L'isolement aggrave les difficultés des bénéficiaires de minima sociaux
Une étude de la Drees sur "L’isolement social" des bénéficiaires de minima sociaux (RSA, ASS, AAH, minimum vieillesse) et de la prime d’activité confirme que ces bénéficiaires sont nettement plus touchés par l'isolement que le reste de la population. Au-delà de l'absence de travail, ils sont plus nombreux à vivre seuls et à avoir des relations familiales ou amicales réduites. Les plus isolés sont les bénéficiaires de l'AAH et, assez logiquement, du minimum vieillesse.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie, dans le dernier numéro des Cahiers de la Drees, une étude sur "L'isolement social des bénéficiaires de minima sociaux et de la prime d'activité". Celle-ci s'appuie sur les résultats de l'enquête auprès des bénéficiaires de minima sociaux (BMS), menée en 2018. Portant sur la situation et l'environnement de ces derniers et centrée sur les principaux minima sociaux – RSA, l'allocation de solidarité spécifique (ASS), AAH, "minimum vieillesse" et prime d'activité –, elle met en évidence un isolement sensiblement supérieur à la moyenne de la population. En la matière, il existe en outre des écarts significatifs entre minima sociaux.
Près d'un bénéficiaire sur deux vit dans un ménage composé d'une seule personne
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet isolement : l'absence de travail (l'un des principaux lieux de socialisation et d'intégration sociale), le manque de ressources, la présence fréquente de facteurs "aggravants" (âge, handicap, mauvais état de santé, nationalité...). De façon plus large, l'étude estime que "recevoir une prestation sociale peut déjà être le signe d'une socialisation faible, qui n'a pas permis d'activer certaines solidarités qui auraient pu permettre de s'en sortir'".
De façon tautologique, le principal symptôme de l'isolement est... le fait d'être seul. Ainsi, 45% des bénéficiaires de minima sociaux – ou plus précisément de revenus minima garantis, puisque la prime d'activité ne fait pas partie des minima sociaux – vivent dans un ménage composé d'une personne seule (contre 41% en 2012), proportion qui atteint 67% chez les allocataires du minimum vieillesse. Cette forme d'isolement ne concerne en revanche que 20% de la population générale et 30% des allocataires de la prime d'activité.
Des interactions plus restreintes avec l'entourage
La fréquence des relations familiales et amicales est, elle aussi, nettement inférieure à la moyenne : 7% des bénéficiaires de revenus garantis déclarent ne pas avoir d'amis (17% pour les allocataires du minimum vieillesse), contre 3% en population générale. De même, 8% des bénéficiaires de revenus minima garantis n'ont jamais rencontré leur famille au cours des douze derniers mois (11% pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, 10% pour ceux de l'AAH et ceux du RSA), contre 2% de la population générale.
Néanmoins, 86% des bénéficiaires de revenus minima garantis peuvent compter sur un membre de leur famille ou un proche pour obtenir un soutien moral. La proportion est cependant plus faible pour les allocataires du minimum vieillesse (55%) et de l'AAH (60%).
Il existe en effet des écarts significatifs entre prestations. Ainsi, les bénéficiaires de l'AAH et du minimum vieillesse ont globalement plus de risques que les autres – et notamment que les bénéficiaires du RSA – d'être isolés en termes de qualité des relations de leur famille et de leurs amis. À l'inverse, les bénéficiaires de la prime d'activité ont une probabilité plus faible de se trouver dans cette situation. Le fait d'être un homme accroit également les risques d'isolement; Parmi les autres facteurs discriminants, l'étude pointe aussi le fait d'être au chômage, d'être un homme ou une femme au foyer ou d'être un inactif (autre que chômeur ou au foyer). À l'inverse, être âgé de moins de 35 ans diminue le risque d'isolement.
Une moindre participation à la vie associative et aux élections
Au-delà de ces données sociodémographiques objectives, l'enquête BMS a également interrogé les intéressés sur leurs perceptions. Plus de quatre bénéficiaires de revenus minima garantis sur dix déclarent se sentir seuls (14% souvent seuls et 27% parfois seuls). Là aussi, le ressenti varie selon les prestations. Les taux de personnes se sentant parfois ou souvent seuls sont en effet de 53% chez les allocataires de l'AAH, 49% pour le minimum vieillesse, 45% pour le RSA, 44% pour l'ASS et 34% pour les bénéficiaires de la prime d'activité.
La conséquence de ces situations se lit dans une moindre participation à la vie associative et la vie électorale. Par exemple, seuls 30% des bénéficiaires de revenus minima garantis participent à des activités collectives, avec un écart important entre les bénéficiaires du minimum vieillesse (16% de participation) et ceux de la prime d'activité (35%). Enfin, seuls sept bénéficiaires français de revenus minima garantis sur dix sont inscrits sur les listes électorales, contre 88% pour l'ensemble de la population. Et seuls 61% de ces bénéficiaires déclarent avoir voté au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, contre 72% de l'ensemble de la population en âge de voter. Ce sont les bénéficiaires du RSA qui ont le moins voté (50%), suivis des allocataires de l'AAH (54%).