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Elections - Listes électorales : grand nettoyage de printemps

Les mairies ont mis un point final à la révision des listes électorales destinée à en expurger les personnes radiées. Cette année, l'exercice était assorti d'une refonte complète, qui avait pour but de clarifier la présentation des listes. Comment les communes se sont-elles organisées pour mener à bien ce grand nettoyage parfois accompagné d'un nouveau découpage des bureaux de vote ? Enquête.

Depuis début mars, les mairies font parvenir par la poste de nouvelles cartes d'électeurs aux 44 millions de Français inscrits sur les listes électorales. Une opération qui prendra fin le 19 avril, soit trois jours avant le premier tour de l'élection présidentielle. D'ici le début du mois d'avril, certains maires vont aussi remettre en personne les cartes électorales aux jeunes qui viennent d'avoir dix-huit ans. Ces cérémonies sont l'occasion de marquer l'entrée dans la citoyenneté des plus jeunes électeurs et de leur rappeler les grands principes républicains. Certains maires, comme en Avignon, leur remettent également un livret "citoyen".
Le 22 avril prochain, comme lors de tous les scrutins, une personne qui se présentera à son bureau de vote sans sa carte pourra quand même voter si elle est porteuse d'une pièce d'identité valide et, surtout, si elle est inscrite sur la liste électorale. La carte d'électeur ne crée pas de droit. Elle a essentiellement un caractère informatif. On y trouve l'adresse du bureau de vote dont dépend le titulaire de la carte et le numéro d'ordre qui lui a été attribué sur la liste électorale. Des informations qui s'avèrent utiles le jour de l'élection, aussi bien à l'électeur qu'aux responsables du bureau de vote.
Les nouvelles cartes sont le résultat d'un partenariat entre les préfectures et les communes. Les préfectures fournissent des planches-types que les secondes découpent, impriment et envoient à leurs destinataires. Malgré l'ampleur de l'opération, les frais à la charge des communes demeurent modestes, en particulier grâce aux tarifs préférentiels dont elles bénéficient pour l'occasion auprès de la Poste (cinq centimes par carte). A Millau par exemple, ville qui compte quelque 17.000 électeurs, les frais s'élèvent à 1.800 euros - la moitié pour la découpe des planches de cartes réalisée par un prestataire et la moitié pour l'affranchissement postal.
L'envoi des cartes fait suite à la clôture des listes, intervenue le 29 février dernier. Jusqu'à cette date, les mairies et les commissions administratives compétentes en matière électorale ont procédé à la révision des listes. Mais aussi, cette année, à leur refonte, une opération qui avait eu lieu précédemment en 2007 : il s'agit d'un toilettage rendu nécessaire par les radiations et les inscriptions enregistrées au cours des dernières années. En donnant à chaque nom de la liste le numéro et la place qui lui reviennent, la liste électorale gagne en clarté. C'est sur la base de cette liste mise à jour que les nouvelles cartes sont envoyées actuellement aux électeurs.

Inscription sur les listes électorales : une obligation !

La révision des listes, elles, est un exercice qui se répète chaque année. Pour cette mise à jour, les mairies ont pris en compte les nouvelles inscriptions, les déménagements à l'intérieur de la commune, ainsi que les radiations qui concernent, outre les personnes décédées, celles qui ont déménagé dans une autre commune et celles qui ont perdu leurs droits civiques suite à une décision de justice. En charge de la tenue d'un fichier unique de tous les électeurs, l'Insee est informé par les communes à chaque fois que celles-ci enregistrent une nouvelle inscription électorale. Quand cette inscription fait suite à un déménagement, l'institut avertit l'ancienne commune de la nécessité de radier l'électeur. Mais il arrive fréquemment qu'après leur déménagement, les personnes n'effectuent pas tout de suite, voire pas du tout, les démarches nécessaires à leur inscription électorale. Pourtant, il est théoriquement obligatoire en France de s'inscrire sur les listes électorales lorsqu'on jouit du droit de vote. Mais la loi ne prévoit aucune sanction si l'obligation n'est pas respectée et l'inscription sur les listes relève de l'initiative des citoyens (sauf pour les jeunes de dix-huit ans qui sont inscrits automatiquement).
Chargées de la tenue des listes électorales, les mairies n'ont pas la tâche facile. En l'absence d'un fichier de la population, comme il en existe un en Belgique, elles ont été contraintes de recourir à des solutions plus ou moins sophistiquées pour remplir leur tâche. Un certain nombre d'entre elles utilisent les fichiers commercialisés par la Poste.
Fabienne Thomas, responsable du service des élections de la mairie d'Avignon, se dit satisfaite par ces fichiers dont le prix demeure "raisonnable". Elle souligne surtout les gros progrès accomplis par la Poste, estimant que les premières versions des fichiers n'étaient pas fiables. Dans d'autres communes, on affirme aussi avoir été déçu il y a quelques années par les fichiers de la Poste et, pour cette raison, ne plus y recourir. Les mairies qui se passent de ces fichiers utilisent l'annuaire téléphonique, obtiennent la diffusion de leurs communiqués dans la presse ou exploitent les fichiers d'état civil.

