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Territoires - L'idée d'une loi de programmation sur l'égalité des territoires refait surface

Une semaine après le Cese, des sénateurs ont réclamé, lundi 18 novembre, une loi de programmation sur l'égalité des territoires, alors que la politique du gouvernement dans ce domaine reposera sur le deuxième volet de la réforme de la décentralisation.

Plusieurs sénateurs ont dénoncé, lundi, le manque d'ambition du gouvernement en matière d'aménagement du territoire, au cours d'un débat organisé à l'initiative du groupe centriste.
Une semaine après le Conseil économique, social et environnemental (Cese), le sénateur socialiste de la Lozère Alain Bertrand a, à son tour, appelé à une loi de programmation sur l'égalité des territoires. "Nous sentons que la fracture se creuse […]. Il est vrai que, sur le terrain, le service public, le service au public se réduit", a-t-il lancé à Cécile Duflot, la ministre en charge de ce dossier. "Dans cette loi que nous appelons de nos vœux, il nous faudra distinguer ruralité et hyper-ruralité", a-t-il souligné, afin de concentrer les crédits sur les territoires les plus fragiles. Le sénateur a cité la téléphonie comme un exemple "surréaliste". "Alors que l'on entend parler de la 4G, de la 5G, voire de la 38G, nous, nous aurons bientôt le téléphone fixe !", a-t-il ironisé, devant le manque d'entretien des câbles et poteaux, reprenant un thème développé avant lui par le sénateur centriste Hervé Maurey.

"Peut-on imaginer réforme plus inégalitaire ?"

Lors de ses vœux à la presse en début d'année, Cécile Duflot avait annoncé une loi sur l'égalité des territoires pour la fin 2013. Finalement le gouvernement avait préféré consacrer un volet de son second texte sur la décentralisation au sujet. Mais dix-mois après l'entrée en fonction de la ministre, l'impatience monte. "Madame la ministre, j'aurais vraiment aimé, dans l'intérêt du pays, pouvoir observer une évolution positive en matière d'égalité des territoires. Mais, très honnêtement, ce n'est pas possible", a fustigé Hervé Maurey, en ouvrant ce débat. Selon lui "aucun progrès" n'a été accompli, que ce soit en matière de couverture en téléphonie mobile, de haut et très haut débits, de démographie médicale. "Où sont les dispositions de la proposition de loi de Jean-Marc Ayrault sur le bouclier rural ?", en 2011, a-t-il demandé, avant de s'en prendre au rapport Duron sur les infrastructures. Suite au rapport du député-maire socialiste de Caen, présenté fin juin, "le gouvernement a enterré ou reporté aux calendes grecques […] nombre de liaisons autoroutières, ferroviaires ou fluviales, invoquant le fait qu'elles ne seraient pas rentables, notion […] quelque peu antinomique avec celle d'égalité des territoires". Enfin, le sénateur a lancé une dernière flèche sur la réforme des rythmes scolaires. "Peut-on imaginer réforme plus inégalitaire ?", a-t-il dénoncé. "Comment organiser des activités périscolaires dans un village où il n'y a pas d'autres salles que la salle de classe ?"
La création d'un Commissariat général à l'égalité des territoires venant remplacer la Datar est accueillie avec circonspection. Comme l'a récemment rappelé Cécile Duflot, ce commissariat, attendu pour le début de l'année 2014, "aura pour mission d'œuvrer à la réduction des inégalités territoriales et des inégalités infrarégionales qui se sont accrues ces dernières années". Il devra notamment mettre en œuvre la nouvelle génération des contrats de plan, qui comporteront un volet territorial. "En réalité, il n'aura guère plus de pouvoir ni de moyens que l'actuelle Datar", a évacué Hervé Maurey.
Le sénateur a encore dénoncé la baisse du budget de la mission Politique des territoires pour 2014 : "moins 14% depuis 2012 en autorisations d'engagement et moins 12% en crédits de paiements", "alors que dans le même temps les dépenses de l'Etat diminuent de seulement de 1,7% en volume". Les crédits de la mission Plitique des territoires, qui englobe les programmes 112 "Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire" et 162 "Interventions territoriales de l'Etat", seront de 283 millions d'euros en autorisations d'engagement et 295,3 millions en crédits de paiement. La sénatrice UMP des Alpes-Maritimes Hélène Masson-Maret a observé qu'il s'agissait de la deuxième baisse consécutive et que de nombreux vœux pieux comme "le développement solidaire des territoires" ont été ajoutés à la mission, sans que soient proposés de nouveaux outils pour y répondre.

Maisons de service au public

Les craintes formulées par les sénateurs rejoignent celles du Cese qui, dans son avis adopté le 13 novembre, préconise la tenue, avant la fin de l'année 2013, d'un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt), "comme le laissait espérer Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires". Ce Ciadt permettrait de "préparer une loi-cadre et de programmation sur l'égalité des territoires". Texte qui "sanctuariserait la politique d'aménagement du territoire, tout en promouvant une meilleure transversalité de l'Etat". Mais la politique du gouvernement reposera avant tout sur la création, avec les conseils généraux, des futurs schémas départementaux d'accessibilité des services au public, comme l'a rappelé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, lors du 96e Congrès des maires de France, mardi 19 novembre, reconnaissant le "sentiment d'abandon" des maires ruraux dans un contexte de "discrimination territoriale". Ces schémas sont prévus dans le deuxième volet de la loi de décentralisation qui sera examinée au Sénat début 2014. Afin d'anticiper cette loi et de tester le principe de ces schémas, Cécile Duflot a annoncé début novembre la création de nouvelles maisons de services aux public (voir ci-contre notre article du 5 novembre 2013) qui devraient passer de 320 aujourd'hui à 1.000 en 2017. Le dispositif sera financé par l'Etat, les neuf opérateurs de service public concernés et les collectivités. Douze millions d'euros leur seront consacrés dans le budget 2014. Un "fonds national de développement des maisons de services au publics" sera créé en 2014. Comme l'a rappelé le Premier ministre, ce fonds sera doté à terme de 35 millions d'euros par an, pour financer 50% des coûts de fonctionnement de ces maisons. "Le seul projet concret du gouvernement qui nous a été présenté dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2014, c'est la généralisation, à l'horizon 2017, du dispositif '+ de services publics', expérimenté par notre collègue Michel Mercier lorsqu'il était ministre", a relativisé Hervé Maurey.
En ouverture du Congrès des maires, le 19 novembre, le président du Sénat s'est lui aussi fait le porte-voix des territoires ruraux. "Prétendre faire reposer sur les métropoles seules le développement de notre Nation serait une impasse dangereuse porteuse d'exclusion et de déclassement", a-t-il déclaré. "Après plusieurs années de crise, la fracture territoriale est plus que jamais une réalité. Une attention toute particulière doit être portée aux territoires ruraux et péri-urbains", a exigé le président du Sénat. Selon lui, "il faut abandonner la pure logique de compétitivité entre territoires qui prévalait ces dernières années".

 

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