Environnement - Littoral : l'urbanisation gagne du terrain
En écho au récent rapport du gouvernement au Parlement sur la loi Littoral, l'Institut français de l'environnement (Ifen) vient de publier une étude confirmant le niveau d'artificialisation croissante des zones côtières. Alors qu'elles ne représentent que 4% de territoire, les communes littorales accueillent environ 6 millions de résidents permanents. La densité de la population, comme le niveau de construction de logements, y sont 2,5 fois supérieurs à la moyenne nationale. A cela s'ajoute la pression du tourisme : en tenant compte des résidences secondaires, des hôtels et des campings, la capacité d'accueil des communes maritimes est estimée à sept millions de lits.
Du fait de cette forte pression démographique, les zones urbanisées représentent 9,8% du territoire des communes littorales (contre 3,7% sur le territoire métropolitain). Les espaces verts urbains et de loisirs y sont aussi 4,5 fois plus importants et les zones industrielles et de loisirs et réseaux de communication 2,9 fois. A moins de 500 mètres de la mer, les territoires artificialisés occupent ainsi plus du quart de l'espace (27%) contre 34% pour les espaces naturels ouverts (pelouses naturelles, landes, maquis, garrigues, forêt...), les zones humides et les surfaces en eau.
Mais ces données globales masquent de fortes disparités entre façades maritimes, insiste l'Ifen, qui a distingué quatre types d'occupation du sol. Le plus fort taux d'artificialisation se trouve sur les côtes du Nord, des Alpes-Maritimes et des Pyrénées-Atlantiques (30%), suivies de celles du Pas-de-Calais, de Seine-Maritime et de Loire-Atlantique (20%). Sur d'autres littoraux, les terres agricoles prédominent : c'est le cas dans la Somme, l'Hérault ainsi que sur les côtes allant du Calvados à la Charente-Maritime. Les milieux naturels ouverts et les forêts sont fortement présents sur les littoraux de la Corse, des Landes, de la Gironde et même du Var, pourtant assez urbanisé. Les façades littorales des Bouches-du-Rhône, de l'Aude et du Gard sont pour leur part marquées par la présence importante de zones humides, surfaces en eau et milieux ouverts.
Au cours de la décennie 1990-2000, trois fois plus de terres ont été artificialisées dans les communes littorales que la moyenne métropolitaine, note l'Ifen qui constate que l'artificialisation a été plus forte sur le "rétro-littoral" (entre 500 et 2.000 mètres de la côte), où la construction de logements a fortement augmenté. Raisons invoquées : l'application de la loi Littoral, plus contraignante en bord de mer, mais aussi la mise en œuvre des différents dispositifs de protection de la nature et la raréfaction des terrains constructibles. Les façades littorales de Bretagne et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont concentré à elles seules plus de 40% des surfaces artificialisées entre 1990 et 2000. Le mitage, autrement dit le morcellement de l'espace par de nouvelles constructions (maisons individuelles en tête), fait craindre une disparition progressive des terres agricoles du littoral et un appauvrissement des milieux naturels, met en garde l'Ifen. "Le risque est d'avoir à long terme un territoire bipolaire entre territoires artificialisés et espaces protégés, lieux de détente de millions de résidents et de touristes", conclut l'étude.
Anne Lenormand