L’établissement pour l’insertion dans l'emploi : un modèle menacé selon la Cour des comptes
Créé en 2005, l’établissement public pour l’insertion dans l'emploi (Epide) cumule problèmes financiers et de gouvernance qui mettent en danger son modèle d’accompagnement des jeunes les plus en difficulté, souligne un rapport de la Cour des comptes daté du 26 mai.
Créé en 2005, l’Établissement public pour l'insertion dans l'emploi (Epide) s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme ni qualification ou "en voie de marginalisation sociale". Ce dispositif permet d’accueillir les "volontaires" dans un cadre inspiré de l’expérience du monde militaire. Nourris et logés dans des centres ayant dans le passé servi de casernes, ces jeunes suivent une formation aux savoirs de base en étant indemnisés à un maximum de 300 euros par mois. Un peu plus de 3.000 volontaires intègrent le dispositif chaque année, pour une durée allant de 8 mois minimum à 24 mois maximum.
Ces dernières années, l’Epide a développé ses capacités d’accueil tout en améliorant son offre pédagogique, constate la Cour des comptes dans son rapport publié le 26 mai dernier, réalisé à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Cependant, "le modèle de l’établissement, fondé sur l’internat, pourrait se trouver à terme mis en question si ses difficultés persistantes n’étaient pas résolues". Et ce, malgré un "apport indéniable" en termes d’accompagnement à l’insertion des jeunes.
L’Epide fait en effet face à un problème de gouvernance. Selon la Cour des comptes, "le retrait de fait du ministère des Armées de la tutelle courant 2014 entretient l’incertitude sur l’avenir de l’Epide". A cela s’ajoute un "déficit récurrent", lié à une masse salariale en hausse, mais aussi et surtout aux dépenses relatives à l’entretien et aux loyers des locaux qui entravent les capacités de développement et d’investissement de l’Epide. "Le montant des loyers à payer entre 2020 et 2037, dans le cadre du protocole conclu avec la société 2IDE [Immobilier insertion défense emploi, filiale commune avec la Caisse des Dépôts], est un facteur d’inquiétude pour l’équilibre financier à terme de l’établissement", selon la Cour des comptes, qui recommande d’engager "sans délai" une "renégociation".
Taux d'occupation à 71%
À ces problèmes de pilotage s’ajoute une "désaffection" des jeunes vis-à-vis de l’Epide. Le nombre de jeunes volontaires stagne à 3.167 en 2019, contre 3.526 en 2015. Les centres sont occupés à hauteur de 71%. Ce taux d’occupation, très inférieur à la cible de 90%, a de multiples causes qui questionnent l’offre de service de cet établissement. "Il n’y a pas d’hébergement le week-end, le niveau d’allocation financière est sans rapport avec les dépenses que doivent assumer certains volontaires quand ils ne sont pas en centre, l’implantation territoriale des centres favorise la moitié septentrionale de la France et enfin le dispositif a une faible attractivité auprès des jeunes femmes", analyse la Cour des comptes. Ce déficit d’attractivité renvoie aussi à "l’histoire de l’établissement, liée à la défense, [qui] peut conduire certains candidats à ne pas postuler" en raison d’une image "militaire". Malgré des "efforts de modernisation de son approche pédagogique" et des efforts en matière de communication pour gagner en visibilité, l’Epide peine à capter des publics. Un phénomène entretenu également par un déficit d’orientation.
La garantie jeunes plus attractive
Ainsi, "les recrutements en centre Epide prescrits par les missions locales ont baissé depuis 2016", regrette la Cour des comptes. Elle constate un effet "d’éviction" au profit de la garantie jeunes, qui offre une rémunération supérieure aux jeunes en plus d’être pilotée directement par les missions locales. En plaçant les jeunes sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, les écoles de la deuxième chance comme le service militaire volontaire – deux autres dispositifs d’insertion comparables - offrent également des allocations plus attractives.
Pour autant, "la pertinence de ce dispositif demeure, particulièrement dans le contexte économique et social lié à la crise sanitaire", souligne la Cour des comptes. Parmi ses recommandations en matière de gouvernance, elle appelle notamment à "dresser le bilan coûts-avantages […] d’une éventuelle sortie définitive […] du ministère des armées", mais aussi à élaborer et signer un contrat d’objectifs et de performance dont l’Epide est dépourvu depuis 2018. Du côté de la stratégie, elle invite à "améliorer la cohérence et la visibilité de l’offre de prestation de l’Epide" afin de faire ressortir sa spécificité au regard des autres dispositifs, mais aussi à augmenter le nombre de femmes parmi les volontaires "en investissant dans les aménagements nécessaires en matière de recrutement et d’hébergement".