Rythmes scolaires - L'intérêt de l'enfant au centre d'un débat qui s'enlise
En pleine tourmente sur la réforme des rythmes scolaires en primaire et maternelle, Vincent Peillon a annoncé ce dimanche 3 février lors du 10e congrès des élus lycéens, organisé par l'Union nationale lycéenne (UNL), qu'il souhaitait également réformer les rythmes scolaires au collège et au lycée.
"Nous ne sommes qu'au début", a affirmé le ministre de l'Education nationale s'exprimant sur la refondation de l'école. "La réforme des rythmes commence, comme le reste, par le primaire, mais elle va se poursuivre", s'est-il ainsi engagé, préconisant au collège et au lycée "des emplois du temps équilibrés et une véritable pause méridienne afin de respecter les rythmes d'apprentissage". Sans donner de calendrier sur la réforme des rythmes scolaires au collège et au lycée, le ministre a réaffirmé que "malgré les inquiétudes des collectivités locales et de certains enseignants", ces réformes étaient "dans l'intérêt des enfants".
Une réforme préférable à la situation actuelle ?
C'est également au nom de l'intérêt des enfants que les manifestations et les voix contre la réforme des rythmes scolaires s'élèvent depuis des semaines. Si, comme le souligne Vincent Peillon, "tous les professionnels qui s'intéressent au sujet" pensent que la réforme est préférable à la situation actuelle, de nombreux syndicats d'enseignants et de parents s'accordent pour dénoncer celle que souhaite mettre en place le ministre. Le retour à une demi-journée supplémentaire (le mercredi matin, ou sur dérogation le samedi matin), le rallongement de la pause méridienne (minimum 1h30 voire 2h et plus...), une journée de classe raccourcie de 45 minutes et malgré tout une journée terminant à 16h30 ne font pas l'unanimité. Si comme l'a souligné Vincent Peillon "les rythmes scolaires en France sont uniques au monde" et sont "les plus mauvais", il serait bon de se demander si d'autres pays appliquent une pause méridienne supérieure à deux heures...
L'organisation du périscolaire orchestré par la commune autour d'un projet pédagogique éducatif non plus. "Tout dépend des moyens des communes !", ont scandé certaines associations de maires, des syndicats de professeurs et de parents d'élèves. Or rien ne dit que le fonds spécifique de 250 millions d'euros destiné aux communes (octroyé sous condition) pour les aider à mettre en oeuvre la réforme dès la rentrée 2013 sera pérennisé alors que les dépenses induites seront reconduites d'année en année.
Une solution partielle de long terme réside dans l'assouplissement des règles d'encadrement en préparation au ministère de Valérie Fourneyron. "Au lieu de chercher comment recruter des personnels dans de bonnes conditions, les maires ont réclamé et obtenu un assouplissement des règles d'encadrement", s'insurge la Fédération Force ouvrière des personnels des services publics et de santé, "cet assouplissement se fera au détriment des enfants et des conditions de travail des agents".
Le projet de refondation de l'école n'évoque qu'à demi-mot le rôle que pourrait jouer, notamment en zones rurales, les groupements intercommunaux. "Même lorsque la communauté n'est pas directement compétente en matière scolaire, une réflexion à l'échelle intercommunale s'impose", souligne l'ADCF, "afin, d'une part, d'organiser au mieux les systèmes de transports scolaires et, d'autre part, de penser à une échelle globale les questions d'utilisation des locaux et équipements collectifs, de recrutement de personnels qualifiés ainsi que les possibilités d'octroi de dérogation aux communes qui souhaiteraient organiser une demi-journée d'enseignement le samedi à la place du mercredi matin".
Du rééquilibrage "dans l'air"
Du côté enseignant, les indemnités des heures d'étude après l'école aujourd'hui payées par la commune aux instituteurs seraient versées, au titre des activités périscolaires, aux animateurs et encadrants. Perte du pouvoir d'achat pour certains, réorganisation de la vie familiale pour assurer les classes du mercredi matin pour d'autres, nombre d'instit ne sont pas partants. Et si Vincent Peillon a lancé qu'il était "dans l'air" de rééquilibrer les salaires des professeurs des écoles par rapport à ceux du secondaire, l'information selon laquelle il pourrait leur verser une indemnité de 400 euros annuels n'a pas été confirmée. "Il y a des discussions normales qui sont menées et d'ailleurs le 4 février je recevrai l'ensemble des syndicats, a simplement rappelé le ministre. Nous sommes dans la discussion."
"Une nouvelle fois, ce gouvernement semble improviser une réponse face à la contestation", a réagi la secrétaire générale de l'UMP, Michèle Tabarot, dénonçant "une mesure d'affichage qui ne vise qu'à tenter d'acheter la paix sociale". Elle demande au gouvernement de "revoir ses priorités pour lancer enfin une grande réforme du statut des enseignants, avec de nouvelles missions d'accompagnement des élèves en contrepartie d'une véritable revalorisation, au lieu de vouloir créer de nouveaux postes".
De son côté le SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, a appelé à une grève nationale le mardi 12 février, réclamant un report de la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2014 "pour une vraie réforme réussie" critiquant le "bricolage qui se dessine aujourd'hui" sur le terrain. Favorable à la semaine des 4 jours et demi, il conteste le reste du texte. "On est en train de passer de la grande déception à parfois même l'irritation, et donc on demande un report à 2014", a-t-il expliqué. Le syndicat réclame que le décret soit "revu" et "les conseils d'école consultés".
L'Andev y croit
Dans ce contexte de contestation, l'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes (Andev) conserve son optimisme en demandant par l'intermédiaire d'un communiqué de presse (lire ci-contre) aux "communes, familles, enseignants, animateurs et tous les acteurs éducatifs" de "surpasser les points de vue catégoriels, légitimes, pour réussir à remettre l'école au bon rythme hebdomadaire et donner, en ce sens, le primat à la réussite éducative".
Les conditions sont selon elle à portée de main : considérer le temps périscolaire comme "un acte de coéducation porté par l'ensemble des acteurs au bénéfice de l'enfant et de sa famille" ; former tous ces acteurs à la connaissance de l'autre pour "créer les conditions favorables à une coopération exigeante, efficiente, fondée sur le respect des rôles et des compétences de chacun" ; utiliser la construction d'un projet éducatif territorial (PEDT) pour "dépasser la simple réflexion sur le réaménagement des rythmes scolaires, pour réfléchir à un vrai projet qui contribuera à réduire les inégalités, harmoniser les rythmes de vie des enfants à l'école, dans leur famille, dans leur ville".
Vincent Peillon devait rencontrer ce 4 février en fin de journée les organisations syndicales (FSU, UNSA, FO, SGEN-CFDT, CGT, Sud et Snalc) afin de "continuer le dialogue amorcé depuis mai 2012 et permettre de faire un point d'étape après l'adoption par le Conseil des ministres du projet de loi d'orientation et de programmation sur la refondation de l'École" (lire ci-contre le communiqué de presse). La réunion devait être l'occasion d'échanger sur le contenu de l'agenda de la refondation en proposant pour les mois à venir un dialogue autour de trois chantiers majeurs : l'éducation prioritaire, la rénovation du collège et le décrochage scolaire.