L'État abandonne un projet contesté de barrage sur le Rhône
L'État a mis un terme à un projet de barrage sur l'une des dernières zones sauvages du Rhône, a annoncé ce 30 août la Compagnie nationale du Rhône (CNR) qui portait ce projet d'aménagement très contesté.
"L'État a fait connaître le 29 août sa décision de ne pas poursuivre le projet de construction d'un nouvel aménagement hydroélectrique sur le Rhône, entre Saint-Romain-de-Jalionas (Isère) et Loyettes (Ain)", a annoncé le lendemain la Compagnie nationale du Rhône (CNR) dans un communiqué. La CNR ajoute prendre acte de cette décision qui ouvre, "conformément à son contrat de concession, une nouvelle phase de discussion avec l'État pour identifier des projets alternatifs en lien avec le fleuve".
Selon la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), "la raison principale" de cette décision "est que les études ont soulevé des risques techniques sur le projet EPR2 de Bugey, qui auraient pu conduire à une augmentation des coûts et un retard de calendrier pour ce projet, et des enjeux potentiels sur la sûreté de l'exploitation de la centrale nucléaire de production électrique existante". "Par ailleurs, le bilan des garants sur la concertation préalable met en exergue des objections au projet de barrage, notamment liées aux aspects environnementaux", est-il ajouté dans une déclaration écrite adressée à l'AFP.
Le "projet Rhônergia", dont l'idée remonte à 1935 et qui avait fait l'objet d'un premier projet abandonné en 1980, visait à construire un barrage d'ici 2033 à une quarantaine de kilomètres en amont de Lyon. Pour un budget estimé à 330 millions d'euros, la CNR envisageait un barrage-usine avec une chute de 6,8 mètres, une retenue de 22 kilomètres de long pour ralentir le débit du fleuve et une digue de 4 kilomètres. La CNR, qui supervise déjà 19 barrages hydroélectriques sur le Rhône, estimait que "Rhônergia" était le dernier projet de cette nature envisageable en France.
Cette infrastructure aurait produit 140 GW/h par an, de quoi couvrir les besoins électriques annuels de 60.000 habitants. Pour la CNR, ce projet aurait participé à "la lutte contre le changement climatique", au renforcement de l'indépendance énergétique de la France et à l'inflexion des coûts de l'électricité. Mais ses opposants, réunis dans un collectif qui s'est notamment fait entendre lors de la consultation publique sur le projet cet hiver, estimaient que le coût financier et environnemental du barrage était "trop important par rapport à l'énergie décarbonée" qu'il pourrait fournir.
Jérôme Grausi, maire sans étiquette de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), s'était érigé pour sa part contre "l'artificialisation" de son territoire, l'une des rares zones non aménagées du Rhône. Vendredi, il s'est dit "très content" de la décision de l'État. "C'est un soulagement pour la protection de la nature, de notre territoire et de notre identité", a-t-il déclaré à l'AFP, évoquant des vestiges gallo-romains présents sur le site.
"La mobilisation contre ce projet a été exceptionnelle" s'est félicité dans un communiqué Maxime Meyer, conseiller régional de l'Ain et coprésident du groupe des écologistes à la région Auvergne-Rhône-Alpes. "Celle-ci représente maintenant un espoir pour toutes les personnes en lutte contre les grands projets inutiles et imposés dans notre pays", a-t-il souligné.
"Maintenant on reste vigilant", a conclu Jérôme Grausi, en mentionnant les autres projets environnants, à commencer par deux nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 qui pourraient être construits d'ici 2037 sur la centrale voisine du Bugey, selon une annonce faite par Emmanuel Macron en juillet.