Prévention de la délinquance - L'Etat tente un nouveau rapprochement avec les villes
Un an après le tollé suscité par ses propos appelant à sanctionner les maires négligents en matière de sécurité, le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi, récidive. "Comme on le fait pour la loi SRU sur le logement social, je pense qu'il faut évaluer le bilan des mairies et, en fonction de cela, donner des bonus et des malus", a-t-il déclaré, mercredi 27 juillet, sur Europe 1. Par "bilan", l'ancien ministre entend appropriation des outils de la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007. Une épine dans le pied du gouvernement car cette loi emblématique a eu toutes les peines à s'imposer auprès des maires dont elle fait pourtant le pivot de la prévention sur le territoire de leur commune. Une situation mise en lumière par de nombreux rapports, dont ceux du Conseil national des villes, et qui a conduit le gouvernement à prendre plusieurs mesures. Il y a tout d'abord eu l'artillerie lourde avec le plan de prévention lancé par François Fillon, le 20 octobre 2009. Puis la carotte, avec la circulaire du 6 avril 2011 donnant la priorité des crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) aux maires qui utilisent la "boîte à outils" mise à leur disposition. Et, enfin, la pédagogie, avec la publication par le Conseil interministériel de prévention de la délinquance (SG-CIPD) d'un guide d'aide à la création d'un conseil de droits et devoirs des familles (CDDF), mesure phare de la loi de 2007 rendue obligatoire dans toutes les communes de plus de 50.000 habitants par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) du 14 mars 2011.
Toujours des difficultés d'application
Après tous ces efforts, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a pu se féliciter, fin juin, des timides avancées de la loi : 230 CDDF créés ou en cours de création, essor des cellules de tranquillité et de citoyenneté, sortes de CDDF adapté aux petites villes, et du rappel à l'ordre utilisé dans 543 mairies…
Des résultats "encourageants" mais jugés "encore insuffisants" par le locataire de la place Beauvau qui vient de prendre une nouvelle circulaire cosignée par le garde des Sceaux Michel Mercier fixant de nouvelles orientations pour la prévention de la délinquance. Que les maires se rassurent, il n'est pas question de "malus", comme le propose le maire de Nice, mais au contraire de rapprochement : l'engagement de tous les services de l'Etat "est essentiel pour qu'une véritable coopération entre les villes et l'Etat s'installe", soulignent les deux ministres. Une façon de reconnaître que le partenariat local a du plomb dans l'aile. A mi-parcours du plan de 2009 et quatre ans après la loi de 2007 qui "rencontre toujours des difficultés d'application", "il est indispensable que les préfets et procureurs intensifient leurs actions dans ce domaine", insiste la circulaire. Ainsi les préfets sont-ils amenés à être les ambassadeurs de la loi de 2007 auprès des maires et à promouvoir auprès d'eux "la boîte à outils qu'elle propose". Les membres du corps préfectoral, voire même les délégués des préfets dans les quartiers, devront se mobiliser pour assurer la présence de l'Etat dans toutes les instances partenariales : les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), leurs groupes de travail et les cellules de veille.
Partage d'informations
Le partenariat ville-Justice aussi doit être renforcé, à travers la signature de protocoles définissant les modalités du partage d'informations et l'application de mesures telles que les TIG, rappels à l'ordre, transactions pénales… Le texte indique que les procureurs pourront porter à la connaissance des maires toute information nécessaire sur la réalité de l'évolution de la délinquance sur leur commune, ainsi que toutes les décisions de justice utiles à leurs actions de prévention.
Les parquets devront aussi intensifier le dialogue avec les maires : "Des contacts avec les associations départementales de maires doivent être développés."
La circulaire encourage par ailleurs l'essor des polices municipales et rappelle qu'un décret en préparation améliorera les conventions de coordination avec les forces de l'ordre. Elle mise sur la coopération intercommunale et promeut la création de conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).
Au-delà de l'appui aux maires, c'est la question de la participation des présidents de conseils généraux qui est posée. Une participation rendue difficile par la parution le même jour (le 5 mars 2007) des lois sur la protection de l'enfance et sur la prévention de la délinquance. "Il revient au préfet d'obtenir du président du conseil général, qui en est le vice-président, une participation active au conseil départemental de prévention de la délinquance", est-il indiqué. Quant aux procureurs, ils veilleront au bon fonctionnement des "cellules de recueil des informations préoccupantes" créées par la loi sur la protection de l'enfance et dont l'objectif est d'améliorer le repérage des mineurs en danger.
Evaluation
En matière de financement, la circulaire rappelle qu'à partir de 2012, le budget du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sera inscrit intégralement dans la loi de finances. Les fonds gérés par l'Acsé seront ainsi mobilisables plus rapidement. Ils cibleront prioritairement des innovations et expérimentations sous forme de cofinancements. Les crédits du FIPD devront aussi être mieux différenciés de ceux la politique de la ville : "Un travail de clarification est en cours entre les secrétariats généraux du CIV (Comité interministériel des villes) et du CISPD, en liaison avec l'Acsé."
La circulaire entend imposer les "stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance", prévues par le plan de 2009, comme le nouveau document de référence en matière de prévention. A terme, elles seraient amenées à remplacer les contrats locaux de sécurité dont la dynamique a été "alourdie ces dernières années par une formalisation excessive".
Le document insiste enfin sur l'importance de l'évaluation : la Mission permanente d'évaluation des politiques de prévention de la délinquance, mise en place en 2010, publiera prochainement un "guide de l'évaluation", à destination de tous les acteurs de la prévention.