offre de la SNCM est contestable car elle est globale et indivisible. Cela a pour conséquence de rendre le recours au service de la SNCM incontournable pour la collectivité, faute pour les autres concurrents de pouvoir formuler des offres pour l'ensemble des lignes.
Aussi, selon le Conseil de la concurrence, le refus de la SNCM de "s'engager de manière ferme" sur le montant des subventions a eu pour conséquence d'empêcher la collectivité territoriale de Corse de procéder à une comparaison entre les offres. La SNCM aurait ainsi créé volontairement un effet d'éviction en vue de se voir attribuer la délégation de service public. Le Conseil de la concurrence a, par conséquent, enjoint la SNCM dans un délai de 48 heures suivant la notification de la décision, de rendre son offre globale divisible, d'indiquer le montant ferme de la subvention sur lequel elle s'engage ligne par ligne dans son offre et de s'abstenir de signer tout projet de délégation de service public relative à la desserte maritime de Corse.
L'Apasp
Référence : Conseil de la concurrence, décision 06-MC-03 du 11 décembre 2006 relative à des demandes de mesures conservatoires dans le secteur des transports maritimes entre la Corse et le continent.