Politique de la ville - Les zones urbaines sensibles marquées par une forte mobilité résidentielle
"Un éclairage inédit sur la mobilité résidentielle dans les ZUS". Tel est l'un des apports du rapport 2005 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), rendu public et remis à la ministre déléguée à la Cohésion sociale, Catherine Vautrin, ce 24 octobre.
Il y a un an, le rapport 2004 de l'Onzus, premier du genre, avait analysé les caractéristiques et les évolutions des ZUS et de leurs habitants. Il en ressortait notamment que d'indéniables inégalités sociales et économiques pèsent sur ces quartiers, lesquels restent toutefois très perméables à la conjoncture nationale, au contexte local et aux efforts menés en leur faveur. L'édition 2005 présente un bilan actualisé de ces données et élargit la liste des indicateurs suivis.
Parler des quartiers difficiles revient souvent à évoquer des populations pratiquement assignées à résidence, n'ayant pas la possibilité d'aller vivre ailleurs. Or le rapport de l'Onzus le confirme : "Une partie significative de la population est sortie des ZUS après avoir bénéficié des dispositifs spécifiques qui y sont déployés", tel que le résume Bernadette Malgorn, présidente du conseil d'orientation de l'Onzus. 61% des habitants de ces zones ont en effet déménagé entre 1990 et 1999. Cette mobilité résidentielle est même plus importante dans les ZUS que dans le reste des unités urbaines et est comparable à celle que connaissent les quartiers de centre-ville.
Mobilité sélective
Cette mobilité fait perdre de la population aux ZUS, les arrivées étant loin de compenser les départs. Mais elle transforme aussi la structure démographique et sociale de ces quartiers, dans la mesure où ce sont naturellement les habitants les plus "fragiles" (les moins diplômés, les plus au chômage, les immigrés, les femmes élevant seules leurs enfants...) qui sont les moins mobiles. Un phénomène que l'Observatoire résume en ces termes : "La mobilité résidentielle exerce un fort effet de sélection. Les plus fragiles ont plus de chances d'arriver en ZUS et de s'y maintenir. Les autres poursuivent leur trajectoire résidentielle vers d'autres quartiers, devenant souvent propriétaires."
Autres thématiques passées au crible par le rapport : emploi, développement économique, revenus, habitat, santé, éducation, sécurité, finances locales. Avec, sur tous ces fronts, le constat d'une "grande diversité des situations d'une ZUS à l'autre, et sans doute au sein d'une même ZUS".
En matière d'emploi, on retiendra que le taux de chômage est en moyenne en 2004 de 20,7% dans les ZUS, soit environ le double de la moyenne nationale et de la moyenne des agglomérations ayant une ZUS. Ce chiffre montre que "le mouvement de réduction des écarts de taux de chômage entre les ZUS et leurs agglomérations que laissait percevoir la comparaison des années 1999-2003" s'est interrompu en 2004.
Revenus, éducation, sécurité? les écarts se confirment
En 2003 (donc avant la mise en place du plan de cohésion sociale), dans un contexte de baisse globale des entrées dans les contrats aidés, la part des résidents des ZUS dans les embauches en contrat aidé est restée stable. Le CES restait le dispositif privilégié, tandis que les emplois-jeunes et les contrats aidés du secteur marchand étaient visiblement "peu ciblés sur la population des ZUS".
Le revenu fiscal moyen par ménage (donc hors prestations sociales non-imposables) est de 10.540 euros dans les ZUS, contre 17.184 euros en moyenne en France. La part des ménages non-imposés est de 57% en ZUS, contre 40% au niveau national.
Parmi les domaines témoignant des divers déficits dont pâtissent les ZUS figure celui de la démographie médicale : les ZUS comptent deux fois moins d'établissements médicaux que leurs communes ou leurs unités urbaines et 8% de ces quartiers ne disposent d'aucune structure de pratique médicale.
Au chapitre éducation, les grands écarts constatés l'an dernier demeurent : la proportion d'élèves en retard de deux ans ou plus en classe de sixième est supérieure de trois points en ZUS, de même que les élèves de ZUS de classe de troisième orientés vers l'enseignement général sont plus nombreux à redoubler leur seconde.
Enfin, en matière de sécurité, les ZUS sont clairement un terrain de "sur-délinquance", en tout cas pour les actes de vandalisme, certains actes de violences aux personnes ou certaines catégories de vols. La fréquence des vols simples dans les lieux ou locaux publics est par contre plus faible en ZUS que dans les territoires qui les environnent.
Un zonage à réviser régulièrement
Se basant sur une étude de la DIV, l'Onzus souligne que "les charges socio-urbaines des ZUS sont particulièrement importantes et les ressources dont elles disposent pour y faire face peuvent paraître, pour certaines d?entre elles, faibles" et fait état de certaines situations communales "particulièrement préoccupantes". "Le potentiel financier moyen des 100 communes comportant les ZUS les moins bien pourvues en ressources fiscales est inférieur de 57% à celui des 100 communes comportant les ZUS les mieux pourvues", constate de même le rapport. L'Onzus insiste de ce fait sur les "insuffisances de la géographie prioritaire de la politique de la ville" et déplore que "l'effet de la péréquation, dans son action de réduction des inégalités des ressources, n'apparaît pas corrélé, avant la réforme de la DSU en 2005, avec le classement en ZUS ou en ZFU".
Pour Bernadette Malgorn, la géographie actuelle des ZUS doit sans doute être revue, "afin que les politiques publiques soient concentrées sur les territoires aujourd'hui les plus prioritaires". Une telle révision du zonage prioritaire devrait d'ailleurs, estime l'Onzus, se faire de façon régulière, "de façon à inscrire la politique de la ville dans un mouvement de dynamique des territoires, avec pour objectif de ne pas pérenniser au-delà du nécessaire des procédures exceptionnelles mais de les cibler alternativement là où elles sont temporairement utiles".
C.M.