Radiations : un exercice qui appelle la prudence

Avant de radier des listes les personnes qui ne remplissent a priori plus les qualités pour y figurer, les mairies leur envoient un courrier en recommandé. Un retour à l'expéditeur conduit les mairies, en général, à placer les personnes dans la liste des personnes à radier. La liste est ensuite présentée à la commission administrative compétente. On le voit, les mairies s'entourent de précautions. Il faut dire que certaines situations ne sont pas simples. Parce qu'il est redevable depuis plus de cinq ans de la taxe foncière dans une commune alors qu'il réside dans une autre, un propriétaire peut exercer le droit de vote dans cette commune. Son conjoint aussi, en cas de mariage. Mais pas lorsque les personnes sont liées par un Pacs. Et dans les deux cas, leurs enfants n'auront pas le droit de voter dans la commune (sur les conditions pour être inscrit sur une liste électorale, voir ci-contre la circulaire du 20 décembre 2007).
Les communes ne sont pas à l'abri d'erreurs, qui peuvent les mener devant le tribunal d'instance. Conséquence : les élus préfèrent dans certains cas ne pas procéder aux radiations. D'autant que l'exercice peut avoir des répercussions de nature politique. "Surtout avant les élections municipales, une décision de radiation peut conduire à un vote sanction dans les petites communes. Elle peut aussi être exploitée par l'opposition ou encore conduire à une annulation de l'élection, comme ça s'est déjà vu dans l'Aveyron", explique Neals Zboralski, agent chargé des élections à la mairie de Millau.
Des cas de radiations peuvent aussi prendre une tournure politique dans de grandes villes. On se souvient ainsi qu'en décembre 2011, l'ex-secrétaire d'Etat Rama Yade avait été radiée des listes électorales de la commune de Colombes au motif qu'elle n'habitait plus dans cette ville où elle est élue municipale d'opposition.

Géographie des bureaux de vote

Conduites sous la houlette d'une commission administrative où siègent le maire ou son représentant, un représentant désigné par le préfet et un délégué choisi par le président du tribunal de grande instance, les opérations de révision sont aussi, parfois, suspectées d'être partiales. Les exemples abondent. En 2009, un conseiller général d'Orléans avait évoqué le "nettoyage électoral" qu'avait selon lui connu le quartier de la Source avec trois cents radiations, soit un tiers des électeurs inscrits dans le bureau de vote n°52. Au nord de Paris, à Saint-Denis, Didier Labaune, conseiller municipal d'opposition (UMP-Parti radical) affirme que dans sa ville environ deux mille personnes n'ont pas les qualités requises pour rester sur les listes électorales et déplore qu'elles ne soient pas radiées.
Les opérations de révision électorale s'accompagnent parfois de modifications concernant les bureaux de vote. L'objectif étant d'adapter la carte des bureaux aux évolutions démographiques des quartiers. Les villes qui connaissent une croissance démographique soutenue créent de nouveaux bureaux de vote. Saint-Denis, par exemple, a créé onze bureaux de vote en deux ans afin de ne pas dépasser un plafond de neuf cents électeurs par bureau. L'opération, qui a concerné 85% des électeurs de la commune, a fait l'objet de toutes les attentions. Avec pour principal objectif "que tous les habitants puissent aller voter le plus près possible de chez eux, dans les meilleures conditions, particulièrement les personnes âgées", souligne Patrick Vassalo, adjoint au maire de la ville.
"Les électeurs sont habitués à un bureau de vote et ne doivent pas voir leurs habitudes bousculées", corrobore Brigitte Cardon, chef du service élections et population à la ville de Tourcoing. Complexe, le travail de redécoupage électoral peut être facilité par le recours aux outils numériques d'information géographique. Mais cela exige au préalable de saisir toutes les rues et leurs numéros, ce qui s'avère très long, indique la mairie d'Avignon.
Refonte, révisions, redécoupages... Les enjeux de ce travail de fond sont évidemment majeurs pour le bon déroulement des prochaines élections.

Thomas Beurey / Projets publics

Inscriptions électorales : 4,5 millions en 2011

Selon l'Insee, 44,3 millions de personnes sont inscrites à ce jour sur les listes électorales en France, contre 42,9 millions il y a cinq ans. Cette progression du nombre des inscrits "est un peu supérieure à celle de la population de dix-huit ans et plus de nationalité française vivant en France, que l'on estime à 1,2 million sur la même période". En 2011, 4.528.000 personnes se sont inscrites sur les listes électorales. Sur ce nombre, 1.128.000 personnes n'avaient jamais été inscrites sur les listes. Parmi elles, 714.000 ont été inscrites automatiquement, parce qu'elles ont atteint l'âge de dix-huit ans.
Avant les élections de 2007, 4,8 millions de personnes s'étaient inscrites sur les listes électorales. Il ne faut pas conclure pour autant à un ralentissement des inscriptions. "Les contextes de 2007 et de 2012 sont différents", souligne l'Insee dans une note qu'il vient de publier. "Les nombreuses personnes qui, à l'automne 2006, se sont inscrites pour la première fois sur les listes électorales n'ont pas eu à renouveler cette inscription cette année", explique l'institut. De plus, l'absence d'élection en 2005 et 2006 avait favorisé une concentration des inscriptions en 2006. Au contraire, les inscriptions ont été étalées entre 2010 et 2012 du fait des élections régionales et cantonales en 2010 et 2011.

T. B.